Quand Guy Carbonneau était capitaine du Canadien, il pilotait le troisième trio et son mandat était résolument défensif. C'était son assiette au beurre.

Maintenant à la barre de l'équipe, Carbo va entreprendre une nouvelle saisonsans trio défensif!

L'arrivée de Robert Lang va en effet permettre au Tricolore d'offrir trois unités menaçantes en attaque - chose que Carbo voulait établir dès l'an dernier.

 

«On n'avait pas les effectifs pour y arriver», a admis toutefois le coach.

Carbonneau reconnaît que la composition d'une équipe a beaucoup changé depuis le temps où il excellait à devenir l'ombre de Peter Stastny.

«Dans ce temps-là, on voyait souvent deux trios offensifs, un trio défensif et un trio d'énergie, se rappelle-t-il. Je ne sais pas si c'était la stratégie de l'époque ou s'il y avait un manque de talent, mais maintenant on a plus de profondeur.

«Et au sein de notre équipe, le quatrième trio se doit d'apporter de l'énergie et aussi de la défense.»

Ce n'est pas surprenant qu'un jeune comme Maxim Lapierre, qui arrive dans la LNH à une époque où les rôles traditionnels sont en mutation, ne voie pas de différence entre un trio défensif et un trio d'énergie.

«Leurs mandats se ressemblent, estime Lapierre. Il s'agit de passer beaucoup de temps en zone adverse et de faire un bon échec-avant.»

Un luxe que le CH se paie

Carbo n'hésite pas à demander à certains de ses meilleurs atouts - Plekanec, Kovalev, Higgins, Koivu - de remplir des missions défensives, entre autres en désavantage numérique.

C'est une orientation claire prise par la direction. Et même des joueurs qui pensent 100% attaque, comme les frères Kostitsyn, ont joué abondamment en infériorité numérique pendant le camp d'entraînement!

Mais la voie empruntée par le Tricolore est-elle une tendance qui se vérifie partout dans la ligue, ou est-ce plutôt un luxe qu'elle peut se payer?

«Ça dépend du visage de ta formation, croit Tom Kostopoulos. Dans d'autres équipes, tu peux voir un trio défensif affronter les meilleurs attaquants adverses. Chez nous, n'importe quel trio peut être confronté à la meilleure unité adverse, en opposant attaque contre attaque.

«La défense est quelque chose qui s'apprend, mais pas l'attaque.»

Le Selke a évolué

Guy Carbonneau le reconnaît: les attaquants à caractère défensif ont plus de difficulté à suivre la parade. Ce qui va les sauver de l'extinction, ce sera leur aptitude à garder le contrôle du disque.

«On s'est rendu compte que c'était plus payant de marquer des buts que de simplement se défendre!» s'esclaffe Carbo en énonçant ce qui a l'air d'une vérité de La Palice.

«Les joueurs défensifs doivent mettre autre chose dans leur boîte à outils. Ils ne peuvent plus juste dire qu'ils ont rempli leur mission si les gros canons de l'autre côté n'ont pas produit.

«Ils doivent exercer un bon contrôle de la rondelle, mais aussi se défendre à forces égales, remporter des mises en jeu et exceller en désavantage numérique.»

Carbo rappelle qu'à Detroit, des joueurs comme Kris Draper et Kirk Maltby font un travail extraordinaire en défense.

«Ils jouent contre le meilleur trio adverse et ils sont quand même capables de produire.»

L'entraîneur en veut aussi pour preuve la façon dont a évolué le trophée Selke depuis 10 ans. Les Pavel Datsyuk et Rod Brind'Amour sont au moins aussi reconnus pour leurs talents à l'attaque que leur jeu défensif!

En fait, depuis que Carbo a mis la main sur son troisième et dernier trophée Selke, en 1991-1992, un seul attaquant l'a remporté en marquant moins de 20 buts. Et cet attaquant-là s'appelait Ron Francis.

Dans les deux sens

Selon Maxim Lapierre, la nouvelle application des règlements a certes favorisé les bons patineurs, mais elle donne des munitions à l'attaque à tous les joueurs, y compris ceux dont le rôle est plus défensif.

«Puisqu'il y a moins d'accrochage, même le gars qui n'a pas les meilleures mains a plus de chances de marquer car il a plus de chances de se rendre au filet.»

Encore là, l'attaquant «two-way», qui travaille bien dans les deux sens de la patinoire, en tire profit.

Et puis, depuis quelques années déjà, l'augmentation des pauses publicitaires permet aux meilleurs joueurs d'avoir un répit additionnel.

Lorsqu'ils ont les aptitudes pour jouer efficacement en défense, la nécessité d'avoir recours à des joueurs strictement défensifs diminue d'autant plus.

Cela dit, Carbonneau ne va pour autant cesser de prêcher le hockey défensif!

Il a d'ailleurs convaincu Alex Kovalev de ses vertus, et l'Artiste en prêche les mérites aujourd'hui.

«Tu te dois d'avoir un volet défensif dans ton équipe, peu importe le nombre de bons attaquants que tu possèdes, plaide Kovalev. Car si tu établis un bon jeu défensif, l'attaque va se mettre en place d'elle-même.»