L'ère Saku Koivu est officiellement terminée. Le DG Bob Gainey l'avait annoncé, la semaine dernière, mais un hypothétique retour du capitaine a été mis en terre, hier, quand Koivu a signé avec les Ducks d'Anaheim une entente d'un an évaluée à 3,25 millions.

Il s'en trouvera pour célébrer la nouvelle.

Non pas parce que Koivu s'était fait détester. Mais parce qu'il représentait quelque chose de lourd à porter.

À tort ou à raison, Saku Koivu est l'emblème de la plus longue période dans l'histoire du Canadien sans Coupe Stanley.

Les fans lui ont imputé les lacunes d'une équipe qui, pendant trop longtemps, l'a entouré de Brian Savage ou de Richard Zednik.

Très tôt, il est devenu par défaut le premier centre de l'équipe, un rôle qui ne lui a plus convenu après cette fameuse blessure au genou subie en décembre 1996 à Chicago.

Les gens l'oublient, mais Koivu trônait à ce moment-là au sommet des pointeurs de la LNH...

Capitaine Courage

On fait parfois de dangereux raccourcis: un joueur, parce qu'il est capitaine, doit être le meilleur joueur de son équipe. Et puisqu'il est le meilleur joueur de son équipe, c'est lui qui doit la faire gagner...

Telle est l'histoire de Koivu à Montréal: celle d'une erreur de casting.

«Un homme peut aider, mais à lui seul, il ne peut pas tout faire», a rappelé hier Jean Béliveau, le seul joueur à avoir été capitaine du Canadien dans plus de matchs que Saku Koivu.

«S'il y a une chose qu'on ne peut pas lui enlever, c'est que sur la glace, il travaillait fort.»

La super vedette a donc été attendue en vain.

Tristement, c'est le terrible cancer que Koivu a vaincu en 2001 qui a recentré son identité.

«Je n'étais pas encore avec l'équipe à cette époque-là, mais comme tout le monde, son retour m'a montré à quel point c'était un combattant», nous a confié Guillaume Latendresse.

Cette image du guerrier a par la suite teinté le jeu de celui qu'on s'est mis à appeler «Capitaine Courage».

Aujourd'hui, à défaut de montrer ses bagues de la Coupe Stanley, c'est cet héritage que le Finlandais veut laisser.

«J'espère que les gens se souviendront de moi comme d'un joueur qui a adoré Montréal, qui a été extrêmement fier de porter le CH et d'en être le capitaine», a soutenu Koivu, dont la conférence téléphonique, hier, était empreinte de classe et d'émotion.

«J'espère qu'ils se souviendront d'un joueur qui n'a jamais abandonné et qui donnait tout ce qu'il avait à tous les matchs.»

Il s'en est dit des choses!

Le leadership de Koivu a été remis en question à chaque passage à vide du Canadien.

Des gens au sein de l'équipe nous ont dit que le capitaine avait la fâcheuse habitude de faire passer ses messages par les autres.

On a écrit que le vestiaire du Tricolore n'était pas assez grand pour qu'il puisse cohabiter avec Alex Kovalev, une vedette qui avait plus de magnétisme que lui.

Et plusieurs ont suggéré que Koivu avait aidé à avoir la tête de certains coachs.

Ça fait beaucoup!

«Je sais que des gens de l'extérieur l'ont critiqué au fil des ans, mais dans le vestiaire, on avait la vraie vérité», a commenté Maxim Lapierre.

«Saku est un gars qui y a tout le temps mis l'effort et qui a prêché par l'exemple. Il a donné tout ce qu'il avait à donner.»

Rester soi-même

De toutes les critiques, c'est celle blâmant Koivu de ne pas avoir appris le français qui a le plus porté.

«J'aurais aimé parler couramment français, a plaidé Koivu. Je comprenais les raisons pour lesquelles on aurait voulu que je le parle. Mais le fait est qu'à Montréal, j'étais d'abord et avant tout un joueur de hockey.

«Au bout du compte, je n'ai pas pris ces critiques de façon personnelle.»

Koivu n'a pas cherché à plaire. Il a voulu être honnête envers lui-même. Et c'est le conseil qu'il veut prodiguer au futur capitaine du Tricolore.

«Il devra rester lui-même et ne pas se cacher derrière une façade, car les gens vont vite s'en rendre compte», a dit le centre de 34 ans.

Effort individuel, résultat collectif

Après 13 saisons dans l'uniforme tricolore, dont neuf à titre de capitaine, les bons souvenirs sont nombreux.

Le nouveau porte-couleurs des Ducks s'attend à en vive un autre lorsqu'il reviendra à Montréal pour la première fois dans un nouvel uniforme.

«J'espère que lors de ce match, la foule démontrera du respect pour ce que j'ai donné au Canadien durant toutes ces années», a-t-il indiqué.

Saku Koivu a eu ses torts, et il n'aura peut-être pas été ce dont les fans avaient rêvé.

Mais il serait injuste de le rendre responsable des misères que connaît le CH depuis 15 ans.

Car si l'effort est individuel, le résultat, lui, est collectif.