Jean-Sébastien Giguère est toujours intéressant à interviewer.

Il est intelligent, réfléchi et, surtout, il répond sans détour à toutes les questions, même les plus délicates.

Le gardien des Ducks s'amène à Montréal ce week-end dans un contexte particulier.

Les choses ne vont pas très bien pour lui à Anaheim. À son dernier match, contre les Islanders, son entraîneur Randy Carlyle l'a ramené au banc après qu'il eut accordé un deuxième but en début de première période. La crise qu'il a piquée n'était pas jolie.

 

Depuis un certain temps, l'auxiliaire Jonas Hiller joue autant que lui. Et mieux. Les statistiques ne mentent pas. Le Suisse montre une fiche de 11-9-1, une excellente moyenne de 2,06 et un brillant taux d'arrêts de ,930.

Giguère, qui doit sa présence au match des Étoiles au vote populaire, a remporté 12 matchs, subi 12 défaites, quatre échecs en prolongation, sa moyenne de 3,08 et son taux d'arrêts de ,904 ne sont pas à la hauteur des standards.

On peut même se demander si un changement de garde ne s'opérera pas sous la direction du nouveau DG Bob Murray. Hiller a 26 ans et il est sous contrat pour une autre saison à un salaire annuel de 1,3 million. Giguère, 31 ans, touchera six millions l'an prochain et sept millions la saison suivante.

Giguère, avec la classe et l'assurance qu'on lui connaît, ne craint pas d'aborder le sujet.

«On est chanceux d'avoir un deuxième gardien qui excelle comme Jonas le fait, précise d'abord l'athlète de Blainville. Quand les choses fonctionnent mal, ou que survient une blessure, comme on peut voir avec Roberto à Vancouver, c'est toujours bon d'avoir un gars qui peut faire la job. De ce côté-là, il m'enlève beaucoup de pression. Il a du talent et il va avoir une carrière incroyable dans cette ligue.

«Mais d'un autre côté, poursuit Giguère, ça rend ma job un peu plus difficile parce que quand il joue, il joue vraiment très bien. Ça met un peu plus de pression sur mes épaules. Mais moi, je ne joue pas contre lui. Tout ce que j'ai à faire, c'est d'arrêter les rondelles. Je sais ce que je suis capable d'accomplir. Pour le reste, je ne peux pas contrôler ce que Jonas fait, ce que l'équipe va décider. Parce qu'à un moment donné, l'équipe va devoir prendre une décision. Mais ça ne sera pas moi qui déciderai.»

Giguère en est-il déjà rendu à prévoir un déménagement? «Un changement de décor ne m'effleure pas encore l'esprit mais comme je le disais, c'est sûr qu'éventuellement ils vont avoir une décision à prendre. Par contre, j'ai déjà vécu ce genre de situation auparavant. Avec (Ilya) Bryzgalov, tout le monde aurait pu penser que c'est moi qui allait être échangé, mais ça ne s'est pas passé comme ça. J'ai fait ce que j'avais à faire et on a gagné la Coupe Stanley. Je sais ce que je peux apporter à une équipe et c'est à moi de le faire.»

À la défense de Giguère, il a eu à composer avec la perte de son père, qui a rendu l'âme il y a quelques semaines après une très longue maladie. Le gardien ne semble pas y trouver un prétexte pour expliquer sa saison difficile.

«En général, le club est frustré. Plus tu es frustré, plus tu joues mal. Je suis frustré moi aussi parce que je joue mal. C'est frustrant parce que ça va bien dans les entraînements; je fais beaucoup d'arrêts lors des pratiques. Et je me sens en parfaite santé pour la première fois depuis quelques années. Je ne comprends pas pourquoi ça ne fonctionne pas. Je vais m'en sortir et je serai un meilleur joueur quand je m'en serai sorti, mais c'est difficile.»

Giguère dit ne pas avoir parlé à son entraîneur Randy Carlyle à la suite de sa crise de mercredi au cours de laquelle il a fracassé son bâton en arrivant au banc et lancé son masque par terre.

«C'était peut-être le temps de passer deux ou trois jours à penser à quelque chose d'autre. Je suis un professionnel. Randy est mon boss, il doit prendre des décisions. Parfois, ces décisions, je ne les accepte pas. Parfois, la façon de l'exprimer n'est pas la bonne, comme je l'ai fait, évidemment. Je ne lui en veux pas. Après quatre ans, il me connaît, il sait quand je suis dans ma game ou pas, il devait sentir ça. J'ai déjà oublié l'épisode. Dernièrement, je ne lui ai pas donné beaucoup d'arguments pour me laisser devant le filet. Il m'a donné une chance. C'est à moi de trouver un moyen de m'en sortir. Je ne sais pas encore comment, parce que si je le savais, j'en serais sorti, mais je vais trouver.»

Les Ducks aussi devront se ressaisir. Ils se classent actuellement huitièmes dans l'Ouest et seulement quatre points les séparent du 12e rang.

«D'avoir un peu de recul ce week-end me fera du bien. J'espère que mes coéquipiers vont faire la même chose. Je sais que plusieurs d'entre eux se rendaient au Mexique pour relaxer. Quand on va revenir, il sera temps de jouer comme les Ducks en sont capables. Nous sommes une équipe qui devrait être parmi les quatre ou cinq premières de notre Association, pas au huitième, neuvième ou 10e rang.»

Giguère est accompagné par sa femme, sa fille, et les autres membres de sa famille ce week-end. Et sans doute par son père, qui n'est probablement pas très loin, selon lui.

«C'est sûr que j'aimerais que mon père soit ici pour célébrer avec moi mais il est toujours avec moi d'une manière ou d'une autre, dit-il. Il doit être très content de me voir ici aujourd'hui...»