On avait tous hâte de voir Alexei Emelin à l'oeuvre. Depuis sa sélection en troisième ronde, au repêchage de 2004, les amateurs s'étaient fait de lui une image idyllique.

Mais après être débarqué à Montréal avec un poste quasi assuré - une clause dans son contrat lui permet de retourner en Russie s'il est cédé à Hamilton - Emelin constate que, malgré ses atouts, rien ne lui est acquis.

«Je dois prouver que je suis capable de jouer dans cette ligue et que j'y ai ma place», a indiqué Emelin à La Presse par le biais d'une interprète.

Le défenseur russe, qui regardera ce soir un cinquième match consécutif du haut des tribunes, peut-il se dire satisfait de son utilisation depuis le début de la saison? «C'est une question difficile, répond-t-il après un long silence.

«Tout joueur veut jouer le plus possible. Quand j'étais en Russie, j'étais souvent sur la glace et l'on me faisait confiance. Mais je ne pouvais pas être certain de jouer tous les matchs en arrivant ici. Je savais que la compétition serait très relevée au sein même de l'équipe.»

Pourrait-il retourner dans la KHL après cette saison si les choses ne vont pas à son goût chez le Canadien?

«C'est dur à dire maintenant. Pour l'instant, je suis ici et je vais continuer mon entraînement. Le temps le dira.»

Ce qui est toutefois clair dans son discours, c'est que les histoires d'ajustement au hockey nord-américain, c'est de la foutaise. Emelin ne se considère aucunement en période d'adaptation.

«La dimension de la patinoire, par exemple, ne me dérange pas. J'ai déjà participé à des compétitions internationales sur des patinoires de ce format et ça n'a jamais été un gros problème.

«Je suis prêt à jouer et je me sens bien.»

Mais cela ne signifie pas pour autant qu'Emelin soit comblé par son jeu.

«L'opinion de mon entraîneur dans la KHL était qu'un défenseur devait toujours s'assurer que l'aspect défensif était maîtrisé à la perfection avant de penser à l'attaque», évoque le jeune homme, qui a endossé cette philosophie en arrivant avec le Canadien.

«Or, je dois améliorer ma façon de me porter à l'attaque. Je constate que c'est très important ici que les défenseurs puissent appuyer l'attaque. Ma transition doit être plus rapide et plus efficace.»

Les batailles... vues d'un mauvais oeil

L'arrière de 25 ans réfute la théorie voulant qu'il soit prudent dans ses mises en échec afin d'éviter de se faire prendre hors position.

«Je n'ai aucun complexe ni aucune peur par rapport au fait de frapper», insiste-t-il.

Mais en ce qui a trait aux bagarres, c'est une autre paire de manches.

En mars 2009, Emelin a été victime de multiples fractures au visage lors d'un combat avec Alexander Svitov. Les médecins ont dû lui poser des plaques de titane rattachées à l'os orbital gauche et l'opération lui a fait rater plusieurs semaines d'activité.

«Je ne suis pas du genre à me battre souvent, mais je ne reculerai pas si la situation le demande, établit d'abord Emelin. Mais il faut que je me tienne loin des combats maintenant parce que si je me blesse encore au visage, ça va mal se terminer. Ces pièces de titane sont très proches de mon oeil et pourraient le mettre en danger si je me blessais à nouveau.»

Une arrivée tardive dans la LNH

On n'attendait presque plus Emelin tellement son parcours vers la LNH avait été parsemé d'embûches.

Que s'est-il passé?

Il faut d'abord dire qu'Emelin est originaire de Togliatti, une ville d'environ 700 000 habitants qui considère Alex Kovalev comme son citoyen numéro un. C'est là que se trouve le siège social des automobiles Lada, et c'est d'ailleurs avec le Lada Togliatti qu'Emelin a amorcé sa carrière chez les pros.

Or, en 2007, l'équipe a dû renoncer à lui en raison de problèmes financiers. Elle a été chassée de la KHL depuis, n'ayant pu se doter d'un amphithéâtre convenable.

«Les commandites qui aidaient aux opérations du club ont cessé pendant un certain temps et l'équipe a décidé de me vendre à Ak Bars Kazan, raconte Emelin. À l'époque, je ne savais rien de l'intérêt du Canadien à me faire signer un contrat. Les conditions que m'offrait Kazan étaient très avantageuses, mais j'espérais des nouvelles du Tricolore.

«Ce n'est qu'après avoir signé mon contrat que j'ai appris que la porte était ouverte pour moi à Montréal. Mais il était trop tard.»

Emelin admet qu'il aurait probablement fait un choix différent si l'on avait agi avec transparence avec lui.

«Mon agent de l'époque, Mark Gandler, ne m'a simplement jamais relayé l'information», soupçonne-t-il.

Lorsque l'entente avec Kazan est arrivée à échéance, en 2009, le DG Bob Gainey et l'agent Don Meehan ont relancé le dossier Emelin. Mais l'offre du CH n'étant pas compétitive par rapport à ce qu'on lui offrait à Kazan, le jeune défenseur a choisi de rester en Russie deux ans de plus.

Kostitsyn le traducteur

Emelin est finalement arrivé à Montréal au milieu de l'été en compagnie de son épouse et de leur fille âgée de quatre ans. L'ajustement à la vie quotidienne n'a pas été évident, mais selon lui, tous les irritants ont été réglés.

La langue continue d'être un obstacle, mais elle l'est un peu moins chaque jour.

«Un professeur vient chez moi une ou deux fois par semaine. Parfois, je dois sacrifier du sommeil ou des choses comme ça, mais je comprends l'importance d'améliorer mon anglais.»

Dans l'entourage de l'équipe, c'est Andrei Kostitsyn qui lui sert d'interprète.

«Quand il s'agit d'explications stratégiques, je peux communiquer sur la glace avec les entraîneurs en utilisant le tableau. Mais lorsque je dois avoir une conversation avec l'entraîneur-chef, Andrei m'aide avec la traduction.

«Jaroslav Spacek, lui, m'aide davantage sur la glace. Il est défenseur lui aussi et il m'aide avec ma position.»

- Avec la collaboration d'Elena Botchorichvili