Chris Neil a touché des millions depuis le début de sa carrière, mais il a frôlé la faillite l'été dernier, quand l'entreprise familiale qu'il avait démarrée avec son frère a connu de sérieux ratés.

L'ancien joueur des Red Wings de Detroit Sergei Fedorov dit avoir été victime d'une fraude de 60 millions.

Mike Modano aurait perdu 5 millions pour les mêmes raisons. Michael Peca, Bryan Berard et Darryl Sydor, tous à la retraite, poursuivent un promoteur immobilier qui leur aurait chipé 700 000$ chacun.

L'ancienne vedette des Islanders de New York Bryan Trottier était endetté de 10 millions lorsqu'il a déclaré faillite en 1994 et ses ennuis financiers l'ont presque poussé au suicide. Et Jaromir Jagr aurait laissé des millions de dollars dans les casinos.

«Il y a malheureusement trop de cas tristes comme ceux-là, lance l'ancien hockeyeur Bryan Muir au bout du fil. Les joueurs ont tendance à trop facilement faire confiance aux gens.»

Modeste défenseur, Muir a été ballotté pendant 10 ans entre la LNH et la Ligue américaine, avant de faire un détour par la KHL et l'Allemagne. Il est aujourd'hui planificateur financier pour le Harbour Group, filiale torontoise de la Banque Royale. Il compte plusieurs hockeyeurs, actifs et anciens, parmi ses clients.

Même si les joueurs gagnent beaucoup plus de sous aujourd'hui, ils doivent éviter les dépenses folles. «L'argent peut s'évaporer vite, dit Muir. De nombreux joueurs viennent de petites villes et ils gagnent beaucoup d'argent rapidement. Ils ont quelques millions en banque à 21 ans. Ils veulent s'acheter une automobile de luxe, une grosse maison, vivre un gros train de vie avec leurs riches amis, mais ça crée un cercle vicieux. Lorsqu'on ne reçoit plus son chèque de 50 000$ aux deux semaines à 34 ans et qu'on doit payer chaque année de l'impôt foncier exorbitant sur sa résidence de quelques millions, le compte de banque se vide rapidement et c'est la panique. J'ai vu des joueurs dans la dèche même s'ils avaient gagné 20 millions.»

Autre piège à éviter: les investissements douteux. Le capitaine des Blue Jackets de Columbus, Rick Nash, dit être sondé au moins deux fois par mois par des hommes d'affaires désireux de le voir investir dans des projets d'envergure.

«Ce n'est pas évident de consacrer ses énergies à la fois à sa carrière et à ses finances, mais les joueurs doivent s'arranger pour être mieux informés et prendre des décisions plus éclairées, dit Muir. On laisse des millions de dollars entre les mains de gens et on ne sait pas ce qui se passe. Je ne dis pas qu'on doit dire aux planificateurs financiers où investir, c'est leur travail, mais on y participe pour apprendre et mieux comprendre ce qu'ils font.»

Originaire de Winnipeg, Muir s'est joint aux Oilers d'Edmonton en 1995 après trois ans à l'Université du New Hampshire. «J'ai étudié en comptabilité et en économie. J'ai mis mes études en veilleuse pour le hockey, mais il ne me restait que quelques cours pour obtenir mon diplôme et j'ai suivi des cours d'été vers la fin de ma carrière. Les études m'ont aidé, car j'ai pu gérer mes finances pendant que je jouais. Je me préparais pour le jour où la porte de la LNH se refermerait. Je n'avais pas le talent d'un Raymond Bourque, qui s'est retiré en beauté après une carrière de 22 ans et qui a pu avoir un emploi dans le hockey.»

«Beaucoup de joueurs ne sont pas prêts parce que la retraite survient plus vite que prévu et ils ne savent pas quoi faire. Quand j'ai commencé dans la Ligue à 22 ans, je trouvais que les gars de 35 ans étaient vieux. Mais la carrière passe en un clin d'oeil. Un de nos genoux explose et on nous remplace par un meilleur. Nous sommes des morceaux de viande. Et si nous devons arrêter à 28 ans, il nous reste beaucoup de temps devant nous...»

Bryan Muir trouve les joueurs mieux informés qu'avant, mais il reste encore beaucoup de travail à faire selon lui. «Les agents font du très bon travail. Ils font souvent le pont entre les planificateurs financiers et les joueurs. L'Association des joueurs (NHLPA) pourrait peut-être en faire davantage pour éduquer les joueurs, par exemple organiser des séminaires d'information. C'est peut-être quelque chose que je pourrais faire. Plus on est informé, meilleures sont nos décisions.»

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Suite et fin du dossier demain: Se trouver une nouvelle identité.