Les athlètes ne se font habituellement pas prier pour déplorer les coups vicieux dont sont victimes leurs coéquipiers dans le feu de l'action. Mais ils sont beaucoup plus frileux quand vient le temps de blâmer un des leurs qui commet un geste répréhensible.

Le défenseur Andrew Ference, des Bruins de Boston, a franchi une ligne, que plusieurs observateurs estiment interdites, la semaine dernière, en dénonçant la mise en échec illégale que son coéquipier Daniel Paillé a appliquée à Ray Sawada des Stars de Dallas, jeudi dernier. Un geste inadmissible que la LNH a sanctionné d'une suspension de quatre matchs.

Ference a été vertement réprimandé, samedi, par deux anciens entraîneurs des Bruins qui oeuvrent à l'émission de télé Hockey Night in Canada, Don Cherry et Mike Milbury.

Les deux hommes ont soutenu que Ference a enfreint une règle non écrite entre coéquipiers, en faisant part de ses états d'âme en présence des journalistes. Ils ont précisé qu'il aurait plutôt dû adresser ses reproches directement à Paillé.

Ference, qui n'a jamais eu la langue dans sa poche, décrie la problématique des coups à la tête depuis longtemps. Il s'était fait entendre haut et fort quand son coéquipier Patrice Bergeron a subi une sévère commotion cérébrale, il y a trois ans, et de nouveau quand Marc Savard a été victime du coup sournois de Matt Cooke, des Penguins de Pittsburgh, la saison dernière.

Le défenseur d'Edmonton, âgé de 31 ans, n'allait pas se taire cette fois uniquement parce que l'agresseur était un coéquipier.

«Je ne me défilerai pas pour ce que j'ai dit, a-t-il commenté, en réponse à ses détracteurs. Je ne suis pas ici pour dire des conneries ou pour avoir de l'attention.

«Nous avons un problème dans cette ligue avec les coups portés à la tête, et la pression est forte, pas uniquement dans notre ligue mais aussi dans la NFL, afin qu'on améliore la sécurité des athlètes, justement en éliminant ce genre de coups. Le problème est criant et on doit dire les vraies affaires.»

Loin de présenter des excuses dans les médias de Boston, Ference a réfuté l'allégation selon laquelle les propos qu'il a tenus avaient créé un malaise au sein des Bruins.

«C'est une blague ou quoi? L'entente entre nous tous est formidable. Ce n'est pas ça qui va diviser le groupe. Faites la tournée des joueurs et posez-leur la question. Ne vous abaissez pas à croire une chose semblable.»

Réitérant qu'il ne s'était pas exprimé de la sorte uniquement afin de se montrer intéressant, il y est allé par la suite d'un véritable cri du coeur.

«Le problème doit être pris au sérieux, a-t-il déclaré. On parle de commotions cérébrales et de la vie des athlètes. On ne badine pas avec ça, et ce n'est pas un sujet qu'on doit prendre à la légère. Je me répète: c'est de la vie des gars dont il question.

«Allez demander à Marc Savard comment il se sent. Demandez à Bergeron commment il a trouvé son année après avoir été victime d'une commotion. C'est très sérieux et on doit y voir.»

Bergeron d'accord

Bergeron a accordé son soutien à Ference, en se montrant d'accord pour qu'on vide la question une fois pour toutes.

«Les cas se multiplient et les joueurs doivent être imputables de leur action, a confié le Québécois au Boston Herald, dimanche. Daniel se sent mal pour le geste qu'il a commis et je suis sûr qu'il n'a pas voulu blesser son rival. Mais le fait demeure que les coups du genre peuvent être évités. Je l'ai déjà dit, et je ne modifierai pas mon discours parce que c'est un coéquipier qui est impliqué.»

Ference a admis que des mises en échec illégales peuvent difficilement être complètement enrayées parce que le sport est tellement rapide et physique.

«Ce n'est pas que Danny visait la tête de son rival, a-t-il mentionné. Il ne joue pas pour blesser ses adversaires. Une fraction de seconde plus tard, et on parlerait d'une mise en échec légale. Le jeu est ultra rapide et, peu importe la réglementation, des gestes indésirables vont se produire. Mais vous ne devez pas jouer à l'autruche et prétendre que tout est correct.»

Paillé, quant à lui, n'a pas caché qu'il aurait souhaité que son coéquipier n'ait pas fait l'étalage de ses opinions sur la place publique. Mais le Franco-Ontario natif de Welland a ajouté qu'il ne lui en tient pas rigueur.