Pour Glen Metropolit, le hockey est plus qu'un jeu et plus qu'un gagne-pain. Plus que la passion d'une vie, même. C'est aussi, et surtout, la planche de salut qui a fait cruellement défaut à son frère Troy. La rampe de lancement qui a permis à l'attaquant du Canadien, originaire d'un des quartiers les plus pauvres et les plus durs de Toronto, d'échapper à une vie criminelle dans laquelle il aurait été facile de sombrer.

Difficile d'imaginer deux frères aux destins plus divergents: pendant que Glen Metropolit se prépare pour le premier match de la série Canadien-Bruins, demain soir à Boston, son frère cadet croupit dans une cellule du pénitencier de Millhaven, en Ontario.

Troy Metropolit purge depuis février 2000 une peine de 14 ans pour avoir participé au kidnapping et à la torture d'un couple de riches Torontois. Il y attend aussi son procès pour le meurtre de Marlan Assinewai, un codétenu qu'il est accusé d'avoir poignardé, en 2003.

C'est une histoire que Glen Metropolit a déjà racontée, au fil du long périple qui l'a mené de la East Coast Hockey League à Montréal, en passant par la Ligue internationale, la Ligue américaine, la Finlande, la Suisse et une demi-douzaine d'équipes de la LNH. Mais c'est une histoire qui vaut la peine d'être rappelée, une histoire où l'espoir côtoie le drame, certes, mais qui nous rappelle aussi les immenses vertus du sport.

Glen Metropolit a grandi dans un HLM du quartier de Regent Park, à une dizaine de minutes à pied du vieux Maple Leaf Gardens, au centre-ville de Toronto. Le genre de quartier où il est plus facile de devenir trafiquant de drogue que hockeyeur professionnel. «Quand tu grandis là, c'est ton environnement. Tu ne réalises pas à quel point c'est un milieu difficile tant que tu n'en es pas sorti», a dit Metropolit, rencontré au centre d'entraînement du Canadien, à Brossard.

Sa mère Linda était chef de famille monoparentale. Quand Glen et Troy avaient 6 ans et 3 ans, respectivement, elle a perdu son emploi à la Bourse de Toronto et s'est séparée du beau-père de Glen, Bruce Metropolit (il n'a jamais connu son père biologique). Pendant un an et demi, les deux garçons ont dû vivre en foyers d'accueil. «C'était une période difficile de ma vie, a dit Linda Lafferty, aujourd'hui remariée, au Philadelphia Inquirer, l'automne dernier. Je voyais mes fils les week-ends, mais ça me brisait le coeur de les voir repartir.»

Dans ces conditions pénibles, Metropolit s'est découvert une passion: le hockey. Il avait 7 ans quand il s'est joint à sa première équipe, à Moss Park, la patinoire en plein air du quartier. «C'était une ligue gratuite, commanditée par le gouvernement, le samedi matin. J'ai joué dans les petites ligues, jamais dans le AAA. Mais ça allait, car je jouais au hockey. Je ne pensais qu'à ça. C'était mon rêve.» Mais pas celui de son jeune frère. «Il a essayé, mais il voulait juste se battre. Les entraîneurs étaient incapables de le contrôler.»

Glen évoluait pour le club de son école secondaire quand un ami recruté par une nouvelle équipe junior B de Richmond Hill, au nord de Toronto, lui a suggéré de se présenter au camp d'entraînement lui aussi. «J'étais confiant. Je savais que je pourrais être aussi bon que lui si on me donnait ma chance. J'ai été le dernier gars sélectionné, mais j'ai joué dans l'équipe. Et à ma deuxième année, j'ai remporté le championnat des compteurs. C'est là que les choses ont décollé pour moi, que j'ai commencé à croire que je pouvais jouer avec tous ces bons joueurs.»

À 19 ans, jamais repêché, le joueur de centre est parti pour la Colombie-Britannique, où l'attendait une place avec les Vipers de Vernon, dans le Junior A.

«Il fallait que je m'éloigne de Toronto et de tout ce qui s'y passait. Mes amis ne jouaient plus au hockey, ils faisaient des choses qu'ils n'auraient pas dû faire, dit-il avec pudeur. Je ne voulais plus être impliqué là-dedans. Je voulais encore tenter de réaliser mon rêve.»

Il voulait aussi profiter de son passage dans l'Ouest pour obtenir une bourse d'une université américaine. «J'ai eu une offre de Bowling Green, en Ohio, et j'ai signé une lettre d'intention. Mais il fallait que j'améliore mes notes. Malheureusement, mes années à Toronto, où je me souciais seulement d'obtenir la note de passage pour finir le high school, m'ont fait du tort. Malgré mes efforts en Colombie-Britannique, ma moyenne générale n'était pas assez haute.»

Il a décidé de faire le saut chez les pros. Il a joué dans la East Coast League, d'abord à Nashville, puis à Pensacola, en Floride, où il a rencontré sa future femme, Michlyn Gazaway (le couple a trois enfants). Ont suivi des escales avec les Rafales de Québec et les Griffins de Grand Rapids, de la défunte Ligue internationale, avant que les Capitals de Washington ne lui ouvrent les portes de la LNH à l'été 1999.

Six mois plus tôt, son frère, alors âgé de 23 ans, avait embouti avec deux complices la Mercedes d'un avocat de Toronto et de sa femme. Le trio avait ligoté le couple et l'avait détenu, battu et menacé avec un faux semi-automatique pendant une dizaine d'heures, dans l'espoir d'obtenir son code d'accès bancaire. Ils avaient aussi dévalisé la maison de leurs victimes. Le couple avait fini par s'échapper et les trois criminels avaient été vite capturés et condamnés à de lourdes peines.

Cela fera bientôt 10 ans et, si Troy est condamné pour le meurtre dont on l'accuse maintenant, il n'est pas à la veille de recouvrer sa liberté. «Il m'appelle une fois par mois environ pour dire bonjour. Mais nous sommes tellement différents, dit Metropolit. C'est ce qui arrive dans ce milieu-là: si tu n'as pas le sport pour t'accrocher, tu vas graviter vers les mauvaises influences parce que tu veux te sentir accepté. Je connaissais les truands, ceux qui volaient, mais je m'en tenais au hockey. Ça me permettait de m'évader.»

Aujourd'hui, la mère de Metropolit, qui conduit des autobus pour la Société des transports de Toronto, a quitté Regent Park. Mais sa grand-mère y habite toujours. «J'y retourne chaque fois que je passe à Toronto, pour me souvenir d'où je viens, dit Metropolit. Et tous les matins, quand je me présente au travail, pour une des meilleures organisations de l'histoire du sport par-dessus le marché, je me sens béni.»