Armi toutes les rumeurs qui circulent aux alentours du Centre Bell - ajoutons à la liste cette histoire du CH qui serait à vendre, gracieuseté de monsieur Jim Balsillie, un homme qui sait se faire des amis là où ça compte -, il y a bien sûr ces rumeurs concernant l'arrivée d'un éventuel sauveur. Ces rumeurs-là, elles ne veulent pas mourir. Elles mettent normalement en vedette un Suédois, un Slovaque, un Russe, et un gars qui se nomme tout simplement Shanahan.

D'habitude, ces rumeurs ne parviennent pas jusqu'au vestiaire. C'est connu, un joueur de hockey, ça ne lit pas les journaux et ça n'allume pas la télé. C'est comme ça. Pas pour rien qu'une fois échangé, le joueur de hockey est souvent le plus surpris d'entre tous. C'est pour ça qu'il lance toujours un «je ne m'y attendais pas» bien senti quand on lui annonce qu'il doit déménager; parce que, on l'aura deviné, il ne s'y attendait vraiment pas.

Mais hier midi, dans le vestiaire du Centre Bell, Francis Bouillon m'a avoué que lui et ses coéquipiers étaient très au courant de toutes ces rumeurs qui envoient des Shanahan et des Kovalchuk à Montréal.

«C'est sûr qu'on les entend les rumeurs, on est à Montréal, m'a expliqué Bouillon. On ne peut pas faire autrement. C'est juste que je trouve ça plate, parce que l'équipe va bien, et des rumeurs, ça peut juste déranger.»

Peut-être. Mais des rumeurs du genre, ça peut aussi faire rêver. Je ne vous dis pas le nombre de fans qui m'ont demandé si la rumeur de Gaborik était crédible (non), ou si la rumeur de Shanahan avait un peu plus de sens (oui). La logique est la suivante: le Canadien est déjà bien parti, pourquoi ne pas ajouter du talent et s'assurer de la Coupe là, tout de suite?

J'ai posé la question à Francis Bouillon. Il a hésité un peu.

«Premièrement, je trouve que l'esprit de groupe est excellent cette saison, a-t-il commencé par répondre. C'était déjà bon l'an passé et là, c'est encore mieux. Alors je ne suis pas sûr qu'un nouveau joueur nous aiderait.

«Ensuite, il ne faut pas oublier une chose: c'est toujours risqué d'insérer un nouveau joueur dans l'alignement quand tout va bien. On ne sait pas si ce gars-là va avoir besoin de beaucoup de temps avant de s'acclimater. Ça dépend du type de gars que tu vas chercher. Des fois, y'a des joueurs qui arrivent avec une nouvelle équipe et qui prennent trop de place... L'équilibre d'une équipe, c'est fragile.»

Bouillon a raison: l'équilibre d'un club ne tient qu'à très peu de choses, en effet. Regardez du côté des Rangers de New York... Au cours des dernières années, les Blue Shirts se sont permis d'embaucher vedette sur vedette, gros nom après gros nom. Les Rangers ont voulu se paqueter un club, comme disent les Français, et ils ont cru naïvement qu'on ne peut jamais avoir assez de joueurs de talent.

Au fait, combien de fois ont-ils gagné la Coupe Stanley avec cette formule magique, les Rangers? C'est ce que je croyais.

Non, le Canadien n'a pas besoin d'une immense vedette pour jouer jusqu'en juin. En fait, les besoins du club au maillot bleu, blanc et rouge sont autrement plus modestes: dénicher ce quatrième défenseur dont on parle depuis au moins quatre mois, et peut-être aussi aller chercher un fier vétéran qui pourrait donner un solide coup de pouce quand ça va se mettre à chauffer au printemps.

En attendant, respirons par le nez, comme me l'a gentiment suggéré Patrice Brisebois hier midi.

«Pourquoi bouger quand tout va bien? m'a demandé le vétéran défenseur. Je ne suis pas le patron de cette équipe, mais on a trois bons trios, on a un quatrième trio avec de la profondeur... Il me semble qu'on ne change pas une formule gagnante.»

À Bob Gainey de décider. En attendant, le message de ses gars est clair: tout va très bien, monsieur le DG.