Comme ça, vos favoris vont sauter sur la glace ce soir avec pas de capitaine, comme on dit dans le milieu. C'est bien ça. Après mûre réflexion, Bob Gainey et Jacques Martin ont conclu qu'ils avaient besoin d'un peu de temps, encore, avant de donner le fameux C à un digne soldat.

C'est quand même incroyable.

Il y a quelques semaines à peine, au fameux tournoi de golf du Canadien, les leaders potentiels étaient tellement nombreux qu'on se demandait si on allait avoir assez d'un C pour toute l'équipe. Les experts nous parlaient des Gionta, Gomez, Cammalleri, Markov. Tous de vaillants guerriers qui piaffaient d'impatience à l'idée de porter bien haut le flambeau. Une couple de semaines au camp d'entraînement, croyait-on, et le prochain capitaine allait se lever, un peu comme Tom Cruise dans A Few Good Men.

Sauf qu'on est rendu au premier match de la saison, et le fameux leader ne s'est toujours pas manifesté. Pas assez, en tout cas, pour qu'on lui offre le C ce soir à Toronto.

J'ai appelé Vincent Damphousse pour voir ce qu'il en pensait, lui qui a porté le C sur son maillot tricolore pendant trois ans. Il se trouve que lui aussi est plutôt étonné.

«Que le Canadien n'ait encore trouvé personne, c'est bizarre à mes yeux, a-t-il expliqué. S'il y a un leader dans ce vestiaire, il me semble que la direction devrait le savoir. J'ai de la misère à comprendre pourquoi ils n'ont pas encore nommé quelqu'un. Je suis certain qu'au cours des dernières semaines, il y a un gars qui est sorti du lot. S'ils ne trouvent personne d'ici la fin octobre, ça va être vraiment bizarre.»

Parmi les folles rumeurs qui ont circulé sur les ondes (et Dieu sait...), il y a eu cette idée de plusieurs capitaines à la fois, des joueurs qui s'échangeraient le C de temps à autre, comme on s'échange une vieille roulette de ruban ou un paquet de gomme.

Mais ça, ce n'est pas vraiment une bonne idée, selon Damphousse.

«J'ai joué avec des clubs qui changeaient de capitaine à tous les 10 matchs, et ça ne faisait pas sérieux. En fonctionnant comme ça, c'est comme si on lançait le message qu'il n'y a aucun véritable leader dans le club.

«Un capitaine, c'est très important. C'est le lien entre le vestiaire et le coach, et c'est un joueur qui doit montrer l'exemple aux jeunes, autant sur la patinoire qu'à l'extérieur. On ne s'en cachera pas, le capitaine à Montréal, c'est plus important que partout ailleurs dans la ligue.»

Peut-être que dans le fond, les leaders potentiels du Canadien commencent à trouver que le C, ce n'est pas une si bonne affaire. Surtout les nouveaux, qui sont ici depuis quelques semaines seulement, et qui réalisent déjà que la ville est hockey.

Pensez-y. Le prochain capitaine ne parlera probablement pas un mot de français. Il va arriver quoi, vous croyez, quand le CH va se mettre à en perdre trois ou quatre de suite en janvier? On va ressortir le fait français. Et on va dire que le problème, c'est le capitaine, qui ne parle pas la langue de Guy Lafleur.

«On le sait que le gars ne parlera pas français, mais il ne faut pas virer fou avec ça, a estimé Vincent Damphousse. C'est sûr que ça dépend de la situation; si on est capitaine pendant 10 ans, il y a un minimum qui doit être fait pour apprendre la langue.»

En attendant que Saku Koivu digère bien cette dernière phrase, la question demeure: qui, dans ce vestiaire, est capable de prendre le C et la pression qui vient avec? Manifestement, Bob Gainey et Jacques Martin ne connaissent toujours pas la réponse.

Pour un club que l'on dit tout plein de leaders et de rassembleurs, cela est un peu décevant. Un peu inquiétant aussi.