Le Canadien de Montréal multiplie les surprises depuis le début des séries éliminatoires. Après avoir éliminé les Capitals de Washington, il s'est permis de battre les Penguins de Pittsburgh dans leur Igloo.

Pour vaincre des équipes regorgeant de talent, le Canadien a adopté une recette à la fois simple et compliquée. La troupe de Jacques Martin laisse ses rivaux lancer à profusion, mais réduit les chances de marquer en limitant l'accès à l'enclave et en bloquant de nombreux tirs. Elle profite au maximum de ses rares occasions à l'attaque - merci, Michael Cammalleri - et s'en remet pour le reste à son dernier rempart, Jaroslav Halak.

Le Canadien de 2010 a-t-il des semblables dans d'autres disciplines? Toute comparaison est forcément imparfaite, mais La Presse a demandé à quelques experts d'identifier le Canadien de Montréal de leur sport.

...UN CLUB DE SOCCER

Nick De Santis, directeur technique, Impact de Montréal:

«Contre une équipe plus talentueuse et plus expérimentée - les Penguins ont gagné la Coupe Stanley l'an dernier -, le Canadien est un peu comme l'Inter de Milan (qui s'est qualifié pour la finale de la Ligue des champions) contre Barcelone, la semaine dernière. Barcelone est l'une des meilleures équipes sur le plan de l'attaque et de la possession du ballon, alors l'Inter a choisi de se défendre. C'était la seule façon d'avoir une chance de gagner, surtout au Camp Nou, où Barcelone est un phénomène. C'est comme le Canadien. Il est dominé par les Penguins, mais il les frustre et finit par gagner. Jacques Martin est réaliste et fait tout ce qu'il faut pour gagner, comme l'entraîneur de l'Inter, Jose Mourinho, qui a su convaincre des attaquants comme Samuel Eto'o d'épouser totalement sa tactique et de défendre eux aussi.»

...UN GOLFEUR

Jean-Louis Lamarre, professionnel au club de golf de Beloeil:

«Le Canadien, c'est Ben Crenshaw. Il a gagné le Tournoi des Maîtres (en 1984 et 1995) et il était censé être le prochain Jack Nicklaus. Il n'est pas gros et n'a jamais été un joueur de puissance. C'était un travaillant et quand il gagnait, c'est que son fer droit était super hot. Il est l'un des cinq ou 10 meilleurs putters de tous les temps. Et le putter, c'est comme le gardien de but au hockey: il peut sauver la mise à lui seul. On peut être faible dans quasiment tout le reste, mais si on est magique avec le fer droit, on peut gagner les plus gros tournois. N'oublions pas que les dernières fois où le Canadien a gagné la Coupe, c'était avec Patrick Roy et Ken Dryden.»

...UNE ÉQUIPE DE BASKETBALL

Pierre Foglia, chroniqueur émérite et fou de basket:

«Ce qui s'en rapproche le plus, ce sont les Spurs de San Antonio (champions en 1999, 2003, 2005 et 2007). Le coach, Gregg Popovich, ressemble un peu à Jacques Martin. Il est très éteignoir. Il dit à ses vedettes, calmez-vous le pompon. C'est ça mon système et on va aller loin avec ça. Encore cette année, ils se sont qualifiés septièmes dans l'Ouest, mais ils ont éliminé Dallas au premier tour. C'est du grand jeu d'équipe, comme le Canadien, qui avait l'air d'une équipe sous influence, dimanche. La différence, c'est que dans la NBA, même si tu as un système d'équipe, il faut aussi que tu aies des grandes vedettes pour gagner - comme David Robinson (autrefois), Tim Duncan et Tony Parker à San Antonio. Mais ultimement, tu as toujours besoin d'une vedette. Et celle du Canadien, c'est Halak.»

...UNE ÉQUIPE DE FOOTBALL CANADIEN

Bruno Heppell, centre-arrière des Alouettes de Montréal, 1997-2004:

«Le Canadien me fait penser aux Tiger-Cats de Hamilton, qui nous ont battus en finale de l'Est en 1998 et 1999. Ils avaient beaucoup moins de talent que nous, mais ils avaient joué un concept d'équipe extraordinaire. En 1998, ils avaient gagné 22-20 grâce à un placement de 54 verges de Paul Osbaldiston, le vent dans le dos, sur le dernier jeu du match. Et l'année suivante, ils avaient réussi à nous battre chez nous en réussissant une passe de 27 verges à un secondeur, contre notre meilleur demi défensif. Pourtant, on était favoris par beaucoup et on était meilleurs à toutes les positions. On riait d'eux autres. Les gars se tapaient comme des momies pour jouer, ils avaient un petit quart (Danny McManus) bedonnant et leur botteur avait la forme d'une poire. Mais la bonne étoile était du côté d'Hamilton. Tout tournait en leur faveur. Le Canadien n'a pas de Crosby, de Malkin ou d'Ovechkin. Mais Hamilton non plus n'avait pas d'Anthony Calvillo ou de Mike Pringle. Et ils nous battaient.»

...UN TENNISMAN

Eugène Lapierre, directeur du tournoi de Montréal de la Coupe Rogers:

«Le Canadien me fait penser au joueur français Fabrice Santoro, qui a pris sa retraite l'an dernier après une carrière de 20 ans. Il a gagné à la fois contre Jimmy Connors et contre Roger Federer. Pete Sampras, qu'il a aussi battu, l'avait surnommé le Magicien. Marat Safin a dit de lui que c'était le joueur contre qui il haïssait le plus jouer. Il frappait son coup droit et son revers à deux mains. Il n'avait l'air de rien, on avait l'impression qu'on allait le traverser et tout à coup, on se ramassait en bris d'égalité au troisième set. Il était superbement efficace pour le peu de puissance qu'il avait. C'était le contre-attaquant typique qu'on ne voit pas venir. Un poison.» Et ce qui ne gâte rien, il a gagné 24 titres en carrière. Comme un certain club de hockey en bleu-blanc-rouge...