Comment faire fondre de moitié le nombre de bagarres au hockey en moins de deux ans? En serrant la vis. C'est ce qu'a fait le hockey junior américain, un circuit qui produit de plus en plus de joueurs de la LNH, mais qui estime qu'elle n'a pas à former des bagarreurs.

La United States Hockey League (USHL) représente le plus haut niveau de hockey junior au sud de la frontière. Quatre de ses joueurs ont été sélectionnés au premier tour du dernier repêchage de la LNH.

Elle est considérée comme l'une des meilleures ligues de développement au monde. Elle fait aussi figure de chef de file dans la réduction des bagarres au hockey. Cette saison, elle vient d'édicter des règlements d'une sévérité inégalée dans le hockey junior nord-américain.

Le mouvement est en marche depuis des années, mais il s'est accentué depuis octobre 2013, lorsqu'un joueur junior américain s'est retrouvé en convulsions sur la glace après un combat.

La principale nouveauté est arrivée cet automne. Désormais, dans la USHL, toute bagarre est sanctionnée d'une pénalité majeure et d'une inconduite de dix minutes. Résultat: un joueur impliqué dans une bagarre se voit imposer 15 minutes de pénalité.

Les modifications réglementaires portent leurs fruits. Le nombre de bagarres par match est passé de 0,6 il y a deux ans à 0,45 l'année dernière. Depuis le début de cette saison et avec les punitions de 15 minutes, il est tombé à 0,28*, moitié moins que dans la LHJMQ.

«Développer les aptitudes à la bagarre chez nos joueurs est illogique. D'abord parce que certains vont jouer dans les collèges, où les bagarres sont interdites. Ensuite parce que même dans la LNH, à laquelle plusieurs de nos joueurs se destinent, il y a de moins en moins de bagarres», fait valoir lors d'un entretien téléphonique le commissaire de la USHL, Bob Fallen.

«J'ai eu une conversation récemment avec Dan Maar, du bureau central de dépistage de la LNH. Je lui ai demandé si ses dépisteurs tenaient compte de la capacité de se battre, raconte le commissaire. Il m'a répondu qu'il n'avait jamais vu, sur aucun rapport de dépistage, une précision sur les aptitudes de bagarreur d'un joueur. Jamais. Ça en dit beaucoup sur la direction dans laquelle va le hockey.»

Autre nouveauté cette saison, même les entraîneurs peuvent y goûter. Dès qu'une équipe enregistre 36 combats dans l'année, l'entraîneur reçoit un match de suspension; il est de nouveau puni d'une suspension chaque fois que son équipe ajoute quatre bagarres au total. «On veut rendre les entraîneurs responsables», note le directeur des opérations hockey de la USHL, Adam Micheletti.

Si cette règle avait été en vigueur l'année dernière au Québec, 14 des 18 entraîneurs de la LHJMQ auraient été suspendus au cours de la saison. L'entraîneur-chef des Islanders de Charlottetown, Gordie Dwyer, aurait écopé de 12 matchs de suspension en raison des 80 combats des siens, si l'on en croit les chiffres du site spécialisé HockeyFights.com.

«Nous sommes sensibles à l'effet des combats sur la santé de nos joueurs. De plus en plus de gens dans le hockey pensent que les bagarres devraient disparaître, et un jour, elles vont disparaître», croit Adam Micheletti.

Une inspiration pour le Québec?

La USHL devient donc cette saison la ligue de hockey junior la plus inhospitalière pour les bagarres. Représente-t-elle un exemple pour le hockey junior québécois?

La LHJMQ a instauré quelques règles en 2008 pour encadrer les bagarres: elle les a interdites dans les cinq dernières minutes de jeu, tout comme le fait d'enlever le casque de l'adversaire.

Le nombre de bagarres est passé de 2,4 par match en 1992-1993 à 0,68 en 2012-2013. Il a remonté un peu la saison dernière pour se situer à 0,75.

Les joueurs québécois sont ceux qui se battent le moins au pays, derrière ceux de la Ligue de l'Ontario et de la Ligue de l'Ouest. Reste qu'ils livrent plus de deux fois plus de combats par match que les joueurs américains.

L'idée de faire passer de 5 à 15 minutes les pénalités décernées aux bagarreurs a déjà été étudiée par la LHJMQ en 2008, dans la foulée de l'agression de Jonathan Roy sur Bobby Nadeau. Mais la Ligue l'avait rejetée.

Six ans plus tard et avec les succès encourageants de cette mesure dans la USHL, la LHJMQ pourrait-elle être tentée de changer son fusil d'épaule?

* À moins d'avis contraire, tous les chiffres proviennent du site spécialisé DropYourGloves.com.

* Les chiffres pour la saison en cours sont partiels, avant les matchs d'hier.