Enrico Ciccone était rempli de bonnes intentions lorsqu'il a pris sa retraite du hockey professionnel il y a 10 automnes, à l'âge de 30 ans.

«Ma femme est économiste de formation, je lui ai dit: c'est à ton tour, va travailler, je reste à la maison pour élever notre gars...»

Six mois plus tard, c'est le désastre. Ciccone se cherche une nouvelle identité, après avoir consacré toutes ses énergies au hockey depuis sa tendre enfance. Il tourne en rond chez lui et son couple supporte mal la nouvelle dynamique.

Ciccone rappelle l'agent de joueurs Gilles Lupien, qui lui avait offert à sa retraite de travailler au sein de sa firme.

«Je passais la journée à la maison avec mon gars. Ce n'est pas que je ne l'aimais pas, mais je l'ai trouvé dure celle-là, raconte Ciccone. On ne se sent pas utile.»

L'ancien dur à cuire du Lightning de Tampa Bay, des Blackhawks de Chicago et du Canadien de Montréal, entre autres, se lance à corps perdu dans sa nouvelle carrière. Mais il n'est pas au bout de ses peines.

«Tout le monde réagit différemment à la retraite dans le milieu. Certains s'en tirent bien, d'autres tombent dans l'alcool ou la drogue. Moi, je me suis lancé dans le travail, mais j'en ai oublié l'essentiel.»

Ciccone s'est trouvé une nouvelle occupation, mais son couple a fini par éclater.

«Je dirais que 80% des divorces dans le hockey se produisent après la carrière, note Ciccone. La dynamique change. Il y a un travail d'écoute à faire avec sa femme. On doit réapprendre à se connaître. Quand on mène notre carrière de hockeyeur, on est toujours parti. Ce n'est pas une vie normale. Puis on se retrouve dans la maison 24 heures sur 24, sept jours sur sept. La femme, qui a élevé les enfants seule, veut respirer un peu plus, elle veut qu'on en fasse plus parce qu'on n'a plus l'excuse de la carrière, ça peut shaker dans la cabane. J'étais présent physiquement mais je cherchais tellement à faire quelque chose de ma vie que je passais à côté de bien des choses. Tout a toujours été centré sur nous, on ne vit pas sur la même planète. On revient sur terre et c'est difficile à gérer.»

Enrico Ciccone affirme qu'il y a peu de ressources pour les hockeyeurs à la retraite. Il a vu certains collègues souffrir de dépression, d'autres être mêlés à des histoires de violence conjugale. «Il n'y a pas beaucoup de ressources mais en même temps, chaque joueur et chaque couple a ses responsabilités. Moi, c'était uniquement une question d'amour, la connexion ne se faisait plus. Je n'ai pas appelé à l'Association des joueurs, je suis allé à l'extérieur. Ça m'a coûté cher en séances de psychothérapie, mais ça en a valu la peine! Personne n'a eu plus de peine que moi pendant les quatre ans qu'a duré notre séparation mais on s'est fait aider ensemble et aujourd'hui, nous formons à nouveau un couple et nous sommes les meilleurs complices du monde.»

Aujourd'hui, à titre d'agent de joueurs, Ciccone fait beaucoup de prévention à cet égard. Il prévient ses clients de préparer très tôt leur après-carrière, de modérer leur train de vie, d'être à l'écoute de leur conjointe mais surtout d'accepter leur vulnérabilité.

«Ce que j'ai eu le plus de difficulté à accepter dans mon cheminement, à cause de mon orgueil, c'est de réaliser que j'étais moins fort que je ne le croyais. Le joueur de hockey est capable de contrôler n'importe quelle situation sur la glace de façon rapide et efficace sous pression - et forcément, s'il est dans la Ligue nationale, c'est qu'il a pris plus de bonnes décisions que de mauvaises - mais là, on voit qu'on n'est pas si bon que ça. Il faut accepter le fait qu'on puisse échouer dans certains domaines, ça facilite les choses.»

Un autre ancien redresseur de torts, André Roy, qui a joué à Ottawa, Pittsburgh, Tampa Bay et Calgary, a vécu un début de retraite difficile et il a eu lui aussi à vivre un ajustement au plan familial, entre autres.

Il commence à accepter des projets intéressants dans son domaine de prédilection, le monde des communications, mais il s'est cherché pendant un moment.

«J'ai entendu des histoires de gars qui ont songé au suicide, ça fait réfléchir, mentionne ce père de deux filles, bientôt trois. Non seulement le quotidien est changé pour notre femme et nous, mais on n'est pas dans notre état normal à la maison. On n'a pas de job, on est stressé, moins patient, ça peut entraîner des chicanes. Si le gars boit ou qu'il parie, ça se complique. Ce n'est pas mon cas, heureusement.»

L'ancien défenseur du Canadien Stéphane Quintal a un conseil pour les jeunes joueurs. «Ce qui m'a aidé, c'est d'avoir eu mes enfants sur le tard. J'ai eu ma plus vieille à ma dernière saison. La routine familiale est moins perturbée quand on termine notre carrière et qu'on peut voir nos enfants grandir. Chacun est différent, évidemment. Raymond Bourque a eu ses enfants très tôt et ça a bien fonctionné, mais ce sont des joueurs qui sont restés au même endroit presque toute leur carrière. La famille n'a pas eu à vivre de déménagement.»

La retraite d'un hockeyeur peut aussi devenir une planche de salut pour les épouses, comme le mentionne l'ancien défenseur du Canadien et des Flyers de Philadelphie Éric Desjardins.

«Ma femme commence à avoir ses projets à elle. L'épouse d'un joueur de hockey fait beaucoup de sacrifices. Ces femmes-là n'ont pas le contrôle de leur destin pendant la carrière de leur mari. Elles doivent abandonner leur ville, leur maison, leur famille quand nous sommes échangés. Elles s'installent dans une ville inconnue et n'osent pas se lancer dans des projets d'envergure parce qu'il y a toujours risque d'un autre déménagement. Mais aujourd'hui, nous sommes installés pour de bon et il n'y a pas de crainte qu'on reparte ailleurs.»