Les Olympiques de Gatineau ne souhaitent pas perdre Benoît Groulx. Mais l'équipe sait bien que les entraîneurs canadiens qui ont remporté l'or au Mondial junior ont presque tous eu leur chance dans la Ligue nationale de hockey.

«Je suis conscient qu'un jour l'appel viendra. Il aura marqué les Olympiques. Et quand il aura sa chance dans la LNH, je sais qu'il va connaître du succès, dit en entrevue le président et copropriétaire de l'équipe, Alain Sear. On croit sincèrement qu'un jour il va être à un autre niveau.»

Parmi les dix derniers entraîneurs canadiens qui ont gagné l'or au Mondial junior, huit ont eu leur chance dans la Ligue nationale, que ce soit à titre d'assistant ou d'entraîneur-chef.

Mais au-delà des chiffres, le travail accompli par Groulx pour mettre fin à une disette de cinq ans a été unanimement salué. Dans la foulée de la victoire de 5-4 contre la Russie, les éloges n'ont pas manqué. «Sa présence explique en grande partie pourquoi on s'est rendus en finale», a dit le président de Hockey Canada, Tom Renney.

«On doit donner beaucoup de crédit à Ben, a renchéri Anthony Duclair. Il a appuyé sur les bons boutons au bon moment. Il a fait un travail incroyable.»

«Sans Ben, je ne serais pas ici avec une médaille», a tranché le gardien québécois Zachary Fucale.

Mais pour ceux qui connaissent l'entraîneur de 46 ans, le succès de lundi soir n'est pas une surprise. «C'est facile à dire aujourd'hui, mais si tu m'avais appelé la semaine passée, j'aurais prévu sa présence en finale, explique Alain Sear. Connaissant Ben, connaissant son souci du détail, je savais qu'il serait capable d'aller chercher le meilleur des joueurs. Il vient à bout de vendre son projet à ses gars.»

Avec les Olympiques, il a remporté le championnat de la LHJMQ en 2003, 2004 et 2008 et il a été nommé entraîneur de l'année en 2004. Il a passé deux saisons avec les Americans de Rochester, dans la Ligue américaine de hockey entre 2008 et 2010. Malgré des résultats corrects, il a décidé de revenir à Gatineau à cause d'un changement de direction chez les Americans et pour des raisons familiales.

«Quand il est parti pour Rochester, il y a eu un gros trou dans l'organisation des Olympiques», dit Sear.

Exigeant mais juste

Mais avant les fleurs, il y avait eu le pot. Le 29 décembre dernier, le journaliste Gare Joyce, de Sportsnet, a publié sur le site internet du télédiffuseur un billet assassin sur le Québécois.

L'auteur rappelle que Groulx avait dû plaquer le poste d'entraîneur-chef d'Équipe Canada junior en 2009 après avoir accepté l'offre des Americans. Il note que plusieurs entraîneurs de talent «qui n'ont jamais posé un lapin à Hockey Canada» auraient dû avoir le poste et il se surprend qu'on lui ait donné une deuxième chance.

Mais Joyce s'en prend surtout au style selon lui autoritaire de Groulx. Il soutient même que le Québécois a une réputation de «bully» (d'intimidateur), sans jamais citer personne à cet effet. Selon lui, Groulx ne réussira pas avec ECJ car si son style peut fonctionner avec des joueurs de hockey adolescents, il ne peut pas marcher avec des étoiles de 18 et 19 ans qui ressemblent plus à des joueurs de la LNH.

Alain Sear trouve que les accusations du journaliste ontarien sont injustes. «Il est exigeant, demandant et sans compromis. Il veut que les choses soient faites d'une manière professionnelle. Mais dur? C'est un bien grand mot», note celui qui côtoie Groulx depuis 2004.

«Oui, il demande que nous respections certains critères à l'entraînement et nous le disait quand ça ne faisait pas son affaire, explique le capitaine d'ECJ, Curtis Lazar. Mais il savait nous faire rire et nous détendre au bon moment.»

Entre les deuxième et troisième périodes de la finale contre les Russes, avec la marque à 5-4, Groulx n'a pas paniqué dans le vestiaire. Il a dit à ses 22 joueurs de garder à l'esprit qu'ils menaient encore, même si les Russes venaient de marquer trois buts rapides. «Il nous a dit de garder la tête froide. Nous a rappelé qu'on était en finale et qu'on menait par un but à une période de la fin, a raconté Fucale. Il nous a dit que dans le fond, c'est là qu'on voulait être.»

Groulx aussi se retrouve aujourd'hui là où il voulait être. Il vient de remporter une prestigieuse médaille d'or. Il se prépare à affronter les séries éliminatoires avec les Olympiques. Et même s'il n'a pas voulu parler de la LNH pendant le tournoi, on peut parier que son nom sera mentionné dans les conversations de quelques directeurs généraux.