Si je me souviens bien, c'était il y a un an, presque jour pour jour. Autour du Centre Bell, ce n'était pas la joie. Que non. Tout le monde s'amusait à prédire une autre saison d'enfer au Canadien, peut-être une 12e place chanceuse si Alex Kovalev se comportait en grand garçon.

Mais le propriétaire George Gillett, lui, parlait avec l'assurance d'un gars qui savait des choses que tout le monde ignorait.

«En passant, les experts sont d'accord pour dire que nous avons les meilleurs espoirs de la LNH», m'avait dit le proprio à propos de ses jeunes joueurs.

C'était il y a un an. Aujourd'hui, il faut bien le reconnaître: finalement, peut-être que les experts avaient raison. Et peut-être que M. Gillett avait raison de leur donner raison.

Le camp d'entraînement du Canadien tire à sa fin, et tout ce qu'on entend, c'est Max Pacioretty par-ci, Yannick Weber par-là, sans oublier Kyle Chipchura, celui qui devra peut-être se trouver un appartement en ville, comme on le dit si bien dans le milieu. Bien sûr, on entend aussi parler de certains vieux qui sont pas mal assurés de «faire le club» (Kovalev, Andrei Markov), mais ce sont les plus jeunes qui volent le show. Et les partisans du Canadien ne se peuvent plus. Je crois même avoir aperçu quelques petits drapeaux sur des voitures, curieux phénomène que l'on observe normalement au printemps.

Aucun doute, la relève du Canadien commence à prendre de la place, et le Canadien ne s'en portera que mieux. Guy Carbonneau aime bien les «beaux problèmes», comme il dit. Ça tombe bien, parce qu'il va avoir à prendre des décisions difficiles sous peu avec tous ces jeunes hommes qui ne veulent plus partir.

Pendant que les jeunes patineurs du Canadien croulent sous les éloges, deux hommes doivent se retenir très très fort pour ne pas rire trop fort: Bob Gainey et Trevor Timmins.

Ces deux-là ont souvent été la cible de critiques pour leur propension à ne pas repêcher québécois. À chaque fois que le Canadien prononçait un nom jugé trop «exotique» sur la scène du repêchage, médias et fans s'unissaient bruyamment pour rappeler au duo Gainey-Timmins qu'il serait préférable de choisir des Bouchard et des Tremblay. Mais les patrons du Canadien répondaient toujours la même chose: on prend le meilleur joueur disponible. Fin de la discussion.

Il est peut-être temps d'admettre que les deux hommes savaient ce qu'ils faisaient, non?

C'est en repêchant le meilleur joueur disponible que le Canadien a pris Carey Price en 2005, même si la décision avait été fortement critiquée à l'époque. C'est aussi en repêchant le meilleur joueur disponible que le Canadien a mis la main sur Pacioretty en 2007, même si tout le monde voulait plutôt voir David Perron enfiler le maillot bleu, blanc et rouge. Et c'est en repêchant le meilleur joueur disponible que le Canadien a pris Chipchura en 2004, au risque d'offenser tous ceux qui redoutent encore le mythe du «boeuf de l'Ouest».

C'est drôle, mais aujourd'hui, plus personne ne s'énerve avec la provenance des jeunes joueurs du Canadien. Parce que ces jeunes ont du talent, et surtout, parce qu'ils permettent aux fans de croire en un futur reluisant. Que ces jeunes viennent du Québec, de l'Ontario, de la Norvège ou d'une obscure province chinoise, honnêtement, on s'en fout. Parce que c'est le résultat qui compte.

Ceux qui connaissent Bob Gainey savent que l'homme n'a jamais été du genre à se laisser guider par les émotions. Gainey cherche avant tout à prendre les bonnes décisions pour son équipe, peu importe ce qu'en pensent les médias et tous les gérants d'estrade de cette province.

Tout indique que cette stratégie est sur le point de lui rapporter.