Nous voici donc à la fin septembre. Normalement, on devrait être en train de causer des séries qui approchent pour les Alouettes. On devrait être en train de causer des séries du baseball, du prochain combat de Lucian Bute, ou de la fabuleuse renaissance des Bills de Buffalo, qui jouent pas trop loin d'ici.

Mais non. À la place de tout ça, on cause de quoi? De l'aine de M. Kovalev.

C'est comme ça. Le hockey se meurt peut-être à Nashville, à Sunrise et à Long Island, mais ici, la rondelle n'a jamais été aussi puissante. Suffisait d'être au Centre Bell pour le gros souper du centenaire, mercredi soir, pour tout comprendre. Tous les joueurs, même les purs inconnus qui vont passer la saison à Hamilton, étaient en demande et distribuaient les poignées de main.

 

Si les Predators, les Panthers ou les Islanders se risquaient à organiser un souper du genre, j'ai l'impression que la liste d'invités serait un peu moins longue et j'ai l'impression que les gars du club-école pourraient siroter leur punch bien tranquilles.

Hier, la première page d'un populaire site sportif québécois était consacrée aux blessés du Canadien. Je ne vais certes pas critiquer l'idée d'afficher ça en grosses lettres, mais cela vient aussi confirmer ma grande théorie: au Québec, le Canadien fait les manchettes même quand il n'a rien à dire.

C'est précisément cette couverture mur à mur qui effraie certains joueurs autonomes à l'été. Bien sûr, les patineurs de la LNH - surtout les vedettes - aiment ressortir les vieux clichés quand vient le temps d'expliquer pourquoi ils choisissent d'aller n'importe où sauf à Montréal. Mais quand les micros et les stylos sont rangés, c'est souvent la même réponse honnête qu'on entend: on ne va pas à Montréal parce qu'à Montréal, c'est un peu trop fou.

Je pourrais vous donner quelques exemples judicieux, mais il y en a surtout un qui me vient en tête. Une bonne conversation, survenue il y a un an, avec un ancien joueur du Canadien, quelque part dans une ville du sud des États-Unis. À ma grande surprise, le gars m'avait avoué qu'il aimait bien écouter 110% à la maison grâce à la magie du satellite. «Je regarde ça et je trouve ça drôle, parce qu'à Montréal, vous partez en peur pour pas grand-chose», m'avait-il dit en riant.

Le gars avait ajouté qu'il adorait sa nouvelle équipe, parce que là-bas, il n'y a que deux ou trois journalistes dans le vestiaire, et parce que là-bas, il peut aller au resto ou à l'épicerie en parfait inconnu, sans avoir à signer trois casquettes en attendant à la caisse.

Bref, le même salaire mais la moitié du dérangement.

Bien sûr, ils ne sont pas tous comme ça. Je me souviens du sourire 100% authentique affiché par Mathieu Dandenault quand il a été présenté pour la première fois avec son chandail du CH sur le dos. On lui aurait dit qu'il venait d'hériter de la fortune de Bill Gates qu'il n'aurait pas été plus heureux.

Mais le préjugé défavorable est bel et bien là. Il existe. Et quand les joueurs ont le choix entre notre ville qui est encore hockey et un bled perdu où ils peuvent se rendre aux entraînements en gougounes (et parfaitement incognito, devrons-nous ajouter), souvent, la décision se prend assez vite. Sans hésitation. Et puis au diable la tradition et ceux dont les bras meurtris tendent le flambeau.

C'est évident que la ville est et sera toujours hockey. C'est évident qu'il y a cette immense tradition, les fantômes et tout ce qui vient avec. Mais peut-être que des fois, on pourrait lâcher un peu le Centre Bell et regarder ce qui se passe ailleurs. Peut-être.

En attendant, est-ce que quelqu'un sait si c'est vraiment sérieux pour l'aine à Kovalev?