Dans le temps qu'il me parlait, George Gillett avait l'habitude des longues discussions optimistes. Tenez, grâce à la magie du Net, j'ai retrouvé cette savoureuse déclaration que m'avait lancée le proprio, par un beau jour d'octobre 2007: «Si nous ne bataillons pas pour la Coupe Stanley cette saison, nous allons être très déçus.»

J'imagine que M. Gillett est encore très déçu. Comme les partisans du club, d'ailleurs.

L'homme d'affaires américain en est à sa septième saison complète à titre de grand patron du Canadien. Puisque la pancarte «À VENDRE» est sur le point d'être plantée devant les portes du temple, le moment est judicieusement choisi pour tracer un bilan de ce que l'on pourrait appeler les années Gillett. Des années qui n'auront pas été aussi reluisantes que promis.

Voyons un peu. En six saisons, le Canadien de George Gillett a raté les séries à deux reprises. Les quatre autres fois, il n'a jamais patiné plus loin que le deuxième tour. Sous son règne, la fiche du CH en séries n'a rien de bien glorieux: 17 victoires contre 24 défaites.

Ces chiffres seraient sans doute acceptables si on parlait ici des Coyotes de Phoenix ou des Predators de Nashville. Mais ce n'est pas le cas. On parle bel et bien du Canadien de Montréal. L'équipe la plus titrée du hockey, comme ses dirigeants aiment nous le faire remarquer très souvent.

Quand George Gillett a choisi de se lancer dans cette aventure, il savait parfaitement dans quoi il s'embarquait. Au fait, monsieur m'a déjà raconté en long et en large combien lui et son fils Foster s'étaient offert un cours intensif sur l'épopée du CH en dévorant des dizaines de livres sur l'histoire de l'équipe, quelque part au Colorado. L'idée, c'était d'arriver ici et de faire honneur à la tradition. L'idée, c'était d'arriver ici et de remettre le Canadien sur les rails du succès.

Le marketing avant le sport

Huit ans plus tard, où en est cette équipe? D'un strict point de vue financier, elle va très bien merci. Le CH n'a jamais été aussi populaire, le service du marketing a travaillé très fort dans les coins (à preuve, tous ces fanions à 20$ qu'on retrouve sur les voitures) et le Centre Bell est toujours plein, même lorsque les Islanders sont en ville.

C'est du côté hockey que ça va moins bien. Si Gillett finit par vendre, il va larguer un club composé majoritairement de vétérans qui n'avancent plus et de jeunes dont on attend toujours l'explosion. Bref, à peu de choses près, ce club ressemble au club acheté par Gillett il y a huit ans. Comme au tournant des années 2000, le Canadien d'aujourd'hui est une bonne petite équipe, point. Une bonne petite équipe qui pourrait être des séries, ou peut-être pas.

Ce qui me ramène à ce jour d'octobre 2007, quand les belles paroles d'un propriétaire aux lunettes roses laissaient entrevoir un futur autrement plus reluisant. Je me souviens entre autres d'une phrase qui ne laissait planer aucun doute: «Au cours des deux ou trois prochaines années, on va réaliser que notre approche est la bonne», m'avait soufflé le propriétaire, qui était de très bonne humeur au bout du fil.

Cette approche - un mélange de jeunes et de vétérans en fin de carrière - n'a pas donné les résultats escomptés au Centre Bell. Et le Sauveur qui devait guider ce club, le jeune gardien en qui George Gillett et ses alliés ont tout misé (non, je ne fais pas référence à Jaroslav Halak) se permet encore de donner des mauvais buts à de bien mauvais moments.

«Il n'y a pas une seule autre équipe qui peut se targuer d'avoir ce genre de talent devant le filet», m'avait dit le proprio en cette journée d'octobre 2007.

On réalise aujourd'hui que le proprio, malgré toute sa bonne volonté, n'a jamais pu s'approcher de cette Coupe Stanley qu'il désirait tant. Lire des livres sur l'histoire du club, c'est une chose. Mais mener ce club dans la bonne direction, c'est autrement plus difficile.

Presqu'aussi difficile que de rembourser un prêt de 75 millions de dollars.