Les attaquants québécois repêchés au premier rang au sein de la LNH ne sont pas légion depuis quelques décennies. Il y a eu Vincent Lecavalier en 1998 et Alexandre Daigle en 1993. Avant eux, Pierre Turgeon en 1987 et le fameux Mario Lemieux en 1984. Le prochain s'appellera-t-il Jonathan Drouin?

Ce scénario, qu'on aurait qualifié de farfelu en début de saison, commence à être de plus en plus plausible. Ce jeune ailier des Mooseheads de Halifax, originaire d'Huberdeau près de Mont-Tremblant, domine outrageusement la Ligue de hockey junior majeur du Québec avec 98 points, dont 39 buts, en seulement 45 matchs. Ses jeux spectaculaires sont diffusés en boucle aux bulletins sportifs télévisés d'un océan à l'autre.

«Ça téléphone souvent, les journalistes, les dépisteurs, lance l'entraîneur-chef des Mooseheads, Dominique Ducharme. Les gros soirs, à Halifax, il peut y avoir de 30 à 40 recruteurs dans les gradins.» Mais ils n'y sont pas que pour Drouin, évidemment, puisque Halifax compte un attaquant, Nathan MacKinnon, dont le cheminement a été comparé par plusieurs à celui de Sidney Crosby.

Il y a un an à peine, pourtant, Drouin jouait avec les Lions du Lac Saint-Louis dans la Ligue midget AAA tandis que MacKinnon était déjà un joueur important chez les Mooseheads, et qualifié de premier choix sûr pour la LNH en 2013. Les rôles ont été inversés au Championnat mondial junior avec l'équipe canadienne, alors que Drouin, retenu à la surprise générale, s'est vu confier un rôle offensif tandis que MacKinnon a été placé au sein d'un trio défensif. Son entraîneur chez les Lions du Lac Saint-Louis, Jon Goyens, rappelle d'ailleurs que Drouin est le premier hockeyeur à avoir joué la même année au niveau midget AAA, dans le junior majeur, aux Championnats du monde des 17 ans, 18 ans et des 20 ans et moins.

Un joueur d'exception

«Je le connais depuis qu'il a 10 ou 11 ans parce qu'il a grandi dans le programme des Lions junior. J'ai toujours su qu'il avait du talent, mais j'ai compris qu'il s'agissait d'un joueur vraiment spécial quand il a été appelé à s'entraîner durant l'été avec des joueurs de la LNH comme Jiri Hudler, Kristopher Letang et Jakub Voracek. Il fallait les entendre parler de «Jo» et même dire qu'il était capable de faire des choses sur la glace que même eux ne pouvaient pas faire !» Letang a d'ailleurs été un conseiller précieux à certaines étapes de la carrière du jeune homme. Entre autres, dans sa décision de demeurer plus longtemps dans les rangs midget l'hiver dernier, même s'il avait été le deuxième choix au total dans la LHJMQ, derrière MacKinnon.

«J'avais aussi encore l'option du collège américain et je n'étais pas encore vendu au junior, dit Drouin, 5 pieds 11 pouces et 180 livres. Finalement, j'ai pesé le pour et le contre avec mon entraîneur (Goyens), mes parents et Kris (Letang), qui lui non plus n'a pas commencé à 16 ans dans la LHJMQ.»

«On a été critiqué pour cette décision, on nous a même accusés de le payer pour qu'il reste avec nous, mais Jo avait fait ses recherches et il a réalisé que le taux de succès des joueurs ayant atteint la LHJMQ à 16 ans n'était pas si élevé, dit Goyens. Et il ne se sentait pas encore nécessairement prêt pour le junior au début de la saison 2011-2012. Aujourd'hui, il est en avance sur toutes les recrues qui ont commencé la saison dernière dans les rangs juniors»

Vision du jeu

Dominique Ducharme apprécie tellement son joueur qu'il ne lui trouve aucun défaut apparent. «Il a des choses à améliorer, c'est évident, mais il n'a pas de défaut parce qu'il est capable de tout faire sur une patinoire. Il a tellement un bon instinct qu'il arrive à intercepter des passes parce qu'il voit le jeu se déployer devant lui avant tout le monde.»

Compte tenu de son style, on ne s'étonnera pas qu'il a toujours idolâtré les Red Wings de Detroit. «C'était mon club préféré quand j'étais jeune à l'époque de Brett Hull et de Steve Yzerman. Pavel Datsyuk était encore jeune et j'ai appris à le découvrir par la suite. Puis, ç'a été Claude Giroux, qui a le même style. Je regarde beaucoup de matchs des Flyers.»

Quand vient le temps d'évoquer ses plus grandes influences dans le hockey, il nomme d'abord son père Serge, mais aussi deux dirigeants des Lions du Lac Saint-Louis, Erasmo «Raz» Saltarelli et Karel Svoboda, neveu de l'ancien défenseur du Canadien, Petr. «Je m'entraîne avec eux depuis que j'ai 9 ans, dit-il. J'en ai fait des exercices autour des cônes avec eux. Ils ont toujours été là pour moi, même dans les moments plus difficiles.» Depuis son retour du Championnat mondial junior, Drouin a amassé 46 points en seulement 19 matchs, tandis que MacKinnon en a obtenu 17 en 11 rencontres (avant la partie d'hier).

«Ça se jouera entre Seth Jones, (Aleksander) Barkov, (Valeri) Nichushkin et Jo, dit Jon Goyens. Nathan Mackinnon est probablement le patineur le plus explosif, mais son tempo est tellement élevé qu'il ne voit pas le jeu comme Jo, qui a cette capacité de rendre ses coéquipiers meilleurs.»