Meilleur gardien de son époque et l'un des meilleurs de l'histoire de la LNH, Patrick Roy peut brandir quatre Coupes Stanley, trois trophées Conn-Smythe, trois trophées Vézina et cinq trophées Jennings au visage de quiconque oserait mettre en doute sa place parmi les plus grands.

À la retraite depuis bientôt 10 ans, Patrick Roy est maintenant entraîneur-chef. Et bien qu'il n'ait qu'une Coupe Memorial, emblème de la suprématie du hockey junior canadien, pour auréoler sa nouvelle carrière, l'ancien grand gardien est devenu un excellent coach.

À la barre de ses Remparts pour une septième année consécutive, Patrick Roy pourrait-il faire le grand saut dans la LNH dès l'an prochain, se retrouver derrière le banc du Canadien et y obtenir du succès?

«Je ne sais pas quel genre de succès Patrick obtiendrait avec le Canadien. Mais je peux t'assurer qu'il est prêt pour ce challenge. Il a tous les outils, tout le talent et toute l'expérience nécessaires pour faire le job et bien le faire.»

Ce vibrant plaidoyer ne vient pas de Martin Laperrière ou de Christian Larue, les deux adjoints de Patrick Roy chez les Remparts. Il ne vient pas non plus de Jacques Tanguay, de Michel Cadrin ou d'André Desmarais, ses complices et copropriétaires de la plus grosse équipe junior du Québec. Il vient de Benoît Groulx, un redoutable adversaire de Patrick Roy, de retour à la barre des Olympiques de Gatineau après un séjour à Rochester, dans la Ligue américaine.

Coach d'abord et avant tout

Les rumeurs l'envoient à Montréal tantôt comme entraîneur-chef, tantôt comme directeur général, tantôt coiffé des deux titres. Patrick Roy, lui, s'affiche comme entraîneur d'abord et avant tout.

Patins aux pieds, l'oeil aussi vif pour déceler les erreurs d'exécution qu'il l'était pour suivre les rondelles filant vers lui à 100 à l'heure, Patrick Roy ne rate rien de l'entraînement qu'il dirige à quelques heures de la première partie de la série opposant son équipe aux Mooseheads de Halifax, en deuxième ronde des séries de la LHJMQ.

Il distribue les directives et donne le rythme à son entraînement en alternant entre le fracas de la lame de son bâton sur la patinoire et le son strident qui sort de sa bouche lorsqu'il siffle... sans sifflet.

En soirée, pendant le match, rien n'a échappé à Patrick Roy: des erreurs de ses joueurs aux vilaines habitudes de leurs adversaires, sans oublier les décisions douteuses des arbitres qu'il n'a pas manqué de rabrouer avec un brin de fougue et deux brins de mesquinerie.

Actif derrière le banc, allant et venant pour donner un ordre ici, apporter un correctif là, il dictait les changements de trios au rythme de son sifflet naturel. Et comme ses gros canons évoluant au sein du trio piloté par Mikhail Grigorenko semblaient bourrés de poudre humide impossible à faire exploser, Roy n'a pas hésité à se rabattre sur des joueurs moins flamboyants, mais nettement plus efficaces, pour confirmer une victoire de 5-3 aux dépens des adversaires venus des Maritimes.

Grand gagnant

Patrick Roy est heureux à Québec, à la tête et derrière le banc de ses Remparts. Il n'a pas appelé Geoff Molson pour lui offrir ses services. Et au moment de notre entretien avec lui (le 6 avril), ni Molson ni son conseiller Serge Savard ou quelque messager que ce soit ne l'avait contacté pour lui offrir d'emploi.

Malgré tout, des sondages distincts commandés par La Presse et Le Journal de Montréal confirment qu'il est le choix populaire pour hériter du poste d'entraîneur-chef du Canadien.

«C'est flatteur. Ça veut dire que les gens ne m'ont pas oublié ou qu'ils ont tiré un trait entre ce qui m'est arrivé comme joueur quand je suis parti, et l'entraîneur que je suis devenu. Quand je regarde ça, je suis gagnant sur toute la ligne. Je fais ce que j'aime ici. Je continue à apprendre, car j'ai beaucoup appris au cours des trois dernières années, et on verra ce qui arrivera ensuite», m'a lancé Patrick Roy lors d'un très long point de presse.

Roy en a profité pour répliquer aux critiques qui le visent tout en s'insurgeant contre le déferlement de rumeurs sorties d'on ne sait où.

«J'ai tellement entendu de folies depuis quelques semaines que j'aime mieux en rire. Quand j'entends des journalistes en entrevue à la radio ici à Québec lancer qu'ils ont des sources béton qui confirment que j'ai une offre du Canadien en main, je ne peux pas m'empêcher de rire. Vous prenez ça où vos sources béton?», a lancé Roy.

«Je suis quand même au courant de ce qui se passe dans ma vie et quand j'entends ça, j'apprends des affaires que j'ignorais. C'est quand même drôle.»

De toutes ces nouvelles, celles qui l'ont le plus amusé soutiennent qu'il a conclu des achats de maisons ou de terrains aux quatre coins de la Rive-Sud de Montréal. «C'était vraiment n'importe quoi!»

Patrick Roy rit moins lorsqu'il entend encore qu'il est trop arrogant pour occuper le poste d'entraîneur-chef du Canadien. Qu'il ne pourrait travailler en équipe et respecter des décisions collectives qui iraient contre ses volontés personnelles.

«Je sais comment je travaille et je sais comment je traite ceux avec qui je travaille. Et je sais comment ces personnes me perçoivent. Ça n'a rien à voir avec ce qu'on raconte sur moi. Mais je me rends compte que je ne peux rien faire contre les réputations qui sont propagées.»

Manque d'expérience

Au-delà des sondages positifs et d'une réputation qui l'est moins, un point demeure: Patrick Roy n'a pas la moindre expérience dans la LNH à titre d'entraîneur. Mais au dire de Benoît Groulx, il surmonterait facilement ce handicap. «Le fait d'être un ancien joueur lui a certainement ouvert la porte dans le coaching au début. Mais il a fait ses classes. Et s'il monte dans la LNH, ce ne sera pas parce qu'il est Patrick Roy l'ancien gardien. Ça l'aidera peut-être dans ses approches initiales avec les joueurs. Mais ils verront rapidement que s'il est là, c'est surtout parce qu'il est un très bon coach.»

Un point de vue que partage Maurice Dumas. Ancien directeur des sports et aujourd'hui chroniqueur au Soleil à Québec, Dumas dresse un parallèle entre Patrick Roy et Michel Bergeron, qu'il a vu arriver à la barre des Nordiques alors qu'il était affecté à la couverture quotidienne des Bleus.

«À bien des égards, Patrick et Michel se ressemblent. Surtout comme coachs. Ils ont du front tout le tour de la tête, ils ont des caractères forts et des ego qui vont avec, mais Patrick, comme Michel l'était lorsqu'il a pris la place de Maurice Filion en arrivant pratiquement des Draveurs de Trois-Rivières, me donne vraiment l'impression d'être prêt pour la LNH comme coach.»

Roy se dit préoccupé par deux choses et deux choses seulement: ses Remparts et les séries éliminatoires. «Si je reçois une proposition, j'aurai des décisions à prendre. J'ai vécu cette situation il y a trois ans quand Pierre (Lacroix) m'a offert le job à Denver (Avalanche du Colorado). J'étais intéressé. Mais je n'étais pas prêt», a convenu Patrick Roy.

Trois ans plus tard, on le sent beaucoup plus prêt à faire le saut. Le grand saut. Il ne reste qu'à attendre de voir si le Canadien lui offrira le tremplin pour le réaliser.