Les Predators de Nashville disputent samedi soir le 1000e match régulier de leur existence. Voilà une bonne occasion de mesurer le chemin parcouru par cette organisation depuis octobre 1998. Le directeur général David Poile et l'entraîneur-chef Barry Trotz, tous deux en poste depuis la naissance de l'équipe, ont bien voulu se prêter à l'exercice.

«C'est tout un accomplissement pour l'organisation, a d'abord lancé Trotz devant quelques journalistes. Nous étions une équipe d'expansion et nous avons eu en cours de route des changements de propriétaire. Les gens se demandaient si le hockey allait survivre ici, et c'est ma plus grande satisfaction de savoir que le hockey est maintenant dans l'ADN de Nashville de façon permanente.»

Or, si les deux hommes ont permis aux Predators de s'enraciner et d'avoir des assises solides, les résultats n'ont pas toujours été au rendez-vous.

«Dans certains autres marchés, Barry et moi ne serions pas restés longtemps», a convenu David Poile en évoquant la patience des propriétaires.

Poile va devenir le premier DG dans l'histoire de la LNH à avoir été à la tête de deux équipes différentes durant plus de 1000 matchs. Rappelons qu'il a tenu les guides des Capitals de Washington de 1982 à 1997.

«Le fait d'être à la tête d'une équipe d'expansion m'a permis de mettre mon empreinte à tous les niveaux, à travers le personnel de bureau, les recruteurs et le groupe d'entraîneurs, a expliqué Poile en entrevue avec La Presse. Et je suis certain que de voir cette franchise se développer dans un marché de hockey non-traditionnel est ce qui va me procurer plus tard mes souvenirs les plus évocateurs.»

Barry Trotz a expliqué Poile s'était appliqué, dès les débuts de la concession, à développer des gens plus que des joueurs ou des entraîneurs.  

«J'avais demandé conseil à plusieurs personnes sur la façon de mettre sur pied une équipe d'expansion et l'on m'avait dit de miser sur du personnel d'expérience, car c'était la façon la plus rapide de bâtir, raconte Poile à cet effet.

«Mais je me suis dit: non, il s'agit d'un club d'expansion, c'est une occasion de développement pour tout le monde. J'ai donc offert à tout le monde un poste plus élevé dans la hiérarchie que celui qu'ils occupaient auparavant.»

Malgré les défis économiques et les changements de propriétaire, les principes mis de l'avant par Poile sont demeurés les mêmes: miser sur un bon repêchage, sur un bon développement dans la Ligue américaine et, tant sur la patinoire qu'à l'extérieur, promouvoir de l'intérieur de l'organisation.

«Regardez à travers la ligue combien de nos anciens joueurs jouent ailleurs, combien de personnel hockey ou de recruteurs les Predators ont développé, ajoute Barry Trotz. C'est David qui leur a permis de gravir les échelons.»

L'éléphant dans la pièce

Depuis leurs débuts dans la LNH, les Predators ont attiré en moyenne 14 900 spectateurs au Bridgestone Arena. Cela correspond à un taux d'occupation de 87%.

L'an passé, première saison où l'équipe a atteint la deuxième ronde des séries, la moyenne a grimpé à 16142 (94%). Et les premiers matchs de la présente campagne confirment cette hausse.  

« Nos amateurs sont très loyaux, ce qui cadre bien avec nous, avance David Poile. Nous travaillons fort chaque soir. Nous ne gagnons pas toujours, nous ne sommes pas les plus talentueux, mais nos fans ne sont jamais déçus de notre ardeur au travail.»

Mais n'y a-t-il pas un moment où les amateurs ont cessé de considérer les Predators comme une nouveauté et qu'ils ont réclamé une équipe gagnante?

«Tout de suite après le lock-out, nous avons embauché Paul Kariya et ça a marqué le début d'un changement, répond Barry Trotz. Nous étions une jeune mais très bonne équipe. En plus de Kariya, nous avions des gars comme Scott Hartnell, Kimmo Timonen et Scottie Upshall. Nous avions cessé d'être une équipe d'expansion pour devenir une équipe compétitive.»

En effet, depuis le lock-out, les Predators ont participé aux séries éliminatoires chaque année sauf une. Mais ils étaient incapables de franchir la première ronde.  

«C'était l'éléphant dans la pièce, admet Trotz. Ç'en était devenu psychologique. Le fait qu'on ait réussi ça le printemps dernier marquera, j'espère, un tournant dans notre développement.

«Car lorsqu'on a été éliminé par Vancouver, j'ai senti après le match que les joueurs avaient réalisé qu'ils étaient plus proches encore qu'ils ne se l'étaient imaginés. Une fois qu'on sait ce genre de chose, on peut voir de quoi est fait le niveau suivant à atteindre.

«Nous n'allons plus nous satisfaire de faire les séries. Nous voulons gagner la Coupe et nous y croyons plus fermement qu'avant.»

De Rinne à Radulov

David Poile a consenti la semaine dernière un contrat de sept ans d'une valeur de 49 millions à Pekka Rinne. Un contrat controversé parce qu'il fait fi des exemples récents de gardiens dont le rendement a fluctué après la signature d'un long contrat.

Mais Poile n'en a cure. L'esprit de famille qui règne à Nashville, c'est bien beau, mais il faut avoir d'autres arguments pour convaincre les joueurs de talent de rester.

Le dossier Rinne étant réglé, Poile devra s'attaquer à ceux de Shea Weber et Ryan Suter.

«Nous ferons notre possible pour les garder tous les trois, affirme le DG. Nous avons commencé avec Rinne, qui est à notre avis l'un des meilleurs, sinon le meilleur gardien de la ligue. Nous espérons aussi retenir Weber et Suter, car ce sont là nos trois meilleurs joueurs.»

Puisque l'équipe se débrouille avec une enveloppe salariale très limitée, on se demande s'il restera de l'argent pour ajouter quelques marqueurs prolifiques à l'avant.

«Dans le contexte actuel, il est difficile de tout avoir, réplique Poile. Nous avons un bon groupe de défenseurs et un excellent gardien. Nous avons aussi un groupe d'attaquants qui n'est pas reconnu à sa juste valeur.

«Mais nous en avons une vedette offensive, seulement nous avons eu une malchance avec elle. Alexander Radulov a un contrat de la LNH, mais il ne joue pas en Amérique du Nord présentement.

«À savoir s'il reviendra, tout dépend de lui. Mais j'ai de la difficulté à croire qu'il ne veut pas revenir dans la meilleure ligue au monde.»

Trotz est toujours resté à l'écoute

Barry Trotz, lui, n'atteindra le plateau des 1000 matchs que mardi prochain. C'est qu'il a dû rater une rencontre, il y a quelques années, afin d'accompagner son épouse, qui était en deuil de son père.

«Je n'étais même pas sûr de passer à travers la première année, se souvient Trotz. Maintenant, j'atteins le cap des 1000 matchs avec la même équipe, et les rares gens qui l'ont fait sont des légendes. Être associé à eux me rend un peu inconfortable.»

En discutant avec Trotz, on réalise que la communication et l'esprit de famille qu'il a voulu cultiver au sein de l'équipe ne sont pas étrangers à sa longévité. Et l'on peut voir certaines similitudes avec les convictions de Guy Boucher.

«Quand on traverse des moments difficiles, les joueurs savent que les solutions se trouvent à l'interne. Changer d'entraîneur ou de directeur général ne fait pas partie de la discussion ici. Cela place donc beaucoup de responsabilités sur le groupe de joueurs.

«Ça me permet de demander certaines choses aux joueurs parce que j'ai établi un lien de confiance avec eux au fil des ans. Dans certaines équipes, l'entraîneur s'amène et ne fait que donner ses instructions. Moi je me préoccupe des joueurs, et ils le savent. De sorte que je peux pousser assez loin dans mes demandes et les joueurs comprennent que c'est seulement parce que je veux qu'ils soient meilleurs.»