Guy Boucher et Pascal Vincent ont plusieurs points en commun.

Ces deux entraîneurs ont grandi dans la grande région métropolitaine, le premier dans l'ouest de l'île de Montréal, le second à Laval. Les deux ont 39 ans. Ils ont tous les deux goûté au hockey professionnel comme joueur avant de se tourner vers le métier d'entraîneur. Les deux ont fait leurs classes dans le midget AAA avant de passer à la Ligue junior majeur du Québec. Les deux font partie des jeunes entraîneurs de la nouvelle vague, brillants tacticiens, fins psychologues, ouverts, modernes.

Mais leur carrière a pris des tangentes différentes il y a quelques années avec l'ascension phénoménale de Boucher. Après avoir mené les Voltigeurs de Drummondville à la Coupe Memorial, Boucher a été embauché par les Bulldogs de Hamilton dans la Ligue américaine - Vincent avait été interviewé par Bob Gainey et Julien Brisebois pour le poste -, puis l'année suivante par Steve Yzerman au sein du Lightning de Tampa Bay. Boucher sera fort probablement un candidat au titre d'entraîneur de l'année dans la LNH pendant que Vincent prépare le Junior de Montréal à la deuxième ronde des séries de la LHJMQ.

Ironiquement, Boucher avait offert ses services à Vincent à titre d'adjoint à l'époque où celui-ci dirigeait les Screaming Eagles du Cap-Breton, mais le coach du Lightning a finalement opté pour une autre avenue en raison d'un conflit d'horaires.

On ne sent aucune amertume, aucun sentiment d'injustice dans la voix de Pascal Vincent lorsqu'on évoque la situation avec lui, dans son bureau vétuste de l'Auditorium de Verdun.

«Je suis vraiment content pour Guy. Il a eu la chance de travailler avec de bons entraîneurs comme Doris Labonté et Jean Pronovost. Il a eu une belle occasion à Drummondville. Dominic Ricard, le DG, est un homme de hockey extraordinaire. Guy a eu l'intelligence de continuer à se perfectionner. C'est quelque chose que j'admire beaucoup chez lui. Son histoire est très belle.»

Que manque-t-il Ă  Pascal Vincent pour suivre les traces de Guy Boucher?

«C'est souvent une question de timing, répond-il. Quand Guy est arrivé à Drummondville, l'équipe a récolté une trentaine de points puis ils ont tout gagné l'année suivante. Il a obtenu une belle visibilité, les étoiles se sont alignées et ça a déboulé. On doit se démarquer et Guy s'est démarqué.»

L'Ă©quipe pour gagner

Pascal Vincent a une chance de se démarquer ce printemps. Après avoir été directeur général et entraîneur en chef des Screaming Eagles du Cap-Breton, où il a dirigé Marc-André Fleury, Ondrej Pavelec et Alexandre Picard, entre autres, il est passé au Junior de Montréal en 2008 dans des fonctions semblables, secondé derrière le banc par Dominique Ducharme et Joël Bouchard.

Le Junior a construit un club pour gagner en 2011 et cette équipe de vétérans, menée par Louis Leblanc, Philippe Lefebvre, Charles-Olivier Roussel, Jean-François Bérubé et Louis-Marc Aubry est l'une des favorites avec Saint John, Drummondville et Québec pour remporter la Coupe du Président et passer à la Coupe Memorial.

Pascal Vincent est-il condamné à gagner pour gravir les échelons du hockey professionnel et concrétiser son rêve de diriger un club de la LNH?

«J'ai déjà ressenti l'obligation de gagner, mais je suis parvenu à me débarrasser de cette notion avec le temps. Je sais que l'entraîneur de l'équipe gagnante va bénéficier d'une belle vitrine, mais je ne veux pas diriger avec la crainte de ne pas atteindre mes objectifs de carrière. La solution, c'est de gérer au quotidien et de ne pas regarder plus loin. De ne pas s'attarder au résultat final. Je m'impose de la pression dans mon travail cependant. Je dois préparer ma pratique de demain parce que si je ne suis pas prêt, tout le monde va payer le prix.»

L'entraîneur du Junior, nouvellement papa, estime aussi que les dirigeants de la LNH ne regardent plus seulement la fiche d'un entraîneur.

«Le processus est important. Nous avons perdu en première ronde l'an passé et je crois avoir été le seul entraîneur de la Ligue junior canadienne qui a été interviewé pour un poste dans la Ligue américaine, avec Norfolk, en compagnie de Steve Yzerman et Julien Brisebois. Le développement des joueurs et le jeu collectif de l'équipe ont de la valeur aux yeux des dirigeants. Je regarde le travail de Dan Bylsma à Pittsburgh, il gère son équipe de façon extraordinaire. Il gère au quotidien et c'est la culture qu'on tente d'inculquer ici depuis trois ans. Il faut rester dans le moment présent parce qu'on s'essouffle juste à essayer de réfléchir à l'avenir et à ses conséquences.»

Une culture Ă  changer

Pascal Vincent Ă©voquera souvent au cours de l'entretien l'importance de changer la culture du hockey.

«Au Cap-Breton, le propriétaire Greg Lynch voulait que l'équipe s'améliore au fil des ans, mais aussi qu'on améliore les jeunes au plan humain. Pour que le hockey junior devienne une belle expérience de vie. Il y a encore trop d'entraîneurs qui entrent dans une guerre psychologique avec les joueurs. À tous les niveaux, LNH, Ligue américaine, junior. Et ça remonte souvent à plus loin. Un de mes mentors, un gestionnaire chez Bell Canada, Jacques Sauvé, avec qui j'ai travaillé à Hockey Laval, nous a toujours répété que les mots bénévole et incompétence ne devaient pas être nécessairement synonymes. Les entraîneurs de hockey mineur ont une responsabilité quand ils s'engagent auprès des jeunes.

«Ici, chez le Junior, poursuit Vincent, un psychologue nous a dressé le portrait de chaque joueur, son histoire, sa façon de réagir à une situation. On parle beaucoup avec eux, on creuse et on découvre des choses. Plusieurs n'ont plus d'estime d'eux-même parce qu'on a sorti le fouet pour des raisons inutiles, parce qu'on les a humiliés devant le groupe ou parce qu'ils ont été victimes d'injustice. Il faut travailler à rebâtir leur confiance.»

Pascal Vincent a, d'un commun accord avec le propriétaire Farrell Miller, décidé de poursuivre son association avec le Junior pour deux ans. Où se voit-il dans cinq ans, dans dix ans?

«Je me sens prêt pour passer dans les rangs professionnels. On verra bien. Une chose est sûre, je dirigerai un club de hockey dans cinq ans, que ça soit ici, chez les pros ou en Europe. Je suis un entraîneur dans la vie...»