En expliquant qu'ils étaient «en terrain inconnu» devant les conséquences de sa commotion cérébrale, le 7 septembre en conférence de presse, Sidney Crosby et ses médecins ont rappelé à quel point les connaissances médicales restent limitées en ce qui concerne les blessures au cerveau.

Dans l'ombre, de nombreux spécialistes poursuivent toutefois les recherches fondamentales et leurs découvertes ne sont guères rassurantes pour les victimes de commotion, surtout celles qui ont subi plus d'une blessure.

Dave Ellemberg est professeur à l'Université de Montréal et directeur du Laboratoire de neuropsychologie du sport et du développement. Passionné par le sujet, le professeur est à la fine pointe des recherches en cours. Ses collègues et lui ont notamment créé des outils pour étudier l'intérieur des fibres du cerveau et mesurer l'impact des traumatismes.

«Nous observons vraiment la microstructure et la chimie du cerveau, a-t-il expliqué, hier, en entrevue à La Presse. Dans les cas de commotions multiples, des séquelles sont souvent visibles plusieurs mois voire plusieurs années après la blessure et de nombreuses fonctions ne sont pas de retour avant de longs délais.»

Complications

Le professeur Ellemberg a rappelé que si 70% des victimes d'une première commotion peuvent espérer une guérison complète en une semaine, 30% vivent des complications et un délai prolongé de guérison. Et tout devient plus compliqué quand un athlète subit plus d'une commotion.

«C'est difficile de penser que des athlètes de pointe dans des sports comme le hockey ou le football puissent atteindre les rangs professionnels sans avoir subi des traumatismes au cerveau au cours de leur carrière», a estimé Ellemberg, rappelant que de nombreux sportifs ignorent souvent avoir été victimes d'une commotion.

«Les probabilités qu'une victime de commotion subisse une autre blessure du même type sont cinq à sept fois plus élevées si elle revient à la compétition lorsqu'elle a encore des symptômes», a souligné Ellemberg.

Les «cultures» du hockey et du football, avec les pressions pour hâter le retour au jeu, contribuent donc à augmenter les risques et l'accumulation des commotions a des conséquences à très long terme. «De nombreuses études ont montré le lien entre les commotions et des maladies dégénératives du cerveau, comme l'encéphalopathie traumatique chronique (ETC)», a souligné le spécialiste.

Les dernières découvertes dans ce domaine sont particulièrement inquiétantes puisque l'équipe de la Dre Ann McKee, à Boston, a récemment découvert les signes de l'ETC dans le cerveau d'athlètes morts dans la quarantaine.

Simples questionnaires

Alors que les preuves médicales et scientifiques sont de plus en plus nombreuses sur la gravité et sur les conséquences des blessures sportives au cerveau, les responsables des circuits professionnels et des organisations sportives débattent encore des mesures à adopter.

«On continue encore, même dans la LNH et dans les ligues d'élite, à utiliser de simples questionnaires désuets pour mesurer la guérison des athlètes et valider leur retour au jeu, s'insurge le professeur Ellemberg. Il existe pourtant des tests informatiques objectifs, qui impliquent des coûts, certes, mais qui sont certainement plus fiables.

«Et c'est déplorable de voir qu'un athlète comme Sidney Crosby est obligé de justifier en conférence de presse sa décision de ne pas revenir au jeu tant qu'il n'aura pas recouvré une parfaite santé.

«Les gens doivent comprendre que ce ne sont pas des symptômes abstraits. Dans le cas d'un joueur comme Crosby, les fonctions atteintes influencent directement ses performances. Revenir au jeu dans ces conditions augmenterait les risques de façon considérable.»