La guerre commerciale entre les géants des télécommunications BCE et Quebecor fait rage sur un nouveau front: la propriété du Canadien de Montréal et de son amphithéâtre.

Les deux groupes ont chacun formé un consortium afin de mettre la main sur les propriétés sportives montréalaises de George Gillett. BCE s'est associé notamment à l'ancien directeur général du Canadien, Serge Savard, ont confirmé à La Presse quatre sources indépendantes au fait du dossier. Selon un de ces informateurs, proche du consortium, le Fonds de solidarité de la FTQ fait aussi partie du groupe de BCE.

Le géant des télécommunications cherche entre autres à empêcher son concurrent Quebecor de rapatrier les droits sur le nom du Centre Bell et les droits de télédiffusion des matchs en français, qui appartiennent jusqu'en 2013 au Réseau des Sports. La chaîne spécialisée est une filiale de CTV GlobeMedia, dont BCE détient 15% des parts.

BCE a refusé jeudi de confirmer ou d'infirmer sa participation au sein du consortium. «On ne commentera pas les rumeurs», a déclaré Jacques Bouchard, responsable des relations médias chez BCE. Serge Savard, qui a reconnu en avril son intention d'acheter l'équipe, ne nous a pas rappelés.

Au Fonds de solidarité de la FTQ, «personne ne peut commenter une transaction qui n'est pas terminée, a indiqué la porte-parole Josée Lagacé. Les demandes d'investissements qui sont sur nos tables à dessin ne peuvent être commentées tant qu'elles ne sont pas finalisées.»

Le Fonds de solidarité a déjà été engagé dans les sports avec les Nordiques de Québec et les Expos de Montréal. Il a aussi été partenaire de M. Savard dans la réalisation du complexe hôtelier El Senador, à Cayo Coco.

Du côté de Quebecor, le président et chef de la direction, Pierre Karl Péladeau, a confirmé la semaine dernière que son entreprise était sur les rangs pour acheter le Canadien de Montréal et le Centre Bell. «On a signé une entente de confidentialité; donc, par voie de conséquence, il y a certainement un intérêt», a déclaré M. Péladeau au terme de l'assemblée annuelle de Quebecor.

Une guerre d'image

Aux yeux de Bernard Dagenais, professeur en communications à l'Université Laval, c'est avant tout une guerre d'image entre BCE et Quebecor qui se prépare. «Les deux géants ont chacun besoin de redorer leur blason: BCE en raison de la déconvenue de l'aventure Teachers, et Quebecor avec Quebecor World», a rappelé M. Dagenais.

«Or, le Canadien est un fleuron de toute la société - à tout le moins montréalaise. À mon sens, c'est plus une bataille de prestige qu'une bataille économique.»

Cela dit, plusieurs enjeux commerciaux sautent aux yeux, à commencer par les droits télévisuels. Pierre Karl Péladeau pourrait utiliser le Tricolore comme outil de convergence avec Vidéotron, TVA ou une éventuelle nouvelle chaîne sportive, mais se priverait du même coup de certains revenus. «Si BCE achète l'équipe puis revend les droits de distribution, il y a une plus-value pour l'entreprise, a expliqué M. Dagenais. Mais Quebecor, lui, aurait les droits de facto. Il y aurait donc pour lui un manque à gagner.»

Il ne faut pas non plus sous-estimer le droit d'appellation de l'édifice où évolue le Canadien. «Combien de fois dans une année répète-t-on le nom Centre Bell? a demandé Bernard Dagenais. Depuis qu'elle a payé son prix d'entrée, il n'en coûte rien à Bell pour recevoir toute cette publicité. On achète un nom en ayant la certitude que la présence de la marque sera multipliée.»

Comme le mentionnait La Presse la semaine dernière, deux autres groupes provenant des États-Unis sont également sur les rangs pour racheter le club centenaire de George Gillett.

Une vente du Canadien serait sujette à l'approbation du conseil des gouverneurs de la Ligue nationale, dont la prochaine rencontre est prévue le 24 juin. L'ordre du jour de cette réunion doit être fixé 14 jours avant la rencontre.

Mais même si la vente du Canadien se conclut après le 10 juin, les gouverneurs peuvent l'entériner par le biais d'un vote fac-simile.

Selon les rapports qu'ont obtenus les acheteurs potentiels le mois dernier, le Canadien a généré des revenus de 288 millions lors de la saison 2007-2008 et son bénéfice s'est élevé à 45 millions. Quant à la division Groupe Spectacles Gillett, elle aurait généré des revenus de 100 millions ainsi que des bénéfices de 10 millions.

- Avec la collaboration de William Leclerc