Quand Alain Vigneault a vu fondre l'avance de 3-0 dont ses Canucks profitaient contre les Blackhawks de Vancouver en première ronde des séries, l'entraîneur-chef a refusé de paniquer.

Il faut dire que ce n'est pas dans sa nature...

Mais s'il n'est pas du genre à sombrer dans la panique, Vigneault n'hésite jamais à faire appel à ses «amis» qui gravitent autour du hockey. Des amis d'hier, des amis d'aujourd'hui, des amis qui pourraient même devenir des ennemis demain.

Quand les Canucks se sont retrouvés au coude à coude avec les Blackhawks à la veille du septième et décisif match, Vigneault a saisi le téléphone et a fait un appel à l'autre bout du continent dans le bureau du coach des Bruins de Boston. Après avoir pianoté 11 touches de son clavier, Vigneault était en ligne avec Claude Julien.

«Dans le hockey d'aujourd'hui, on n'est jamais trop préparé. Claude ayant vécu cette situation l'an dernier, je voulais échanger avec lui pour m'assurer que j'étais sur la bonne voie. Pour voir si j'insistais trop sur certains points et pas assez sur d'autres», a reconnu sans gêne l'entraîneur-chef des Canucks.

Pendant que Vigneault échangeait avec un autre ancien entraîneur-chef des Olympiques de Hull - des liens qui unissent pour la vie... -, son patron Mike Gillis se livrait au même exercice avec le patron de Julien, Pete Chiarelli.

Des Bruins aux Sharks

Cette idée de s'inspirer de l'ennemi est-elle habituelle chez les Canucks?

«Plusieurs coachs et hommes de hockey échangent dans le cours d'une saison, a expliqué Vigneault. Je sais qu'on l'a fait en début d'année avec Doug Wilson, des Sharks de San Jose.

« Comme les Sharks, ça fait quelques saisons qu'on connaît du succès en saison régulière et que nous n'arrivons pas à le répéter une fois en séries. Doug (directeur général des Sharks) nous a indiqué qu'il était important de toujours garder les objectifs au plus court terme possible alors qu'on était peut-être porté à trop penser aux séries. C'est la philosophie que nous avons inculquée aux joueurs toute l'année.

«Tes amis journalistes de Vancouver sont tannés de m'entendre répéter la même chose, mais on a passé l'année à préparer un match, à le jouer, à l'analyser, à l'oublier et à passer à l'autre. C'est plate de même, mais on n'a pas dérogé à notre plan et j'espère que ça va nous aider à nous rendre jusqu'au bout.»

Ironiquement, les Canucks pourraient croiser les Sharks en finale dans l'Ouest et, qui sait, se retrouver face aux Bruins en grande finale de la Coupe Stanley.

Congédiements évités...

S'il reconnaît avoir communiqué avec Julien, Vigneault esquisse une moue lorsqu'on lui demande s'il a profité de la discussion pour échanger sur le statut précaire des deux coachs francophones en début de séries.

Maintenant rendus au sein du carré d'as, Vigneault et Julien peuvent respirer à leur aise. Ou à peu près. Mais Julien avait la gorge nouée après les deux victoires du Canadien en lever de rideau de la série contre les Bruins en première ronde. Il n'aurait pas survécu à une élimination hâtive, tout comme Vigneault d'ailleurs.

Lorsque Vigneault a vu Jonathan Toews niveler les chances en fin de septième match pour propulser la rencontre ultime en prolongation, la caméra de la CBC a présenté d'ailleurs le visage d'un coach sur le point d'être condamné. Une mine qui a changé dès qu'Alexandre Burrows a enfilé le but gagnant.

«Quand les Hawks ont compté, il y avait bien d'autres choses auxquelles je devais penser que mon statut de coach. Pour être bien honnête, j'ai réglé cette question très tôt dans la saison. Et je crois avoir été très ouvert sur ce sujet dès l'automne.

« Je ne sais pas si le fait de me rendre en finale sera assez pour rester. Je suis à la barre de cette équipe depuis 2006. Comme pour la navette spaciale, j'ai une fenêtre pour me rendre où nous voulons nous rendre. Nous avons une très bonne équipe. On doit faire gagner cette équipe. Perdre en première ronde aurait été un échec. C'est évident. Perdre demeure toujours un échec. Se rapprocher du but ne rend pas la défaite plus facile à accepter. Au contraire. Mais cela démontre qu'on a accompli des choses en cours de route.

«Mes patrons décideront si j'ai su tirer le meilleur de notre équipe. Mais pour l'instant, je ne pense qu'à notre prochain match. C'est plate, mais c'est ainsi», a conclu Vigneault avant d'aller s'engouffrer dans son bureau où l'attendaient ses adjoints armés de bandes vidéo à étudier.