Les Bruins ont pris la décision de venir à Lake Placid, dans le temple des négligés, alors qu'ils sont considérés comme la meilleure équipe et favoris pour l'emporter face au Tricolore.

Mike Eruzione le reconnaît: quelque chose ne colle pas.

«Ç'aurait fait plus de sens que le Canadien y aille, ne serait-ce que parce qu'il compte six Américains dans sa formation», observe l'ancien capitaine de l'équipe ayant réalisé le Miracle sur Glace.

«Peut-être que les Bruins se sont rendus à Lake Placid pour s'envelopper d'un bon karma, mais la véritable raison devait être de s'éloigner de la frénésie médiatique - surtout celle de Boston.

«Car je peux vous dire qu'ici, après les deux premiers matchs, les appels dans les lignes ouvertes n'étaient pas tendres...»

Eruzione, qui travaille aujourd'hui à l'Université du Boston, est aussi conférencier-motivateur. Mais il ne s'attendait pas à ce que les Bruins - qui misent surtout sur des joueurs canadiens - lui demandent de venir leur parler à Lake Placid.

«Si j'avais été là, je leur aurais dit de croire en eux-mêmes et en chacun de leurs coéquipiers», mentionne l'auteur du but gagnant face aux Soviétiques.

«C'est tout ce dont était faite l'équipe de 1980, du premier au dernier joueur. Nous croyions tous que nous avions une chance.»

Entre l'histoire et le film

Eruzione sait qu'au Canada, le Miracle sur Glace est perçu comme un grand événement, un triomphe du négligé.

«Mais aux États-Unis, c'est quelque chose qui a carrément saisi l'esprit d'une nation, affirme-t-il. Nous avions battu les Russes, nous avions gagné la guerre!

«Ce qui fait que l'exploit résonne encore, c'est qu'il débordait des cadres du sport. Encore aujourd'hui, je reçois des lettres de vétérans du Vietnam, ou d'enfants de 1980 pour qui le Miracle a été le dernier moment qu'ils ont passé avec un parent.

«C'est plein de belles histoires qui, pour la plupart, n'ont rien à voir avec le hockey.»

L'événement sportif, lui, s'effrite à mesure que les jeunes générations cessent de s'y identifier. Pour le meilleur et pour le pire, c'est maintenant un film de Disney qui raconte la légende.

«Miracle était plutôt bien fait, dit Eruzione. Kirk Russell était plus gentil et plus doux dans le film que Herb Brooks ne l'était en réalité.

«Et puis, le film a un peu ignoré le fait que nous étions une bonne équipe. Il n'y avait pas de super-vedettes, mais c'était tous des joueurs d'équipe. Or, le film suggère que nous n'étions qu'une bande de jeunes canailles.

«Nous n'étions pas payés des millions pour jouer, mais nous étions de jeunes universitaires qui représentaient leur pays avec des valeurs à l'ancienne.»