Graham James, un ancien entraîneur de hockey junior qui fut reconnu coupable d'avoir agressé sexuellement de jeunes joueurs, a obtenu son pardon en 2007 de la part de la Commission nationale des libérations conditionnelles, a appris La Presse Canadienne.

Et même si ce pardon a été accordé il y a déjà trois ans, il n'a été révélé au grand jour que tout récemment, après qu'une autre présumée victime de l'entraîneur ait contacté les autorités policières de Winnipeg.

C'est à la suite de récentes discussions avec celles-ci que cette présumée victime, qui s'est confiée à La Presse Canadienne sous couvert d'anonymat, aurait été informée du fait qu'un pardon aurait été accordé.

Cette personne a déjà joué au hockey, mais jamais sous les ordres de James.

Condamné à trois ans et demi de prison en 1997, James a obtenu son pardon le 8 janvier 2007, a appris La Presse Canadienne. Il a été impossible de savoir où il se trouve actuellement.

Des informations ont circulé à l'effet que James vivait maintenant dans la région de Montréal et qu'il aurait possiblement modifié son nom.

Maintenant âgé de 58 ans, James a plaidé coupable à des accusations d'agression sexuelle après que deux de ses anciens joueurs, qui étaient adolescents au moment des faits reprochés, aient dévoilé leurs histoires d'abus entre 1984 et 1995. Sheldon Kennedy, un ancien joueur de la LNH, est l'une de ces victimes.

Ce pardon a fait jaillir une vieille colère, a confié Kennedy.

«Je ne peux rester indulgent face à cette situation», a-t-il déclaré à La Presse Canadienne dimanche soir.

«Ca me choque de savoir qu'en l'espace de 12 ans, il peut faire ce que bon lui semble et mentir à ses employeurs parce que personne ne connaît son passé puisqu'il a été effacé. Ça m'agace.»

La plus récente présumée victime, qui aurait rencontré James quatre ans avant Sheldon Kennedy, étudie toujours la possibilité d'imiter Theoren Fleury et de porter plainte auprès de la police de Winnipeg.

Fleury, un autre ancien hockeyeur de la LNH, est allé de l'avant en janvier après avoir publié une autobiographie, à l'automne, où il racontait les détails des abus allégués subis aux mains de James à partir de l'âge de 14 ans.

Incompréhensible

L'avocat de Fleury, Hersh Wolch, a indiqué dimanche qu'il n'était pas au courant du pardon. Plus tard, dimanche soir, Fleury a fait part de son incrédulité face à cette nouvelle

«Je suis en état de choc et abasourdi. Je ne peux croire qu'un individu ayant commis un crime de la sorte puisse obtenir un pardon», a déclaré Fleury dans un communiqué de presse émis dimanche.

«De toute évidence, personne ne devait être fier de cette décision car elle ne serait pas demeurée secrète. Je pensais que nous avions un système judiciaire transparent. C'est une autre preuve que notre société en a beaucoup à apprendre sur la protection des victimes.»

Fleury a ajouté que ce pardon fait en sorte qu'il sera encore «plus difficile» pour les gens ayant été abusés de parler de ce qu'ils ont subi.

La police de Winnipeg a également confirmé qu'elle enquêtait sur les allégations de Fleury mais Me Wolch n'a pas voulu commenter, indiquant que l'affaire était désormais entre les mains des autorités policières.

La plus récente présumée victime de James considère que le simple fait que ce dernier ait présenté une demande de pardon est une preuve de son absence de remords. Mais cette personne n'a pas voulu donner davantage d'informations sur ce que son allégué agresseur lui aurait fait subir, si ce n'est que les gestes sont de nature sexuelles et qu'il aurait ensuite songé à s'enlever la vie.

Harper outré

C'est avec consternation que le bureau du premier ministre Stephen Harper a appris la nouvelle du pardon par La Presse Canadienne.

«La décision de la Commission nationale des libérations conditionnelles est grandement troublante et préoccupante», a affirmé le porte-parole de M. Harper, Dimitri Soudas, qui a assuré que le gouvernement n'avait pas été mis au courant du pardon accordé à James.

«Le gouvernement n'a pas donné son consentement», a soutenu M. Soudas. Le premier ministre Harper a demandé une explication afin de savoir comment il avait été possible qu'une telle décision ait été prise (...) de pardonner quelqu'un qui a commis des crimes si horribles», a poursuivi le porte-parole.

Toujours selon Dimitri Soudas, M. Harper aurait demandé au ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, de «proposer des réformes qui assureront que la Commission nationale des libérations conditionnelles fasse toujours passer en premier la sécurité du public et cela, sans équivoque».

Un processus de pardon habituel

Le pardon a été autorisé par Pierre Dion, un membre à temps plein de la Section d'appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles. M. Dion exerce aussi le métier de psychologue dans une clinique à Ottawa et possède une expérience en protection de l'enfance devant les tribunaux.

Pierre Dion avait d'abord été nommé par les libéraux à ce poste, puis, son mandat a été renouvelé par les conservateurs.

Un pardon n'efface pas le casier judiciaire d'une personne mais signifie que les informations sont détenues dans un fichier séparé. Ainsi, lorsqu'une vérification est effectuée auprès du Centre d'information de la police canadienne (CIPC), une base de données centrale utilisée par la GRC et d'autres forces policières, les informations relatives au casier judiciaire de la personne n'apparaissent pas.

Dans le cas d'un criminel condamné pour des infractions sexuelles graves, le casier judiciaire est conservé séparément des autres, mais le nom est relevé par le CIPC. Cela veut dire que les informations peuvent être révélées si cela concerne un emploi particulier où la personne doit interagir avec des personnes vulnérables, comme des enfants ou des handicapés.

La porte-parole de la Commission nationale des libérations conditionnelles, Caroline Douglas, a expliqué que le processus du pardon ne prenait généralement pas en compte la nature du crime commis - et même ceux que le public trouve particulièrement révoltants.

«Il y a très peu de personnes qui ne sont pas admissibles au pardon», a-t-elle précisé, ajoutant qu'il fallait s'en tenir à la loi. Ainsi, seulement quelques criminels, dont ceux condamnés pour meurtre ou ceux qui sont qualifiés de «délinquant dangereux» ne peuvent être pardonnés.