C'est avec un large sourire, le bras tendu pour offrir une poignée de mains et dans un français bien franc, que Sergei Kostitsyn s'est présenté en sortant de la douche pour répondre aux questions de La Presse.

«Bonjour! Ça va bien? Il paraît que tu me cherches...»

Comme quoi l'air de Nashville et les douces mélodies de la musique country ont vraiment changé celui qui est passé d'enfant turbulent dans le vestiaire du Canadien à meilleur marqueur dans celui des Predators.

La métamorphose est énorme: lors de son séjour de trois ans à Montréal, Kostitsyn creusait des tunnels dans les murs du vestiaire pour éviter les journalistes. Lorsqu'il ne pouvait leur échapper, il feignait ne rien comprendre des questions et se limitait à des réponses banales.

«Vous me posiez toujours les mêmes questions et j'avais toujours les mêmes réponses. Vous me demandiez pourquoi je ne marquais pas? Je ne marquais pas parce qu'on ne me faisait pas jouer assez ou dans des rôles défensifs qui ne me permettaient pas de m'exprimer», explique d'un trait l'attaquant biélorusse.

Et les ennuis hors glace? Les festivités dont il témoignait les conséquences fâcheuses lors des entrainements qui arrivaient trop vite les lendemains de veille? Les associations avec le crime organisé?

«Il y a eu beaucoup d'exagération sur toutes ces affaires hors patinoire. C'est tout ce que je vais dire à ce sujet», a plaidé un Kostitsyn autrement radieux.

«J'aime tout de ma nouvelle vie, de ma nouvelle ville, de ma nouvelle équipe. Même la musique. Je ne connaissais rien au country, mais j'adore ça. Il ne me reste qu'à acheter des bottes et un chapeau. Peut-être aussi d'apprendre à jouer au golf», a lancé en riant l'ailier gauche qui vient de célébrer ses 24 ans et dont les parents ont passé une partie de l'hiver avec lui au Tennessee. Ça change de la Biélorussie...

Si tout est parfait dans le quotidien de Kostitsyn, ce l'est aussi sur la patinoire.

Après avoir effectué différentes tentatives au cours de la saison, Kostitsyn a complété le calendrier régulier à la gauche de Mike Fisher et de Patric Hornqvist. Les résultats ont été concluants. Surprenants même alors que Kostitsyn s'est hissé au premier rang des marqueurs de son équipe avec 23 buts, un sommet chez les Preds, et 50 points. Une récolte qui l'a placé sur un pied d'égalité avec Martin Erat.

Vingt-trois buts, c'est un de moins que son total en 155 matchs disputés à Montréal. Cinquante points, c'est 18 seulement de moins que sa récolte en trois saisons avec le Canadien.

Recette secrète

Questionné sur la recette qui lui a permis de récolter, à Nashville, des points qu'on attend toujours à Montréal, l'entraîneur-chef Barry Trotz a accepté de partager son secret.

«Il y a un mélange de patience, de chance et de confiance dans cette histoire. Une histoire qui nous fait très bien paraître»,  admet candidement Trotz.

«La réalité de notre organisation nous a permis au fil de mes 12 années ici de prendre des chances avec des gars qui ne réussissaient pas ailleurs. Nous avons connu des échecs avec ces «projets». Bien sûr. Mais Sergei est pour l'instant l'un de nos plus beaux succès. Mon expérience m'a appris qu'il faut établir des liens de confiance avec les Européens. Les Russes sont plus méfiants que tous les autres encore. D'où la patience que j'ai affichée pour ramener Sergei de mon bord. Du bon bord. Mais ce n'a pas été facile. À cause d'une blessure (orteil fracturé) subie au camp, je ne croyais pas qu'il ferait l'équipe. On l'a gardé, on y est allé par étape et ça nous a très bien servis», a conclu l'entraîneur-chef.

Pression médiatique

Steve Sullivan endosse les explications de son coach. Il est aussi d'accord avec les propos de son jeune coéquipier quant à son utilisation. Mais il assure aussi que l'environnement de Nashville est parfait pour un gars aussi fragile que Kostitsyn.

«Il faut être fait fort pour jouer à Montréal, lance Sullivan qui à titre de Franco-ontarien a toujours eu un oeil sur 110% et les autres émissions du même genre qui l'ont suivie. Chaque match est disséqué à la télé dans les journaux autant et des fois plus que par les coachs. Une erreur coûteuse te suit pendant des jours. Si tu as deux ou trois mauvais matchs de suite, tu es pointé du doigt. Ce n'est pas tout le monde qui peut composer avec ça. Ici, Tu peux avoir quelques mauvais matchs et t'en tirer. C'est un monde de différence. Et c'est le genre d'environnement nécessaire pour Sergei qui a une vision et un talent fou, mais qui n'a pas une grosse carapace.»

Sergei Kostitsyn a été échangé le 29 juin dernier en retour de Dan Ellis, que le Canadien a tenté de mettre sous contrat, et Dustin Boyd. Ellis s'est retrouvé à Tampa et Boyd n'a pu garder sa place avec le grand club avec qui il a marqué un but en 10 matchs.