Les Sharks de San Jose sont en vacances et on entend déjà leurs dénigreurs les qualifier de faible club psychologiquement.

Mais peut-on vraiment déprécier une équipe qui vient d'atteindre le carré d'as deux années de suite, et un capitaine, Joe Thornton, dont la récolte de points le place au troisième rang dans les séries éliminatoires de la LNH?

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Les Canucks de Vancouver et leur gardien Roberto Luongo, eux, viennent probablement de se libérer de l'étiquette parce qu'ils ont finalement atteint la finale en battant les Sharks en cinq matchs. Mais il ne leur faut pas trébucher en finale...

Le jugement est parfois sévère au tribunal du fan de sport. Il y a le noir et le blanc, jamais ou très peu de gris. Il y a 30 équipes, la compétition est plus vive que jamais en cette ère de grande parité, mais l'athlète de premier plan sera condamné au titre de chockeur pour l'éternité s'il n'arrive pas à soulever le précieux trophée.

Les Sharks, en outre, comptaient de nombreux blessés importants, dont Thornton, qui jouait en dépit d'une entorse à une épaule.

J'en discutais hier avec Éric Desjardins. L'ancien défenseur de la LNH est bien placé pour parler du sujet. Ses trois buts en troisième période contre les Kings de Los Angeles en finale de 1993 ont propulsé le Canadien vers la conquête de la Coupe. Puis, il a passé les 11 saisons suivantes chez les Flyers de Philadelphie, dont 5 à titre de capitaine, au sein d'un club puissant, mais jamais assez opportuniste pour remporter la Coupe. Il connaît les deux côtés de la médaille.

«Le terme chockeur devrait être éliminé du vocabulaire des gens, dit Desjardins. D'abord, c'est enlever le crédit aux adversaires. Ensuite, il y a trop d'éléments dont on dépend pour remporter une Coupe Stanley. J'ai connu de grands joueurs, qui étaient de grands leaders, mais ils n'ont jamais eu la chance de la gagner. J'ai connu des individus minables qui ont gagné parce qu'ils se sont retrouvés au sein de bonnes équipes. J'ai connu des athlètes qui ont peu joué dans la LNH, mais qui se sont retrouvés au bon endroit au bon moment.»

Desjardins compatit avec les Sharks. «La pression est énorme sur une telle équipe. C'est un très bon club qui est passé près de réussir. Et dans le cas de Thornton, de quoi on peut l'accuser, il produit dans les séries. On peut à la limite faire des reproches à cette équipe collectivement, mais pas montrer du doigt des individus parce que ça reste un sport d'équipe.»

«Au hockey, on dépend non seulement de l'adversaire, mais du gardien, des joueurs d'avant, des blessures, du contexte. Il y a une grande différence avec un golfeur qui perd le Tournoi des Maîtres avec cinq coups d'avance au début de la journée ou avec un joueur de tennis qui s'écroule à Wimbledon. Le hockey est même plus collectif à la limite que le football. John Elway a longtemps été qualifié de chockeur justement, mais au football, l'équipe dépend davantage de celui qui tient le ballon. Le quart-arrière fait une grande différence. Même si le gardien est important au hockey.»

Et si Desjardins pouvait redonner ses lettres de noblesse à un hockeyeur? «Ron Hextall, répond-il sans hésitation. Il avait un esprit de gagnant. Il n'a jamais remporté la Coupe, mais il a gagné le Conn-Smythe en 1987. Il avait le souci du détail et même s'il a eu l'air fou par moments, contre le Canadien entre autres, il avait l'équipe à coeur. Tout ce qu'il faisait, c'était pour ses coéquipiers, c'était une attitude de gagnant. J'ai toujours trouvé injuste qu'on affirme que les Flyers n'ont pas remporté la Coupe depuis 1975 parce qu'ils n'avaient pas de gardiens de qualité.»