Le Canadien de Montréal est-il à vendre? C'est ce qu'affirme Jim Balsillie, cochef de la direction de Research in Motion (RIM), fabricant du célèbre téléphone sans fil BlackBerry.

«L'équipe est à vendre», a-t-il insisté en marge d'une entrevue accordée à La Presse au siège social de RIM à Waterloo, en Ontario.

Voilà plus de deux ans que Jim Balsillie remue ciel et terre pour acquérir une équipe de la Ligue nationale de hockey, dans le but à peine dissimulé de la déménager dans le sud de l'Ontario, au Copps Coliseum de Hamilton. Mais jusqu'ici, le conseil des gouverneurs de la LNH a contrecarré les projets de l'homme d'affaires d'acquérir les Penguins de Pittsburgh puis les Predators de Nashville.

Joint au téléphone, le propriétaire du Canadien, George Gillett, a nié avec véhémence l'affirmation de Balsillie. «Au fil des ans, nous avons été contactés plusieurs fois par des gens intéressés à acheter le Canadien de Montréal. Jamais, jamais, que ce soit dans le passé ou maintenant, n'avons-nous envisagé de vendre ou entretenu des discussions au sujet de la vente de l'équipe. En cette année du centenaire, alors que nous nous préparons à présenter le match des Étoiles et que nous avons les meilleurs partisans du monde et une équipe extraordinaire, j'ignore pourquoi quelqu'un voudrait inventer une telle histoire.»

Les allégations de Balsillie ont à ce point dérangé Gillett qu'il a demandé au commissaire de la LNH, Gary Bettman, de téléphoner à La Presse. «Je confirme ce que George vous a dit. Cette franchise n'est absolument pas à vendre», a déclaré le commissaire.

Fan fini de hockey - son idole de jeunesse était Guy Lafleur -, Jim Balsillie était au 327e rang des hommes les plus riches de la planète, le printemps dernier, selon le palmarès de la revue américaine Forbes, qui a estimé sa fortune personnelle à 3,4 milliards US.

En raison de la crise financière et de la promotion coûteuse de nouveaux appareils qui gruge les marges de profits, le titre de RIM a toutefois perdu plus de la moitié de sa valeur depuis le sommet de 150,30 $ touché le 19 juin à la Bourse de Toronto. Malgré tout, les 34 millions d'actions de RIM que Jim Balsillie détenait en date du 10 octobre valaient encore plus de 1,9 milliard de dollars canadiens, hier.

«J'ai les moyens d'acheter plusieurs équipes de hockey », a-t-il observé en souriant lorsque La Presse a cherché à faire le point sur son intérêt envers les Predators de Nashville. Il a refusé d'en discuter lors de l'entrevue formelle (dont le compte rendu paraîtra demain dans La Presse Affaires), qui portait sur l'environnement concurrentiel et turbulent dans lequel navigue RIM. «Je ne peux pas en parler en ce moment», a-t-il dit.

À la toute fin de l'entrevue, alors qu'il se faisait photographier, il s'est toutefois mis à discuter de hockey à bâtons rompus. À une attachée de presse à qui il demandait si elle avait déjà assisté à un match au Centre Bell, Jim Balsillie a parlé de l'ambiance extraordinaire qui régnait dans l'amphithéâtre de «George» (Gillett, bien sûr). C'est lorsqu'on lui a fait remarquer à la blague que le Canadien de Montréal n'était pas à vendre qu'il nous a contredits, en pesant ses mots.

«L'équipe est à vendre», a-t-il insisté.

Vous déménageriez le Tricolore, avons-nous poursuivi? «Bien sûr que non, ce serait pure folie que de sortir l'équipe de Montréal», a-t-il précisé.

Puis, sans qu'on le lui demande, il est allé chercher le logo du Canadien sur son BlackBerry et s'est fait prendre en photo avec le CH en évidence. Il a même fallu insister pour le photographier sans son téléphone et le logo du Tricolore.

Jim Balsillie est reparti avant qu'on ne puisse l'interroger plus longuement sur ses intentions envers le Canadien, une équipe dont il dit être un «fan pur et dur», selon le Globe & Mail, même si sa mère raconte que, garçon, il affectionnait plutôt les Maple Leafs de Toronto. Invité à préciser sa pensée par courriel, Jim Balsillie a refusé d'épiloguer sur le hockey.

Investissement personnel

À l'évidence, tout investissement de sa part serait fait à titre personnel, comme cela aurait été le cas pour les Penguins et les Predators si ses tentatives d'acquisition avaient abouti. Jusqu'ici, il n'a jamais été question que RIM investisse dans une équipe de hockey et un amphithéâtre à des fins de marketing, même si l'entreprise trime dur depuis deux ans pour conquérir le marché, plus vaste, des utilisateurs particuliers de sans-fil.

Rappelons qu'à l'été 2007, le grand patron de RIM avait commencé la prévente de billets de saison à Hamilton avant même d'avoir officiellement acquis les Predators. Selon certains observateurs, le commissaire de la LNH, Gary Bettman, aurait alors incité le propriétaire des Predators, Craig Leipold, à préférer une offre d'achat concurrente d'une valeur inférieure à celle déposée par Jim Balsillie.

Bettman n'a pas voulu commenter, hier, mais en entrevue à CKAC, la veille, il avait soutenu que Balsillie avait retiré son offre. «Je n'ai rien contre lui. Ceux qui disent le contraire ont tort, a-t-il dit à CKAC mercredi. Il a eu deux chances d'acheter une franchise (Pittsburgh et Nashville) et a quitté la table avant de clore l'affaire.»

Quoi qu'il en soit, c'est un groupe d'investisseurs locaux associés à l'homme d'affaires William (Boots) Del Biaggio III qui a finalement racheté les Predators en 2007. Or, Del Biaggio a fait faillite en juin, après avoir été accusé d'avoir dérobé 10 millions US à la banque new-yorkaise Modern Bank pour acquérir les Predators.

Un tribunal de faillite est en voie de liquider ses éléments d'actif, dont sa participation de 27 % dans les Predators. Participation que Jim Balsilie lorgnerait.

Que Balsillie soit intéressé ou non par le Tricolore - et en tout cas, il ne serait pas seul -, il reste que la vente possible du club montréalais suscite invariablement des remous. Ne touche pas qui veut à la sainte Flanelle, si on se rappelle la commotion créée il y a sept ans, lorsque l'Américain Gillett a mis la main sur le Centre Bell et 80,1 % du club (Molson détient les 19,9 % restants) en offrant 275 millions CAN.