La justice règlera-t-elle les problèmes de violence au hockey?

La poursuite intentée récemment par sept anciens footballeurs de la NFL encore handicapés par des commotions cérébrales pourrait avoir des répercussions sur la Ligue nationale de hockey.

«Ça ouvre un panier de crabes, admet l'agent de joueurs Kent Hughes, du moins ça fait germer l'idée dans la tête d'anciens joueurs ou leur famille. J'ai l'impression que la LNH va suivre de près ce qui se passe dans la NFL.»

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Les footballeurs, menés par l'ancien quart des Bears de Chicago, Jim McMahon, accusent la Ligue de les avoir entraînés à frapper avec la tête, de ne pas avoir soigné convenablement leurs commotions cérébrales et d'avoir ignoré pendant des décennies les liens entre le football et les effets des blessures au cerveau.

Kent Hughes, qui est aussi avocat, a eu de nombreuses discussions à cet effet avec des spécialistes médicaux. Trois de ses joueurs, Patrice Bergeron, Peter Mueller et Matthew Lombardi ont souffert de commotions cérébrales sévères.

Il a notamment échangé avec le Dr Robert Cantu, codirecteur du Centre pour l'étude de l'encéphalopathie traumatique, à l'Université de Boston pour connaître les risques encourus par ses joueurs.

«Nous ne le saurons pas avec précision avant une dizaine d'années, mais il me confiait que le hockeyeur moyen ne devrait pas ressentir les mêmes séquelles que le footballeur. Il est surtout inquiet pour les athlètes qui reçoivent des coups de façon répétitive au cerveau, comme les joueurs de football. Ceux-ci peuvent développer une maladie dégénérative (Encéphalopathie traumatique chronique, ou ETC) qui peut provoquer une dépression et la dépendance et mener à la démence. Les hockeyeurs qui ont souffert de commotions sévères n'ont pas nécessairement reçu de coups de façon répétée pendant des années.»

Kent Hughes estime aussi qu'il est parfois difficile de distinguer une commotion cérébrale sévère d'une blessure cervicale.

«Matthew Lombardi souffrirait d'une blessure au cou. Il a recommencé à s'entraîner et en principe, il pourrait jouer cette année. Peter Mueller va mieux lui aussi et il rencontrera le docteur Cantu la semaine prochaine. Il y a toute une zone grise dans ce dossier.»

Mais il y a un groupe de hockeyeurs plus menacé, selon Kent Hughes. «Le docteur Cantu me mentionnait que les bagarreurs sont les plus à risque. Un mois avant qu'on ne dévoile le résultat des analyses du cerveau de Bob Probert, on avait découvert en étudiant le cerveau d'un ancien bagarreur francophone de ligues professionnelles mineures qu'il souffrait lui aussi d'ETC, comme Probert. Je suis curieux de connaître les résultats dans le cas de Derek Boogaard et Rick Rypien, décédés récemment.»

Boogaard est mort d'un cocktail fatal de puissants anti-inflammatoires et d'alcool tandis que Rypien s'est suicidé après avoir longtemps souffert de dépression.

D'anciens durs à cuire ou leurs proches pourraient-ils un jour intenter un recours collectif contre la Ligue nationale de hockey?

«L'idée n'est pas farfelue», prétend Me Patrice Deslauriers, professeur à l'Université de Montréal, sommité québécoise en responsabilité civile et connaisseur de hockey.

«Ça n'est pas évident toutefois car c'est un rôle qui comporte des risques connus, ajoute-t-il. Les bagarreurs aussi ont une part de responsabilité. Ils ne sont pas totalement innocents. Par contre, j'aurais tendance à croire qu'il pourrait y avoir malgré tout un précédent applicable au hockey. C'est clair qu'on a minimisé les risques. On les traite de peureux quand ils n'y vont pas.»

Kent Hughes estime que la menace de poursuites judiciaires pourrait contribuer à accélérer le changement de culture dans le monde du hockey.

«Je sentais déjà une plus grande sensibilité de la part des équipes. Et si je me fie à mon voyage de la semaine dernière au camp de recherche et développement de la LNH à Toronto, où l'on tente plusieurs expériences pour améliorer la sécurité des joueurs, les dirigeants de la Ligue agissent rapidement et les poursuites vont contribuer à accélérer le processus. Les bagarres? Je ne serais pas surpris qu'elles disparaissent si l'on prouve qu'elles sont nocives pour le cerveau. Surtout si Boogaard et Rypien ont les mêmes dommages au cerveau qui découlent de l'ETC.»