On aurait dû s'en douter dès le troisième trou. Un wedge en main, Charl Schwartzel a expédié sa balle dans la coupe d'une distance de 114 verges: un aigle!

Compte tenu de la configuration du terrain, Schwartzel, Sud-Africain de 26 ans, n'a pas vu la balle disparaître au fond du trou. Mais les cris de la foule lui ont fait comprendre que la journée s'annonçait favorable.

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Quatre heures plus tard, au terme d'une ronde pleine de rebondissements, Schwartzel a enfilé le veston vert. Lorsqu'il a rencontré les journalistes après sa victoire, le modérateur lui a lancé: «Quelqu'un m'avait dit que tu étais très bon et qu'il faudrait apprendre à épeler ton nom...»

Un sourire gêné au visage, Schwartzel a raconté sa jeunesse d'une voix douce. Élevé sur la ferme de son père, un passionné de golf, Charl a joué son premier match dès l'âge de 4 ans. «Très vite, mon père m'a montré un élan simple et fiable. Je lui dois beaucoup. Cette victoire, je la lui dédie.»

Après son grand ami Louis Oosthuizen à l'Omnium britannique l'an dernier, voici donc un autre joueur sud-africain qui s'impose sur une prestigieuse scène du golf international. «Cette victoire de Louis m'a inspiré. Nous avons grandi ensemble. Il m'a montré que c'était possible de remporter un titre majeur.»

Schwartzel a terminé sa ronde avec quatre oiselets consécutifs, s'éloignant ainsi des jeunes Australiens Jason Day et Adam Scott. Il a terminé le tournoi avec une fiche de -14, deux coups devant ses principaux rivaux. «J'étais bizarrement très calme lorsque je me suis levé ce matin, a-t-il dit. Justin Rose m'a dit que je n'avais rien à perdre et tout à gagner. Ces mots m'ont apaisé.»

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Pour Rory McIlroy, cette dernière journée du tournoi s'est transformée en malédiction. Pareil effondrement n'était pas survenu à Augusta depuis le chemin de croix de Greg Norman en 1996, qui avait échappé une avance de six coups à la dernière ronde.

Au 13e trou, voyant son coup de départ englouti dans le ruisseau, McIlroy a enfoui sa tête entre ses bras, les larmes aux yeux. Partagé entre la stupeur, l'incompréhension et l'embarras, le jeune homme de 21 ans, modèle d'assurance depuis jeudi, semblait soudainement très vulnérable. «J'ai compris à ce moment que c'était fini pour moi...»

Dès le début de la ronde, il était clair que l'élan de McIlroy n'était pas aussi fluide. Mais il s'est accroché sur les neuf premiers trous avant de craquer au 10e. Un mauvais coup de départ et une mauvaise approche lui ont valu un triple boguey. Au 11e, il a raté une chance d'oiselet et commis finalement un boguey.

Le pire était à venir: au 12e, une normale 3, il a réussi un solide coup de départ mais il a eu besoin de quatre roulés pour terminer le trou! McIlroy avait perdu tous ses repères. Cette journée restera toujours dans sa mémoire. Il faudra voir s'il s'extirpera de ce cauchemar durant les prochains mois. Il s'agit d'un dur coup au moral et à la confiance.

«Après ce coup de départ au 10e, tout a déboulé, a dit McIlroy. Je n'ai jamais pu reprendre le dessus. Sur les verts, je me suis mis à douter de la trajectoire et de la vitesse. On ne peut pas faire ça ici.»

McIlroy s'est consolé en rappelant qu'il avait mené le tournoi pendant 63 trous. «J'espère tirer quelque chose de cette expérience. Mais aujourd'hui, c'est trop tôt pour dresser un bilan...»

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On se serait cru dans un amphithéâtre de hockey lorsque Tiger Woods a amorcé sa charge au 2e trou avec un oiselet. La foule souhaitait un spectacle du Tigre et celui-ci avait le goût d'en mettre plein la vue.

Les décibels ont monté d'un cran lorsqu'il a retranché un autre coup à la normale au 6e, puis au 7e! Et ce fut l'apothéose au 8e, une normale 5, lorsqu'il a réussi un aigle. Rory McIlroy marchait sur le 4e trou au même moment et il est clair que ces cris l'ont impressionné. Les «Go Tiger!» résonnaient dans l'air et l'ambiance était électrique.

Avec son 31 sur le premier neuf, Woods semblait sur la voie de réussir un exploit. Mais la magie ne s'est pas poursuivie sur les neuf derniers trous. Il a frappé de bons coups, mais les roulés ne sont pas tombés dans la coupe. «J'aurais pu jouer -3 ou -4 sur le deuxième neuf», a dit Woods après le match.

Woods a terminé au quatrième rang, une performance encourageante. Cela dit, il ne semble pas s'amuser sur le terrain. Chaque coup ne répondant pas à ses considérables attentes semble le mettre en colère.

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La victoire de Charl Schwartzel est-elle aussi un peu celle de Jack Nicklaus? Chose sûre, les conseils du grand champion, six fois titré à Augusta, ne sont pas tombés dans l'oreille d'un sourd.

L'an dernier, Schwartzel a participé à un tournoi-bénéfice auquel Nicklaus était aussi présent. Un des organisateurs lui a présenté le légendaire golfeur, lui demandant s'il pouvait refiler au jeune Charl quelques conseils en vue du prochain Tournoi des Maîtres.

«Je pensais que M. Nicklaus me dirait une ou deux petites choses, a raconté Schwartzel. Mais il a plutôt analysé le parcours trou par trou, avec beaucoup de détails, notamment les pavillons qu'on pouvait attaquer. J'étais fasciné, d'autant plus que je n'avais jamais vu Augusta autrement qu'à la télé. Heureusement, notre ami commun a pris beaucoup de notes...»

Charl Schwartzel a manifestement une bonne tête sur les épaules.

Photo: Reuters

Rory McIlroy s'est consolé, dimanche, en rappelant qu'il avait mené le Tournoi des Maîtres pendant 63 trous...