En conclusion de notre série sur la formation des jeunes joueurs de hockey au Québec, on s'interroge sur le rôle que pourrait jouer l'école dans la prise en charge des meilleurs talents.

Si certains des meilleurs entraîneurs au Québec délaissent le hockey mineur civil, où vont-ils?

Réponse: dans les écoles.

En complétant leur tâche avec de la surveillance, par exemple, des institutions (souvent privées) sont en mesure d'offrir des salaires compétitifs aux entraîneurs.

À priori, l'implication du milieu scolaire dans la formation des hockeyeurs semble constituer une bonne façon de faire progresser la jeune élite.

C'est du moins l'avis de Stephan Lebeau, qui a quitté les Cantonniers de Magog, de la Ligue midget AAA, pour s'occuper d'un programme de hockey alternatif au collège Bishop's, en Estrie.

«Le plus gros problème en est un de ressources financières et de ressources humaines de qualité, soutient l'ancien du Canadien.

«Non seulement il manque d'entraîneurs qualifiés, mais même si la situation des arénas commence à s'améliorer, nos infrastructures restent insuffisantes. Nous ne sommes pas en mesure d'offrir un volume d'entraînement qui va permettre aux jeunes de progresser.

«C'est bien beau d'avoir les meilleurs professeurs au monde, il faut y mettre le temps pour avoir un bon volume d'entraînement.»

Les programmes sport-études ont bien compris cet enjeu, comme le note Georges Larivière, professeur honoraire à l'Université de Montréal.

«Les sports-études en place font le travail car le volume d'entraînement offert aux élèves est intéressant», confirme cette éminence grise du hockey au Québec.

«Le jeune peut s'entraîner 15 heures par semaine sans que cela nuise au reste de sa vie.»

Sans compter que de telles initiatives scolaires permettent de désengorger les arénas, très prisés le matin et le soir mais sous-utilisés durant la journée...

Des limites

La formule sport-études, financée par le ministère de l'Éducation, a si bien fonctionné qu'elle étend maintenant ses ailes.

«À travers le monde, ces programmes sont normalement destinés aux jeunes de 16 à 18 ans», rappelle le directeur technique de Hockey Québec, Yves Archambault.

«Nous, nous les introduisons à l'âge de 13 ans pour les hockeyeurs du bantam AA. Nous avions six programmes bantam AA cette année et il va y en avoir une quinzaine l'an prochain.»

Il existe également près de 90 programmes de «concentration hockey» dans la province qui ne sont pas soutenus par le ministère.

Cela fait donc déjà beaucoup de hockey dans les écoles, signale Hockey Québec. Mais il y a des limites à mettre sur pied des ligues scolaires aux dépens du hockey civil.

«L'école n'a pas les ressources suffisantes au plan de l'arbitrage ou au niveau de l'organisation d'une ligue, croit Yves Archambault. C'est le plus loin que l'on puisse aller.»

Hockey scolaire et hockey civil

Stephan Lebeau, lui, soupçonne que Hockey Québec hésite à se mouiller davantage parce qu'elle a peur de perdre sa mainmise sur la formation des jeunes joueurs.

Il faut dire que Lebeau s'implique dans l'implantation d'une ligue qui se développe à l'extérieur de Hockey Québec.

Cette Ligue de hockey préparatoire scolaire, bâtie sur le modèle américain, pourrait bientôt compter jusqu'à 12 écoles secondaires.

«Le hockey scolaire existe déjà dans des ligues sans contact, mais ceux qui veulent faire du hockey de compétition n'ont que le hockey civil, rappelle Lebeau.

«Nous voulons créer une ligue scolaire compétitive qui permettrait aussi aux familles d'avoir des horaires plus équilibrés.

«Au départ, ce ne sera peut-être pas assez compétitif, mais le jeune pourra combiner le hockey scolaire et le hockey civil. Éventuellement, on souhaite que le hockey scolaire offre assez de compétition pour inciter les gens à s'engager à temps plein.»

Un choix de société

Comme le soulignait le chroniqueur Yves Boisvert lundi, le hockey mineur d'élite - à commencer par le midget AAA - finit bien souvent par ne rejoindre que les plus privilégiés.

Les parents paient une fortune pour envoyer leur enfant dans des écoles membres de ce réseau, comme le Séminaire Saint-François dans la région de Québec.

Avec une équipe midget AAA, deux équipes midget espoir et l'une des prochaines formations bantam AA, l'organisation du Blizzard du S.S.F., dont Jacques Tanguay et son groupe sont propriétaires, rafle toute l'élite de la région de Québec.

Mais pour qu'une offre hockey comparable à celle du Séminaire Saint-François jaillisse à la grandeur du Québec, le gouvernement devrait investir des sommes colossales.

«Je ne sais pas si l'on peut arriver à resserrer davantage les liens avec le milieu scolaire car l'école a déjà ses propres contraintes», juge Georges Larivière.

«On aime notre hockey, mais on ne valorise pas suffisamment le talent pour créer des conditions propices au développement du potentiel. Il faudrait faire comme dans le sport-études et avoir de bons horaires, du personnel qualifié, des programmes d'entraînement hors glace très poussés, de la théorie...»

Pour l'heure, le système qui continue de prévaloir est celui des «structures intégrées» de Hockey Québec, qui aboutissent dans la Ligue midget AAA.

En dépit des critiques, la fédération réussira-t-elle à redresser la barre et à redémarrer la manufacture de joueurs de talent?

C'est le pari qu'elle a fait.