Ce qui surprend en entrant dans vestiaire numéro 5 de la patinoire olympique de Lake Placid, c'est à quel point il est humble. En plein ce qui convenait à l'équipe qui l'occupait, le 20 février 1980.

Ce soir-là, l'équipe olympique américaine a réalisé le Miracle sur Glace en battant l'Union Soviétique en ronde des médailles.

Tim Thomas avait cinq ans, mais il s'en souvient.

«J'avais déjà en tête de devenir gardien, mais c'est en voyant Jim Craig en action que ça s'est confirmé», a expliqué le seul Américain en uniforme chez les Bruins de Boston.

«Je voulais imiter Craig. De 5 à 20 ans, mon rêve était d'abord et avant tout d'aller aux Jeux olympiques, plus encore que d'atteindre la LNH.»

Thomas a déjà disputé un match à l'aréna de Lake Placid alors qu'il portait les couleurs de l'Université du Vermont. Mais ça s'est passé si vite qu'il en a gardé un souvenir flou.

«Voilà pourquoi c'est si agréable que les Bruins soient ici aujourd'hui, a confié le gardien de 37 ans. Je n'ai pas la pression de penser à un match, je suis relaxe, et ça me permet de m'imprégner des lieux et de voir où l'histoire s'est écrite.

«Car ça a été un moment énorme pour notre pays, a-t-il rappelé. On sortait de la stagflation des années 70 (stagflation: un ralentissement de l'économie qui se produit en même temps qu'une inflation), nous étions en guerre froide avec la Russie... L'équipe russe était supposément imbattable et c'est alors qu'un groupe d'universitaires américains a connu un tournoi miraculeux.»

Un rare congé

Il serait facile de tomber dans le mélo. De lire dans le choix des Bruins de passer deux jours à Lake Placid le souhait de se fondre à la magie qui a opéré en 1980.

Mais la réalité est plus terre à terre.

«On ne voulait pas vraiment retourner à Boston et l'on cherchait une place où l'on pouvait avoir de bons entraînements et en même temps se reposer, a expliqué Claude Julien. L'un de nos physiothérapeutes passe ses étés ici et il avait de bons contacts.

«Je ne suis pas sûr que les gars se seraient reposés autant en restant à Montréal ou à Boston...»

L'attaquant recrue Brad Marchand - qui, à l'instar de 14 coéquipiers en uniforme lundi, n'était pas né lors du Miracle sur Glace - était heureux de vivre l'expérience.

«Ça n'arrive pas souvent qu'une équipe s'offre ce genre de pause en séries, a-t-il observé. On se sent un peu comme au camp d'entraînement. Mais être en groupe comme ça, ça nous fait toujours passer de bons moments.»

Une inspiration, mais...

Claude Julien, lui, avait 19 ans et portait l'uniforme des Spitfires de Windsor quand il a regardé le match opposant les Américains aux Soviétiques.

«Ce qui m'avait frappé, c'était la motivation des Américains, s'est souvenu le coach des Bruins. On le sentait ne serait-ce que dans les changements de trios. On voyait qu'ils voulaient gagner.

«Mais ils étaient les négligés, ils n'avaient rien à perdre et tout à gagner. Je ne suis pas sûr que de l'autre côté, les Russes étaient prêts pour ce match...»

Selon Julien, c'est là une histoire inspirante à partir de laquelle les Bruins peuvent bâtir.

Mais on serait mal venu de tisser un lien trop serré avec la situation de son équipe, qui est toujours en déficit 2-1 face au Canadien. Ou de croire que ce pèlerinage les mettra nécessairement en état de grâce.

«Le Miracle est une bête à part, ça s'est vraiment passé à un tout autre niveau qu'une série Boston-Montréal, a insisté Tim Thomas. Ce serait peut-être différent si l'on était en finale de la Coupe Stanley, mais nous ne sommes qu'en première ronde...

«Ce ne sera pas un miracle si l'on gagne jeudi à Montréal.»