Le Canadien a donné la frousse à ses partisans en se qualifiant de justesse pour les séries éliminatoires. Puis, ce fut un parcours de rêve jusqu'en troisième ronde des séries. Quelle direction prendra maintenant le Canadien et quelles seront les décisions de ses hommes de hockey?

1. ÉVITER DE PARTIR EN PEUR

Le Canadien est passé à un petit point de ne pas se qualifier pour les séries. Une fois rendu, ses performances - à commencer par sa victoire face aux Capitals - ont été dopées par le brio de Jaroslav Halak. «Le gardien fait partie de l'équipe, et chaque équipe qui connaît du succès a un gardien qui fait les arrêts-clés», a répliqué Jacques Martin. Il reste que le CH devra éviter de se laisser berner par un printemps inattendu en s'imaginant qu'il est devenu un prétendant sérieux à la Coupe Stanley. «On va dans la bonne direction», a dit Pierre Gauthier, mardi. C'est vrai, mais il y a beaucoup de travail à faire. Si le Tricolore perd Tomas Plekanec et n'arrive pas à bien le remplacer, et si l'échange d'un gardien ne signifie pas l'arrivée d'un joueur d'impact, il aura plus de chances de rater les séries que d'atteindre la finale.

2. LE DOSSIER PLEKANEC : LE PREMIER DOMINO

Le dossier Plekanec est prioritaire car la façon dont il se réglera créera un effet domino. Primo, le CH doit déterminer si, avec Plekanec et Gomez embauchés à long terme, il possède une ligne de centre capable de battre les meilleures équipes. Secundo, l'état-major aime beaucoup Plekanec et celui-ci veut rester à Montréal. Or, toute offre dépassant 5 millions par saison serait trop chère pour la véritable valeur de Plekanec, et trop chère pour ce que l'équipe peut se payer. En raison du peu de joueurs de centre disponibles sur le marché des joueurs autonomes, une autre équipe va lui offrir davantage. Si Plekanec veut signer pour 4,5 millions, bravo. Autrement, Gauthier devra le remplacer en transigeant pour un gros joueur de centre capable de pivoter l'un des deux premiers trios.

3. HALAK OU PRICE, PRICE OU HALAK?

Le pire dans ce dossier c'est que même en échangeant Carey Price ou Jaroslav Halak, on ne viendra pas à bout de la damnée controverse des gardiens. Chacun de leur côté, les partisans pleureront le départ de leur favori en scandant que l'équipe s'est trompée. Encore une fois ! Halak est meilleur en ce moment. Price pourrait l'être dans un an ou deux. Que faire ? Garder celui qui semble vouloir le plus demeurer à Montréal. Et ce gardien est Carey Price. Halak se passerait volontiers de l'attention reliée au job de numéro un. Price ? Il sait qu'il peut être un héros un jour, un zéro 20 minutes plus tard. Mais entre les deux, il me semble être le plus apte à composer avec cette réalité. Sans oublier qu'il a été, et sera sans l'ombre d'un doute, un fichu bon gardien de but...

4. MARKOV : UN APPÂT DE PREMIER PLAN

Andrei Markov est le meilleur défenseur du Canadien. L'un des meilleurs joueurs tout court. Mais avant de lui verser la fortune qu'il commandera à titre de joueur autonome l'an prochain - des équipes feront monter les enchères -, le temps serait peut-être venu de se demander s'il ne pourrait pas être échangé. Ne vous étouffez pas ! Il faudra donner beaucoup pour obtenir le gros joueur de centre qui fait cruellement défaut à Montréal depuis 10 ans. Vous ne pensez quand même pas que Ben Maxwell pourra remplir ce rôle ! Avec Markov comme appât, le Canadien pourrait viser un gros poisson. Si le Canadien pouvait mettre la main sur Jeff Carter, Braydon Coburn et Daniel Carcillo en retour de Markov et de Jaroslav Halak, vous ne croyez pas qu'il faudrait y penser deux fois avant de dire non ?

5. LECAVALIER : JAMAIS DEUX SANS TROIS

Depuis qu'il est copropriétaire du Canadien, Geoff Molson s'est assuré de redonner au français une place plus importante autour de l'équipe. Il faudrait maintenant s'attaquer à l'équipe. À part les jeunes qui gravitent autour du club-école, le Canadien n'a pas un seul francophone sous contrat en vue de la saison prochain. Maxim Lapierre et Benoît Pouliot devraient s'entendre avec le Tricolore cet été. Marc-André Bergeron et Mathieu Darche ? C'est loin d'être sûr. À quand une vedette francophone ? Deux fois déjà, le Canadien est passé à un cheveu de mettre la main sur Vincent Lecavalier. Avec Steve Yzerman qui vient d'obtenir le poste de D.G. à Tampa - Yzerman a tourné le dos à Lecavalier aux J.O. de Vancouver -, est-ce que l'occasion se présentera à nouveau ? Lecavalier coûte très cher (75 millions $ pour les 10 prochaines années) mais si Tampa acceptait Gomez comme ancrage et que Yzerman ajoutait des demandes raisonnables ? Je sais : ça ne coûte pas cher de rêver...

6. QUOI FAIRE AVEC LES FRÈRES K?

Si le Canadien a décidé de chasser Georges Laraque du vestiaire parce qu'il représentait une «distraction», comment diable a-t-il pu endurer la présence de Sergei Kostitsyn, qui n'est rien de plus qu'une nuisance publique ? Pour ménager son frère Andrei ? Ça ne valait pas le coup. Oui, les frères K ont du talent. Oui, ils pourraient être bons. Mais c'est ça le problème : ils se contentent de belles promesses. À cause de ce que leur talent laisse miroiter, le Canadien pourrait conclure une transaction les impliquant. Si aucune équipe ne bouge, il reste à espérer que l'appel de la patrie soit plus fort que tout. Ça libérerait les 3,25 millions $ qu'il faudra payer au frère André l'an prochain. Trois millions qui pourraient être mieux dépensés. En clair, il faut s'en débarrasser...

7. DOMINIC MOORE

Il ne remplira jamais le filet adverse et ne passera jamais un joueur par-dessus la bande. Mais Dominic Moore a permis au Canadien de remplir un nid-de-poule qui, à l'image des cratères qui jonchent les rues de Montréal, n'en finissait plus de réapparaître. Moore a donné un Canadien un troisième trio digne de ce nom. Un trio capable d'être efficace avec, comme sans, la rondelle. On ne rit plus. En plus, il est francophile à défaut d'être francophone. Cela dit, après une autre saison, il parlerait aussi bien que bien des Québécois : joueurs de hockey ou non. Si ses succès des séries ne lui enflent pas trop la tête et qu'il ne part pas en croisade pour obtenir un salaire de 2 millions $ par saison, Dominic Moore pourrait faire les joies du Canadien et de ses partisans pour deux ou trois ans...

8. STABILITÉ DERRIÈRE LE BANC ET AU SEPTIÈME ÉTAGE

Pierre Gauthier a embauché Jacques Martin en 1995 pour faire des Sénateurs d'Ottawa l'une des meilleures équipes de la LNH. Martin a réussi. Quinze ans plus tard, à Montréal, les deux hommes doivent relever le même défi. Pour y arriver, ils doivent avoir les coudées franches. Ils les ont. Le printemps fleuri qu'ils ont offert aux partisans leur offrira un coussin de sécurité. Un coussin que 10 défaites en 15 matchs l'an prochain percera. Mais si cette épreuve se présente, Martin pourra compter sur un contrat blindé qui obligera ses patrons à y penser deux ou trois fois avant de gaspiller autant d'argent à le payer à ne rien faire. Martin et Gauthier sont bien en selle. C'est acquis. Il ne reste à Gauthier qu'à offrir des joueurs de qualité à son coach, et à son coach à les faire progresser. Plus facile à dire qu'à faire. Mais les deux hommes ont une feuille de route qui permet de croire que le meilleur reste à venir...

9. NOMMER GIONTA CAPITAINE

C'était inusité de passer la saison sans capitaine, ça ne correspondait pas à la tradition de l'équipe, mais après avoir remplacé la moitié d'une formation - y compris tout son noyau dur - de façon aussi radicale, c'était la chose à faire. Ce n'est pas parce qu'il n'y avait pas de leaders qu'il n'y avait pas de capitaine. Mais le temps est venu pour l'organisation d'en choisir un, et ça risque d'être Brian Gionta. Il est un travailleur infatigable comme Jacques Martin les aime, il a le respect de ses coéquipiers et il est embauché à long terme. Les candidats aux postes d'adjoints ne manqueront pas, à commencer par les défenseurs Markov, Gill et Gorges. Michael Cammalleri est un excellent joueur et un excellent porte-parole, mais la direction risque de lui demander de se concentrer sur ce qu'il sait faire de mieux, soit marquer des buts.

10. TROUVER DU TALENT À BAS PRIX

Le Canadien repêchera 27e à la fin juin. Lors des 10 dernières années, il n'a repêché que deux attaquants «top 6» qui sont encore avec l'équipe aujourd'hui, soit Tomas Plekanec et Andrei Kostitsyn. C'est l'heure de l'autonomie pour le premier et le second n'inspire pas confiance. Le Tricolore doit absolument trouver le moyen de dénicher un attaquant de talent qui aura un impact à court terme. Avec le plafond salarial, les équipes ont besoin de recrues qui vont produire tout en ne coûtant que 875 000 $ par année. C'est devenu incontournable dans la structure économique d'une équipe gagnante. Le CH espérait que Max Pacioretty soit ce genre de joueur, mais on peut désormais douter que le jeune évolue un jour sur l'un des deux premiers trios. La pression est sur Trevor Timmins.

11, FORMER LA RELÈVE

P.K. Subban deviendra un joueur d'impact et devrait amorcer la prochaine saison à Montréal. Sinon, que reste-t-il dans la banque d'espoirs? Plusieurs joueurs évoluant à Hamilton - les Pacioretty, Desharnais, White, Trotter, Weber et Desjardins - risquent d'atteindre la LNH, mais dans des rôles de soutien. Les attaquants Louis Leblanc et Danny Kristo ainsi que le défenseur Mac Bennett ne cogneront pas à la porte avant trois ans. Aucune garantie qu'ils deviendront des joueurs de premier plan. Le petit Gabriel Dumont, qui a le cran et le coeur pour jouer dans la LNH, pourrait devenir un joueur à la Maxime Talbot, mais ça prendra du temps. Le Tricolore devra trouver une façon de maximiser l'évolution de tout ce beau monde.

12. FAIRE SON DEUIL DE GUY BOUCHER

Ce qui n'aidera pas la formation des jeunes, c'est que Guy Boucher se fera bientôt offrir un boulot dans la LNH. Il pourrait donner un an de sursis au Tricolore en statuant qu'il n'est pas prêt à faire le saut ; mais ça ne ferait que reporter le problème. Nommer Boucher adjoint à Jacques Martin ? On en doute : Boucher veut mener les choses à sa façon. Le Canadien va vraisemblablement le perdre, et rien ne garantit qu'il rentrera un jour au bercail. Heureusement, son expérience à Hamilton lui a permis de voir l'étendue des ressources que le Canadien mettait à sa disposition. Boucher ne retrouvera peut-être pas le même environnement à Columbus ou à Tampa ! S'il faut trouver un motif de consolation, c'est que l'homme de 38 ans se sera fait les dents ailleurs plutôt que d'être une recrue derrière le banc du CH.