C'était au printemps 2005. Richard Julien, frère de Claude, entraîneur des Bruins de Boston, supplie son ami, le propriétaire des Olympiques de Gatineau, André Chaput, d'aller jeter un oeil sur un chétif attaquant de l'équipe Junior A de Cumberland. Il est convaincu que le jeune homme a les outils pour réussir dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec.

Chaput, Julien et l'entraîneur-chef des Olympiques, Benoit Groulx, s'y rendent lors du dernier match de la saison des Grads de Cumberland. Le joueur en question s'appelle Claude Giroux. Il a été ignoré par les équipes de la Ligue junior de l'Ontario. Groulx se rappelle ne pas avoir été impressionné outre mesure ce soir-là. «Il ne s'était pas démarqué, a confié hier au téléphone Groulx, aujourd'hui entraîneur des Americans de Rochester, dans la Ligue américaine. Il était chétif. On voyait qu'il avait du talent, mais il jouait dans une mauvaise équipe. On nous avait dit aussi qu'il avait été victime d'une mononucléose plus tôt dans la saison. On avait besoin d'attaquants pour l'année qui s'en venait et j'avais dit à André Chaput de l'inviter et qu'on verrait bien ce qu'il pourrait faire.»

Dès le premier jour du camp des recrues à Gatineau, quelques mois plus tard, une surprise de taille attend Benoit Groulx. «Il a été le meilleur, et de loin. Il a continué à dominer après l'arrivée des vétérans. Après deux semaines en saison, il était l'un des joueurs en qui j'avais le plus confiance. C'était surprenant parce qu'il arrivait de nulle part.»

L'attaquant des Flyers de Philadelphie a amassé 103 points en 69 matchs à sa première année avec les Olympiques. «Cette année-là, Angelo Esposito avait été nommé la recrue de l'année dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec et Claude n'avait pas eu beaucoup d'exposure, a rappelé Groulx. Je répétais que Claude Giroux était le meilleur joueur de notre Ligue, mais peu de gens le savaient.»

Vient ensuite le repêchage de la LNH en juin 2006. Giroux est repêché par les Flyers en première ronde, au 22e rang. Le DG, Bobby Clarke, victime d'un trou de mémoire sur l'estrade, oublie son nom. Il s'en rappelle encore sans doute aujourd'hui. Deux rangs plus tôt, le Canadien avait jeté son dévolu sur le défenseur américain David Fischer, une décision qui fait rager plusieurs fans du Canadien.

Le recruteur en chef du CH, Trevor Timmins, expliquera plus tard qu'il avait fait exception à sa règle lors de ce repêchage et avait préféré choisir un défenseur, une rareté dans l'organisation, plutôt que le meilleur joueur disponible, en l'occurrence Giroux. D'autant plus que le Tricolore comptait déjà un surplus de jeunes attaquants de petite taille.

«Je suis convaincu que le Canadien l'avait à l'oeil, a mentionné Groulx. Le repêchage demeure une science inexacte. Aujourd'hui, c'est facile à dire. Mais beaucoup de recruteurs remettaient en question sa vitesse et ne le trouvaient pas très imposant. J'ai toujours pensé qu'il avait une vitesse surprenante. Il ne paraît pas si vite mais il est toujours au bon endroit et son anticipation est exceptionnelle, il protège toujours le centre de la glace en défense. Il n'est pas costaud, mais il est solide.»

Benoît Groulx dit lui avoir enseigné la rigueur. «Il avait la volonté de s'améliorer mais je ne suis pas convaincu qu'il connaissait les moyens pour le faire. Ses habitudes de travail étaient correctes, mais pas comme elles le sont aujourd'hui. Il devait aussi améliorer sa force physique et son intensité sur la glace. C'est un bon élève. On lui dit une chose et il la met en application immédiatement.»

L'ancien entraîneur de Claude Giroux n'est pas surpris par ses succès. «Non seulement il a les habiletés mais, en plus, il a la volonté de le faire. Même dans l'autre série contre Boston, il a été un joueur-clé. Et on commence à peine à le découvrir. J'ai une anecdote qui résume bien sa volonté et son caractère. En 2008, une semaine ou deux avant les séries éliminatoires, il était de loin notre meilleur joueur et il était venu me voir dans le bureau pour me demander de le pousser encore davantage parce qu'il en avait besoin. Il m'avait dit de ne pas avoir peur de le fouetter devant les autres joueurs, qu'il voulait faire la différence et qu'il était capable de le faire.»

L'entraîneur des Flyers, Peter Laviolette, a dit de Giroux qu'il deviendrait l'un des meilleurs compteurs de la Ligue nationale.

«On regarde ses statistiques en saison, on ne voit rien d'étincelant, mais on sait tous qu'il ne joue pas avec les meilleurs, a dit Groulx. Le jour où ils lui feront une place parmi les deux premiers trios, il explosera. Et avec les séries éliminatoires qu'il connaît, c'est une question de temps avant qu'il obtienne cette place et devienne le meilleur joueur de cette équipe.»