Scotty Bowman estime qu'on lui a accordé un grand privilège en lui confiant les rênes du Canadien au cours de la décennie 1970.

Il a savouré cinq conquêtes de la coupe Stanley en huit saisons, étant à la barre de la dynastie quatre fois titrée entre 1976 et 1979. L'édition 1976-77 du Tricolore a marqué l'histoire de la LNH en ne subissant que huit défaites pour totaliser 132 points, grâce à 60 victoires et à 12 verdicts nuls.

«C'était une grande équipe, convient-il pendant un entretien avec La Presse Canadienne. La meilleure que j'aie dirigée? Pas nécessairement. Il faut dire que le noyau de l'équipe dans ces années-là est demeuré inchangé. La saison précédente de celle de huit défaites, nous avions subi 11 défaites et la saison d'après 10.»

En 1995-96, Bowman a piloté les Red Wings de Detroit vers une saison de 62 victoires et 131 points, mais en 82 matchs. Peut-il établir des comparaisons entre les deux équipes?

«Nous n'avions pas gagné la coupe en 1995-96, répond-il. Nous l'avons remportée les deux saisons suivantes.

«Plusieurs joueurs au sein des deux équipes ont été admis au Temple de la renommée», ajoute-t-il.

A l'âge de 76 ans, William Scott Bowman, qui est né à Verdun, a le pas alerte et la mémoire vive. Il peut vous énumérer des dates et des noms de joueurs, évoquer des événements en les pimentant de détails précis. On vérifie, et on constate qu'il maîtrise son histoire.

«J'ai passé 18 années dans l'organisation du Canadien, entre les années 1955 et 1979, et l'équipe a remporté quelque chose comme 13 coupes Stanley.»

C'est à la tête des Blues de St-Louis que Bowman a fait ses premiers pas comme entraîneur dans la LNH lors de l'expansion de la ligue en 1967. Il y a passé quatre saisons, avant que le directeur général des Glorieux, Sam Pollock, le rapatrie.

«Même à St-Louis, j'ai subi l'influence de la tradition d'excellence du Canadien. Il y a eu plusieurs anciens joueurs qui sont venus chez les Blues: les Doug Harvey, Dickie Moore, Jacques Plante, Jim Roberts, Noël Picard, Barclay Plager, Phil Goyette et Ab McDonald. On fondait de grands espoirs.»

A son retour à Montréal en 1971, Bowman voyait se profiler une équipe bourrée de talent. Le Canadien a repêché plusieurs joueurs qui allaient faire leur marque: les Guy Lafleur, Steve Shutt, Bob Gainey, Mario Tremblay, Murray Wilson et Doug Risebrough. Ils se sont greffés aux Jacques Lemaire, Yvan Cournoyer, Ken Dryden, Larry Robinson, Serge Savard, Guy Lapointe et Peter Mahovlich. Tous ces joueurs ont fait partie de la dynastie de fin de décennie. Neuf d'entre eux ont leur place au Temple de la renommée.

«C'était une formidable époque pour oeuvrer chez le Canadien, continue Bowman qui, à défaut d'avoir été l'entraîneur de l'histoire du club le plus apprécié des joueurs, a été un des plus respectés. Sam Pollock était en poste depuis longtemps. Sa réputation n'était plus à faire comme dirigeant, et il était en plus un homme d'affaires accompli. Il a été un merveilleux mentor pour moi. J'ai grandement appris en le côtoyant.

«L'organisation regorgeait d'employés de qualité à tous les postes. Il y avait Al MacNeil, Claude Ruel était mon adjoint, etc.»

La plus marquante

Des cinq conquêtes que Bowman a savourées chez le Canadien, sur les neuf au total figurant à son impressionnant palmarès, une seule a été célébrée sur la glace du Forum, en 1979. Il conserve de précieux souvenirs de la première coupe qu'il a gagnée en 1973, contre les Blackhawks de Chicago.

«C'est difficile d'identifier une conquête plus satisfaisante qu'une autre, souligne-t-il. Chacune a revêtu un cachet particulier, mais la première a été plus marquante pour moi. On a gagné la finale en six matchs. Je me rappelle qu'on avait perdu le cinquième au Forum 8-7, avant d'aller l'emporter 6-4 à Chicago.

«C'était des scores surprenants compte tenu que les gardiens en présence étaient Ken Dryden et Tony Esposito, deux des plus dominants de leur époque. On avait remporté le premier match 8-3 et perdu le troisième 7-4.»

Il se rappelle de l'accueil triomphal que l'équipe avait reçu à son retour de Chicago, à l'aéroport de Dorval, le soir même, ainsi que du traditionnel défilé des champions sur la rue Sainte-Catherine, le lendemain.

«C'était toujours des moments exaltants. Les partisans étaient formidables. On sentait leur appui inconditionnel.»

Bowman, qui est encore actif dans la LNH pour le compte des Blackhawks, pour lesquels son fils Stan agit comme directeur général, dit que le principal atout de Pollock a été de dénicher des joueurs prometteurs au repêchage.

«Il connaissait l'importance des choix de repêchage. Il ne s'en départait pas pour rien. Il a fait plusieurs choix judicieux qui ont permis au Canadien de connaître du succès.»

Les six coupes que le CH a gagnées au cours des années 1970 représentent un total qui ne sera jamais égalé dans une LNH à 30 équipes, estime Bowman, qui participera aux activités marquant la fin du centenaire du Canadien en fin de semaine.

«Les équipes qui ont du succès sont celles qui ont bien repêché ces dernières années. Prenez les Penguins de Pittsburgh qui ont bâti leur équipe championne grâce à des choix de repêchage élevés. Ils ont mis la main sur les Marc-André Fleury, Evgeni Malkin, Jordan Staal et Sidney Crosby.

«L'exemple des Blackhawks est également éloquent. Ils ont quitté les bas-fonds de la ligue en repêchant les Jonathan Toews et Patrick Kane. On peut aussi parler du Lightning de Tampa Bay, avec les Steven Stamkos et Victor Hedman.

«Dans ce contexte, il est très difficile pour les équipes de milieu de peloton de gravir les échelons», a-t-il résumé.