Randy Cunneyworth recevrait sans doute plus de publicité au Québec s'il s'appelait Fournier, Bégin ou Drouin. Son embauche l'été dernier à la tête des Bulldogs de Hamilton, le club-école du Canadien, a d'ailleurs été décriée dans plusieurs médias de Montréal, qui souhaitaient voir un entraîneur francophone obtenir le poste.

L'idée de donner une chance à un francophone de percer, comme ce fut le cas avec Guy Boucher, est légitime, mais il faut admettre que Cunneyworth accomplit une solide besogne avec les Bulldogs. Non seulement l'équipe a pu conserver une fiche de 28-17-1-4 - et le deuxième rang de la Ligue américaine au chapitre des buts accordés - malgré la perte de plusieurs joueurs importants rappelés par le Canadien, mais les jeunes amenés en renfort à Montréal font le boulot.

Max Pacioretty est un attaquant transformé cette année. L'Américain de 6 pieds 2 pouces a 17 points en 26 matchs, dont 10 points à ses 9 dernières rencontres. Yannick Weber, un autre choix de la cuvée 2007, est devenu un défenseur régulier qui a 10 points en 27 matchs (fiche de +5), dont 7 points à ses 11 derniers. David Desharnais est lui aussi en train de faire sa niche.

L'arrivée de Cunneyworth en remplacement de Guy Boucher en a étonné plus d'un il y a neuf mois, mais pas ceux qui connaissent le lien qui l'unit à Pierre Gauthier et Jacques Martin. Il était le capitaine des Sénateurs d'Ottawa lorsque ceux-ci étaient à la tête du club. «C'était un joueur au talent limité, mais il avait le respect de ses coéquipiers, se remémorait Jacques Martin jeudi. Ç'a toujours été un bon communicateur. Il a eu un impact sur les carrières de Daniel Alfredsson, Wade Redden et des autres jeunes que nous avions à l'époque. J'ai d'ailleurs eu une longue conversation avec Max Pacioretty la semaine dernière, et il me confiait à quel point Randy avait contribué à rebâtir sa confiance.»

Alexandre Daigle, qui a mis sa carrière en veilleuse cet hiver pour se lancer en affaires, était l'un de ces nombreux jeunes à Ottawa. Il garde de riches souvenirs de Cunneyworth.

«C'est l'une des personnes qui ont été les plus gentilles avec moi lorsque je suis arrivé dans la Ligue nationale. Surtout que je ne parlais pas très bien en anglais. C'est difficile, parce qu'on n'est pas dans la Ligue nationale pour faire du gardiennage, mais lui prenait le temps. C'était comme un père spirituel pour nous, avec Gord Dineen. Il parle beaucoup, il va prendre le temps, c'est une bonne personne. Il ne te criera pas après, c'est sûr. Il ne détruira pas ton estime de toi. Il va plutôt travailler avec toi. Quand j'ai entendu l'annonce, j'ai trouvé que c'était une bonne décision. Je comprends l'importance d'avoir des francophones dans l'organisation, mais si le Canadien pense qu'il est le meilleur homme disponible, c'est le choix logique. Je vois les choses de la même façon. Il ne faut pas choisir les gens en fonction de leur langue, même si j'estime qu'on n'a pas le choix de nommer un entraîneur francophone à Montréal à cause des points de presse tous les jours.»

Rochester

Jacques Martin a pu analyser de plus près le travail de Cunneyworth pendant quelques saisons lorsque celui-ci a dirigé les Americans de Rochester, dans la Ligue américaine, où les Panthers de la Floride et les Sabres de Buffalo envoyaient leurs espoirs. À titre d'entraîneur, puis de directeur général des Panthers, Martin a été en étroit contact avec Cunneyworth.

«Ce n'était pas une situation facile pour lui parce qu'il devait développer les espoirs de deux équipes différentes. Mais il a fait du bon travail. J'ai vu cette équipe jouer régulièrement pendant le lock-out de la Ligue nationale et il y a été pour beaucoup dans le développement des jeunes Derek Roy, Jason Pominville, Tomas Vanek et Ryan Miller, qui sont tous à Buffalo aujourd'hui. Pierre (Gauthier) a pris la bonne décision et il a eu tout mon soutien. On voulait un homme d'expérience qui était également un bon enseignant. L'aspect francophone est important pour notre organisation, mais parfois, on n'a pas le candidat recherché.»

Jason Pominville se souvient d'un entraîneur ouvert, sympathique et acharné au travail. «D'habitude, ce sont les adjoints qui font des heures supplémentaires sur la glace avec les joueurs, a confié Pominville hier au bout du fil. Dans son cas, il était toujours le premier arrivé et le dernier parti pour travailler avec nous et apporter les correctifs nécessaires. Il a été mon seul entraîneur dans la Ligue américaine. Il a fait beaucoup pour moi et je suis sûr que les autres, Derek Roy, Tomas Vanek, Paul Gaustad, même Clarke MacArthur, qui joue maintenant à Toronto, peuvent dire la même chose.

«On pouvait parler de n'importe quoi avec ce gars-là, même de sujets qui n'avaient pas de rapport avec le hockey. On lui en donnait beaucoup sur la glace parce qu'il nous respectait. Il n'avait pas besoin de crier, même s'il lui arrivait de piquer des crises à l'occasion. Il a été entraîneur-chef à Rochester, adjoint avec les Thrashers d'Atlanta, puis il est retourné entraîneur-chef dans la Ligue américaine pour tenter d'avoir sa chance dans la Ligue nationale. Il a les atouts pour y arriver, éventuellement.»