Jacques Martin regarde au sol et s'offre quelques secondes de réflexion lorsqu'on lui demande si les joueurs de son équipe sont en forme.

Comme s'il voulait ménager Guy Carbonneau, qui l'a précédé à la barre de l'équipe, et son actuel patron, Bob Gainey, qui a pris la relève de Carbo le printemps dernier, Martin finit par lever les yeux et offre une réponse polie: «Pas assez! Mais ça va venir...»

Si l'on se fie aux entraînements que Martin dirige depuis le début du camp, les joueurs du Tricolore afficheront une forme de pointe avant la première neige.

«La forme est certainement l'un des aspects sur lequel on doit le plus travailler, a expliqué Martin. Mais ça prend du temps. On peut améliorer la forme à court terme, mais les vrais changements, c'est l'an prochain qu'on les remarquera vraiment. Lorsque les gars auront adopté les programmes d'entraînement que nous leur proposons et qu'ils respecteront les consignes de nutrition que nous leur offrons. La forme physique, c'est plus que le patin et le vélo.»

Martin accorde un soin jaloux à la forme physique, car il faut être en super forme pour respecter le style de jeu qu'il préconise.

«C'est exigeant de jouer comme on demande aux joueurs de le faire. Être efficaces en défense et dangereux en attaque, ça ne veut pas dire d'attendre l'adversaire en zone neutre ou d'attendre des passes de nos défenseurs à la ligne bleue. Il faut être engagés. Il faut provoquer des erreurs en pressant l'adversaire dans son territoire. Inversement, ça veut dire de revenir rejoindre nos défenseurs pour orchestrer des sorties de zone rapides. On ne peut pas faire tout ça sans tricher si on n'est pas en excellente forme.»

Pour y arriver, Martin dirige des entraînements beaucoup plus soutenus, voire ardus, que l'an dernier.

Finis les entraînements optionnels dont Gainey a gavé ses joueurs au printemps en pensant les ménager pour les séries éliminatoires, avec les résultats qu'on connaît.

Mais pas question non plus de sortir le fouet tous les jours.

«Déjà difficile, la saison régulière le sera encore plus cette année en raison de la pause olympique, a dit Martin. Il faudra doser le travail et c'est la raison pour laquelle nous ne ménageons aucun effort en début de saison. Il n'est pas question de s'entraîner très longtemps, mais si on doit s'astreindre à des périodes de 45 minutes, ces minutes seront intenses et jamais gaspillées.»

Martin et Goldenberg

S'il supervise tout ce qui se passe sur la patinoire, Martin laisse à son «gourou» du gymnase, Lorne Goldenberg, le soin de bien huiler les machines qui propulsent ses joueurs.

Heureux comme un poisson dans l'eau dans le gymnase que le Canadien a créé au Centre d'entraînement de Brossard, Goldenberg ricane lorsqu'on lui fait part de la remarque de Martin sur le manque de forme des joueurs.

«Je vais lui laisser le soin de faire ce genre de déclaration. Et je suis mieux de prendre les bouchées doubles parce qu'il ne voudra pas que ça dure trop longtemps.»

Comment Goldenberg s'y prendra-t-il pour corriger une situation qu'il refuse d'imputer à Scott Levingston, son prédécesseur?

«Scott est extrêmement compétent. Mais pour réussir dans notre domaine, il faut l'entière complicité du coach. Il doit être aussi exigeant sur la patinoire que nous le sommes au gymnase, sinon les résultats ne viennent pas. Jacques veut des gars explosifs et solides sur leurs patins. J'adapte mes programmes à cet aspect et il complète par des entraînements appropriés sur la patinoire. C'est pour cette raison que je sais que nous améliorerons de beaucoup la forme de nos gars au cours des prochaines semaines et que cette équipe ne sera plus la même l'an prochain.»

Pour compter sur une équipe en grande forme, Lorne Goldenberg n'aura pas recours à beaucoup d'entraînements en poids et haltères.

«Je ne veux pas créer des monstres. J'ai recours à des programmes qui visent à maximiser le cardio et à repousser les limites de leur effort maximum.

« Quand je regarde les matchs, je relève des situations de jeu que je visionne ensuite avec eux pour démontrer une lacune ou, au contraire, pour noter les améliorations obtenues. Il y a du travail à faire, mais les gars travaillent. Et les résultats viendront.»