L'entraînement des Blues était terminé, quelque part en banlieue de St. Louis, et Jaroslav Halak était seul à son casier. Les rares membres des médias sont arrivés pour parler aux joueurs des Blues, mais Halak, lui, est resté seul dans son coin. Aucune entrevue, aucune caméra, rien.

«C'est souvent comme ça ici. La plupart du temps, il y a environ quatre journalistes dans le vestiaire, et puis c'est tout», explique le jeune gardien en souriant.

Mesdames et messieurs, voici donc Jaroslav Halak. Gardien numéro un des Blues de St. Louis, leader tranquille... et pur inconnu.

Cela a de quoi surprendre, surtout quand on débarque de Montréal. J'ai dû parler à Halak des dizaines de fois dans ma vie, mais jamais comme hier. Jamais comme ça, seul avec lui, pendant une vingtaine de minutes. Dans le vestiaire à Brossard, cela aurait été impensable. Mais ici? Ici, le gardien slovaque est un inconnu.

Sans blague.

«C'est sûr que St. Louis, c'est différent de Montréal, ajoute-t-il. Depuis que je suis ici, il n'y a pas une seule personne qui m'a reconnu à l'extérieur de la patinoire. Pas une. Je vais faire mon marché, je vais au resto, je marche dans les rues, et personne ne sait qui je suis. Personne ne me reconnaît, et c'est une bonne chose! À Montréal, c'est plus spécial à cause de ça, parce que tout le monde sait qui on est. Au moins, les gens de St. Louis viennent quand même assister à nos matchs.»

Cela ne manque pas d'ironie. Après tout, cet anonymat soudain survient au moment où le jeune homme de 25 ans se fait de plus en plus remarquer sur les patinoires de la ligue. À ses huit premiers matchs cette saison, Halak n'a perdu qu'une seule fois en temps réglementaire. Sa moyenne de 1,71 était la quatrième meilleure de la ligue avant les matchs d'hier soir.

Pour Halak, enfin, il n'y a plus aucun doute: le numéro un, c'est bel et bien lui. Et ce n'est pas Ty Conklin qui va y changer quoi que ce soit. Rien à voir avec ce qui se passait à Montréal, alors que la direction avait déjà en tête son gardien du futur.

«Je ne sais pas ce que les dirigeants du Canadien pensaient... C'est dur à dire. Ils m'ont fait jouer lors des séries, mais c'était plus difficile en début de saison. Surtout en novembre, quand j'ai disputé un seul match. À ce moment-là, je ne me sentais pas très bien. C'était très difficile pour moi.

«C'était quelque chose qui était hors de mon contrôle. Évidemment, je tenais à jouer plus souvent. C'est finalement en décembre que j'ai eu ma chance la saison dernière. Comme j'ai dit, je ne sais pas ce que les dirigeants du Canadien avaient en tête, mais j'imagine que j'ai fini par le savoir quand ils m'ont échangé ici à St. Louis. C'est une décision qui a clairement démontré que je n'étais pas leur gardien du futur.»

N'allez pas croire que Jaroslav Halak se lève la nuit pour détester Pierre Gauthier et tous les autres décideurs montréalais. Ce n'est pas son genre. En fait, Halak est bien heureux d'avoir pu effectuer ses premiers pas dans le chandail tricolore. «C'est un honneur immense que d'avoir pu commencer ma carrière dans la LNH avec le club le plus titré. J'étais triste d'apprendre que je devais partir, mais c'est ça le hockey. Et puis, il n'y a rien qui arrive pour rien.»

En effet. Parce que cet échange a permis au jeune gardien de se retrouver chez les Blues, un club qui monte et qui pourrait surprendre cette saison. Ici, Halak mène une équipe qui mise déjà sur plusieurs bons jeunes joueurs, une équipe qui voit grand.

«Je crois qu'on va être des séries. Ensuite, tout peut arriver. On l'a vu la saison dernière avec le Canadien, il y a toujours des surprises dans les séries. Ça va peut-être arriver ici aussi.»

Qui sait? Si jamais Jaroslav Halak peut mener son nouveau club à quelques grosses victoires ce printemps, on finira peut-être par le reconnaître dans le petit centre-ville de St. Louis.

En attendant, il peut encore marcher en paix.