La confrérie journalistique l'avait surnommé Gumbi en raison d'une élasticité qui n'a d'égal que sa résistance. Lors de sa rencontre avec les médias, hier matin au Centre Bell, Josh Gorges a démontré autrement pourquoi il est un cas à part, médicalement et scientifiquement, parmi les joueurs du Canadien.

En donnant des détails sur la blessure au genou droit qui a mis fin à sa saison, le défenseur de 26 ans a confié qu'il négociait avec cette déchirure du ligament croisé antérieur... depuis sept ans déjà !

« J'ai subi cette déchirure ligamentaire durant ma dernière année junior, mais j'ai été capable de continuer à jouer », a raconté Gorges, ajoutant qu'il n'était pas le seul joueur à avoir composé avec ce genre de situation.

« Je faisais vérifier mon genou chaque année et on me disait tout le temps qu'il n'était pas instable. Je savais que j'aurais à régler cette blessure-là à un moment donné - j'espérais que ce soit après ma carrière -, mais tant que le genou était fonctionnel, je pouvais jouer.

« C'est mon orthèse qui me servait de ligament. »

Or, plus tôt cette saison, Gorges a subi une déchirure du ménisque. Il a par la suite senti qu'il ne pouvait plus faire certains mouvements avec la même agilité.

Mais il ne s'estimait pas amoché au point de nuire à l'équipe.

« Ça allait... jusqu'au dernier épisode à New York, le 26 décembre, a confié Gorges. Mon genou a alors barré. Le ménisque s'est coincé dans des articulations. Il s'est replacé sur le banc, mais on m'a dit que si ça se reproduisait de

nouveau et que le ménisque n'arrivait pas à se décoincer, j'allais devoir être opéré d'urgence. »

Pour ne pas ruiner sa carrière

À 18 ans, Gorges a raté six semaines du calendrier des Rockets de Kelowna en raison d'une blessure au genou gauche. Ça a été sa plus longue absence en carrière, tout juste assez longue pour qu'il ne soit pas invité au camp d'Équipe Canada junior.

«Mon entraîneur m'avait dit à l'époque : tu peux jouer même si ça fait mal, mais tu ne peux pas jouer blessé. Autrement dit, si tu as divers bobos, ça ne te donne pas d'excuse suffisante pour ne pas jouer.

«J'ai toujours appliqué ce principe-là. Mais là, j'en étais venu au point où je n'avais plus juste mal ; j'étais blessé.»

Gorges voulait continuer à jouer. Il a longuement débattu avec les thérapeutes afin de prendre part au match du 28 décembre à Washington, mais le DG Pierre Gauthier et le thérapeute Graham Rynbend lui ont fait comprendre qu'il valait mieux tout arrêter.

«Si je ne voulais pas ruiner ma carrière, il fallait que je me soumette à l'opération », a-t-il concédé.

L'intervention chirurgicale devrait avoir lieu dans le courant de la prochaine semaine. Il reste à déterminer quel médecin la présidera. Une réadaptation de quatre à six mois est ensuite à prévoir.

Gorges sait qu'il trouvera le temps long, mais au moins il ne sera pas seul : il sera dans le sillon d'Andrei Markov.

Rester présent

Cinq matchs hors de la patinoire auront suffi à Gorges pour lui rappeler combien il déteste voir ses coéquipiers aller au front sans lui. Aussi compensera-t-il en restant le plus impliqué possible au sein de l'équipe - sans pour autant, a-t-il dit, être une distraction pour ses coéquipiers.

«Je veux faire partie du groupe et continuer de ressentir l'usure de la saison. C'est l'un des plaisirs du hockey.

«Je vais être à l'aréna tous les jours, je vais arriver avec les autres en matinée et être avec eux au gymnase quand ils vont parler du match de la veille. Je me ferai un point d'honneur d'être dans les estrades ou sur la passerelle pour analyser les matchs, de façon à pouvoir leur communiquer mes observations s'ils le veulent.»

Mais pas question de se retrouver derrière le banc, comme l'avait fait Michael Komisarek à une certaine époque...

Un contrat à long terme?

Pierre Gauthier l'a indiqué publiquement, jeudi, lors de son bilan de mi-saison : la blessure qu'a subie Josh Gorges ne menace en rien son statut au sein de l'équipe.

Au préalable, le DG l'avait assuré de la même chose en privé.

«Je deviens joueur autonome avec compensation après la saison et, d'après les discussions que j'ai eues avec Gauthier, je ne suis pas en danger de perdre ce que j'ai bâti jusqu'ici », a indiqué Gorges.

«Ça fait du bien de sentir que l'équipe a mes intérêts à coeur. »

Récemment, on a vu les Stars de Dallas accorder un contrat de six ans à Trevor Daley, un autre défenseur de deuxième duo dont la véritable valeur ne se mesure pas sur la feuille de pointage.

Gorges serait-il intéressé par ce genre d'entente ?

«Je n'hésiterais pas une seconde ! a-t-il répondu. C'est ici que je veux jouer, je l'ai toujours dit. Il n'y a pas de meilleur endroit où gagner que Montréal. Je ne veux pas aller ailleurs. Alors si on pouvait s'entendre sur un contrat à long terme, je sauterais dessus.

«Mais rien ne sera entrepris immédiatement, a-t-il ajouté. Je suis sur la touche pour les six prochains mois, donc il n'y a pas d'urgence... Je suis quand même confiant qu'on trouve un terrain d'entente avant la prochaine saison. »





Le retour de Hamrlik

Il y a quand même un motif de consolation malgré la perte de Gorges: le vétéran Roman Hamrlik, qui s'est blessé au bas du corps lors du match face aux Thrashers d'Atlanta, croit être en mesure de reprendre le collier face aux Bruins de Boston, samedi soir.

«Je devrais être prêt à jouer, j'ai dû faire un peu de temps supplémentaire pour me remettre en forme», a laissé tomber l'arrière de 37 ans.

Hamrlik est conscient de l'absence de Gorges, doublée de celle d'Andrei Markov, ne fera qu'augmenter encore ses tâches. Il faut s'attendre à ce que Jacques Martin lui donne plusieurs journées de congé d'ici la fin de la saison...

«Est-ce à dire qu'avant je jouais 22 minutes et que je vais devoir maintenant en jouer 42? a demandé Hamrlik. Mon record a été de 38 minutes dans un match à Tampa, mais j'étais jeune et fringant à l'époque...»

Au-delà du cliché selon lequel «tout le monde devra en donner plus», l'entraîneur devra réorganiser l'utilisation de ses défenseurs d'ici la fin de la saison.

«Il a fallu remanier nos paires de défenseurs de façon à mieux les équilibrer, a expliqué Martin. Ça donne plus de responsabilités à un jeune comme P.K. Subban, qui est maintenant jumelé à Hal Gill et que l'on emploie en désavantage numérique.

«Hal est l'un de nos leaders dans le vestiaire. Il est une bonne influence auprès de Subban comme il l'a été l'an dernier auprès de Gorges.»

Yannick Weber en est un autre qui profitera de la malchance de Gorges. Cela fait des années qu'il attend sa chance: elle se présente aujourd'hui plus que jamais.

«Ce n'est jamais agréable de voir de bons coéquipiers tomber au combat, mais les jeunes peuvent prendre leur place, a indiqué Weber. On n'a qu'à se rappeler de quelle façon P.K. est venu donner un coup de main durant les séries, le printemps dernier.

«C'est la même chose pour moi. Je suis arrivé cette saison en étant bien préparé et je sens actuellement que j'ai la confiance de l'entraîneur.»

Photo: Bernard Brault, La Presse

Roman Hamrlik