Lorsqu'il a appris l'horrible nouvelle de l'écrasement de l'avion et de la mort de tous les membres de l'équipe, sauf un, Jorma Valtonen dit que sa première réaction a été l'incrédulité.

Ces joueurs que l'on croyait disparus, ces entraîneurs présumés morts, Valtonen avait partagé un repas avec eux quelques heures plus tôt seulement au camp d'entraînement du Lokomotiv de Yaroslav, un club de premier rang de la meilleure ligue de hockey en Europe. Mais après un repas de poisson et de pommes de terre en purée, les voies du destin se sont séparées.

Valtonen, 65 ans, entraîneur finlandais des gardiens de but de l'équipe russe, s'attendait à être à bord du vol funeste pour assister au match d'ouverture de la saison à Minsk, en Biélorussie, pays voisin de la Russie. Le club lui avait même obtenu le visa nécessaire pour le voyage.

Lorsque les dirigeants du club ont fait le choix à la dernière minute de laisser Valtonen derrière, ce dernier avoue avoir été «quelque peu déçu». Il lui était alors impossible de savoir que cette décision allait lui sauver la vie.

L'avion nolisé de l'équipe s'est écrasé peu après le décollage mercredi après-midi, tuant 43 personnes à bord.

René Fasel, président de la Fédération internationale de hockey sur glace, a qualifié l'accident «de jour le plus sombre de l'histoire de notre sport.»

Valtonen, lui, continue de méditer sur les caprices du hasard qui l'ont épargné.

«Je ne sais que dire, il semble que j'ai été chanceux, a -t-il dit au téléphone de Yaroslav. Mais c'est horrible, horrible. Je réponds à des courriels et à des messages textes de mes amis qui demandent si je suis en vie ou non.»

Mais avant de répondre à ces courriels, Valtonen a téléphoné à Yuri Karmanov, l'un des dépisteurs du club. C'est Karmanov qui a suggéré au directeur général du club de laisser Valtonen à Yaroslav, une ville d'environ 600 000 habitants à quelque 240 kilomètres au nord-est de Moscou.

Karmanov a expliqué qu'il pensait que Valtonen serait plus utile s'il restait à Yaroslav pour travailler avec l'équipe professionnelle de niveau intermédiaire du Lokomotiv et avec l'école de hockey pour jeunes.

«Jorma [Valtonen] m'a téléphoné en pleurant et il disait: "Merci, Yuri, tu m'as sauvé la vie." Je crois que nous étions tous sous le choc», racontait Karmanov mercredi de la Russie.

La bonne fortune de Valtonen a cependant peu contribué à atténuer le tragique du moment. Comme la plupart des autres entraîneurs de l'équipe, il avait joint les rangs du Lokomotiv cet été.

Valtonen, qui avait gardé les buts de l'équipe nationale finlandaise lors de trois Jeux olympiques, y compris à ceux de Lake Placid, aux États-Unis, en 1980, explique qu'il avait déjà tissé des liens avec ses collègues, dont l'entraîneur-chef Brad McCrimmon, ancien joueur de la LNH et défenseur d'Équipe Canada, qui, à 52 ans, se trouve parmi les morts.

«Je me sens vraiment, vraiment triste, bien sûr, parce qu'on a des amis dans l'équipe, on a travaillé deux mois avec eux, chaque jour, dit Valtonen. Ce matin [mercredi, le jour du drame], j'ai participé à un exercice avec l'équipe, j'ai mangé avec eux et puis je suis retourné à la maison. Je leur ai souhaité de connaître de bonnes parties, de revenir avec des points au classement et puis, c'est arrivé. On ne peut jamais accepter quelque chose comme cela.»

Lors du repas mercredi, les membres de l'équipe étaient optimistes, raconte Valtonen. Il en est peut-être toujours ainsi à la veille du premier match de la saison, mais le Lokomotiv, qui évolue dans la ligue Continentale, avait connu de bons succès en matchs préparatoires.

Ainsi, l'équipe avait remporté un tournoi à Riga, en Lettonie. Et puis, le gardien no 1 de l'équipe, Stefan Liv, un Suédois d'origine polonaise qui avait été un choix des Red Wings de Detroit au repêchage de l'an 2000, avait récemment remporté trois parties sans accorder un seul but. Liv, 30 ans, a aussi péri dans l'écrasement.

«Tout le monde était de bonne humeur au dîner, dit Valtonen. Tout a bien fonctionné en avant-saison. Nous jouions de mieux en mieux. Nous avions de grandes attentes. Le championnat est toujours le seul objectif ici à Jaroslav.»

Si un championnat constitue toujours l'objectif à atteindre, faire progresser les jeunes espoirs du club demeure aussi une priorité. Valtonen explique que c'est l'accent sur le développement qui explique la décision de ne pas le faire monter à bord de l'avion.

«J'étais un peu déçu, convient-il, mais j'ai un contrat qui dit que je dois travailler avec tous les clubs, alors j'ai dit ''OK, je vais rester ici et travailler avec les gardiens de la deuxième équipe, les jeunes.''

«Il semble que ce fut ma chance. Ça reste difficile de croire que c'est arrivé.»