La dernière fois que l'agent Allan Walsh s'est entretenu avec son client, c'était au début de l'été. Jonathan Boutin lui faisait part de sa décision d'aller jouer en Russie.

«Il a fait appel à une agence européenne pour négocier son contrat et notre firme ne s'en est pas mêlée», a souligné l'agent d'origine montréalaise.

Depuis, Walsh n'a suivi que de très loin ce qui se passait avec Boutin, qui n'était plus sous sa juridiction.

«J'avais entendu dire que ça ne se passait pas trop bien pour lui là-bas, mais je ne savais pas qu'il n'était pas payé et qu'il avait été battu», a-t-il précisé.

«Mais jusqu'à quel point est-il blessé?» a demandé Walsh.

«Jonathan a gagné des titres québécois de boxe pour les moins de 16 ans. Il sait se défendre avec ses poings!»

Jusqu'à maintenant, les circonstances entourant l'incident sont nébuleuses. Mais ce qui est certain, c'est que les joueurs de hockey étrangers qui viennent en Russie sont des cibles de choix.

Ces expatriés courent un certain risque.

«Dès mon arrivée en Russie, l'équipe m'a donné du poivre de Cayenne en me disant: 'Traîne ça avec toi, on ne sait jamais'», a raconté Jean-François Fortin, un défenseur de 30 ans qui a été attiré par les salaires attrayants et exempts d'impôts de la KHL.

L'agression dont a été victime Jonathan Boutin ne le surprend pas.

«Ça demeure quand même un cas isolé, a-t-il précisé cependant. Les chances de manger une volée sont minces.»

Le far west

Jonathan Boutin n'est pas le premier hockeyeur nord-américain dont le séjour en Russie se termine en queue de poisson.

Jean-François Fortin, par exemple, avait signé avec une équipe de la KHL un contrat de deux ans qui devait lui rapporter 1 million. En argent comptant.

Mais comme ça a été le cas pour Boutin, l'entente a été résiliée quelques jours après son arrivée.

«J'ai manqué un mois du camp d'entraînement en raison d'une blessure, a rappelé Fortin, un ancien des Capitals de Washington. Quand je suis arrivé là-bas, je n'ai joué que quatre matchs avant que l'équipe ne juge que je n'étais pas en forme.»

Comprenant qu'il ne verrait jamais l'argent que lui avait promis le club de Balashikha, Fortin a plié bagage et s'est trouvé du boulot en Allemagne.

Depuis, Fortin a compris que Balashikha faisait partie de ces équipes de la KHL qui ont de la difficulté à payer leurs joueurs.

«Le club avait une masse salariale de 22 millions, il jouait devant 2000 personnes et les billets se vendaient 10$.

«Quand je demandais comment ils arrivaient à financer ça, on me répondait toujours qu'il y avait un gars dans le pétrole ou le gaz naturel...»

Boutin et Fortin ont donc vécu la même infortune au plan des affaires.

Mais selon Allan Walsh, la réalité de la KHL est une chose, et celle du circuit où Boutin voulait jouer en est une autre.

«Je ne me souviens pas d'avoir eu de mauvaises expériences avec la KHL, a dit Walsh. Mais on parle ici d'une formation de deuxième division, qui n'est pas encadrée par la KHL.

«C'est sûrement plus le far west.

«Si Boutin s'est bel et bien fait tabasser, c'est digne de mention. Mais ce serait plus pertinent si ça s'était produit dans la KHL. Les joueurs et les agents seraient davantage préoccupés.»

Des avis partagés

Par le passé, des gardiens comme John Grahame et Ray Emery ont eu des ennuis avec leurs équipes de la KHL. Leur part de responsabilité n'a jamais été clairement établie.

Qu'en est-il de Boutin?

«Disons que ce n'est pas la première malchance qui lui arrive», a observé un ancien coéquipier, qui ne voulait pas s'étendre sur le sujet.

Pour d'autres, comme l'entraîneur de Boutin dans la ECHL, le gardien de 24 ans n'est pas du genre à attirer les problèmes.

«Jonathan a été excellent pour nous l'an dernier», a rappelé Cail MacLean, le pilote des Stingrays de la Caroline-du-Sud.

«C'est un jeune homme qui se comportait très bien et qui nous a aidés à nous frayer un chemin jusqu'au championnat.

«Jusqu'à ce qu'il nous fasse part de son intention d'aller en Russie, on s'attendait à le revoir dans notre équipe pour la prochaine saison.»