Chad Campbell et Kenny Perry partagent la tête à Augusta avec un cumulatif de -9. Derrière, l'Argentin Angel Cabrera à -8. Et 27 autres golfeurs qui se situent à sept coups ou moins de la tête, dont Tiger Woods et Phil Mickelson. Le Tournoi des Maîtres peut commencer.

Quand Kenny Perry avait sept ans, son père aimait pomper des cigares dans son visage. «Il plaçait les balles sur un té en me défiant d'en frapper le maximum en une minute. Je me souviens encore du mélange d'odeur de fumée et d'herbe.»

Au golf comme aux cartes, son père voulait le battre. Le démolir même. «Plus je pleurais, plus il riait. Il me disait qu'il me battrait jusqu'à ma mort. Il voulait m'endurcir. C'était un homme intelligent, vous savez.»  

Âgé de 48 ans, le natif du Kentucky raconte l'anecdote avec amour. Dans ses yeux, une étincelle. Il retient un sourire satisfait. Fier de son éducation d'une autre époque, simple et frustre.

Il a appris le golf sur un terrain de neuf trous situé au «milieu de nulle part». Sans entourage d'agents ou de psy, et même sans coach privé. Seulement sa famille.

Le père a aujourd'hui 85 ans. Devant le téléviseur de leur club de Franklin - 41$ US la partie -, il a regardé hier son fils joué 67. Une ronde impeccable, sans bogey. Perry rejoint ainsi Chad Campbell en tête. S'il gagne, il deviendrait le plus vieux gagnant de l'histoire du Tournoi des Maîtres.

Un handicap, l'âge ? Non, un avantage, assure-t-il. Vrai, il ne surveille pas ce qu'il mange. Il ne s'entraîne pas physiquement non plus. Mais depuis que ses enfants sont partis à l'université, il joue plus. «Et surtout, j'ai l'expérience, lance-t-il. Je brûle d'envie de botter le cul des autres. Je veux gagner, même si à ce stade-ci de ma vie, tout ce qui m'arrive n'est qu'un bonus.»

S'il partage la tête, c'est en bonne partie grâce à son bois 1. Perry l'a changé en février. Il a perdu de «cinq à sept verges». Mais il a diminué son crochet de droite à gauche. Jamais il n'a frappé autant d'allées. Pas moins de 25 sur 28 cette semaine. Toujours en bonne position donc pour attaquer le fanion. Et quand il rate le vert, il mise sur une autre addition à son sac - un cocheur de 64 degrés qui augmente son effet rétro.

L'équipement est moderne, mais l'élan date d'une autre époque. En personne, cela étonne encore plus. Lente montée vers l'extérieur, rotation tardive des épaules puis changement de plan pour amorcer la descente. «Adolescent, je m'élançais plus normalement, explique-t-il. C'est que je me suis blessé au cou à l'université. Cet élan arrière, c'était la seule façon pour moi de continuer à jouer. C'est resté, finalement. Tant mieux, non ?» 

Campbell garde la tête

Il y a quelques années, un sondage demandait aux pros qui serait le prochain nouveau gagnant d'un majeur. Leur choix : Chad Campbell.

Il ne faudrait donc pas trop se surprendre s'il mène depuis jeudi soir. Vers midi hier, Campbell baissait à -11. Soit cinq coups devant son plus proche poursuivant. Puis il a enchaîné avec des bogeys au 11e et 12e. Au 13e, on le voyait chercher sa salive après un coup d'approche gras qui a failli plonger dans Rae's Creek.

Heureusement, il s'est raccroché. Au 18e, le Texan riait même grâce à Boo Weekly - son partenaire vêtu d'une casquette de camouflage, comme s'il s'apprêtait à chasser des dindons depuis son pick-up. «Boo m'aidait à me détendre», avoue Campbell, qui allait clore sa ronde avec un oiselet.

Tiger s'acharne

Alors que le crépuscule descendait sur le terrain d'exercice du Augusta National, un seul joueur continuait à vider des paniers de balles. Tiger Woods.

Le numéro 1 mondial s'est contenté d'un décevant 72 hier. Plusieurs coups de départs dans le trouble. Plusieurs roulés qui s'obstinaient à ne pas tomber. Sans surprise, l'interview d'après ronde a été expéditive. Journée difficile ? «Oui». Le vent était problématique ? «Oui, on peut dire cela.» Votre résultat vous frustre-t-il ? «Oui». Un retard de sept coups, est-ce surmontable ? «Oui».

Peu après, Tiger prenait les moyens pour le faire. Il se rendait au terrain d'exercice avec son entraîneur Hank Haney et son cadet Steve Williams. Sous leurs conseils, il expulsait balle après balle au fond du terrain avec son bois 1.

Chacune fendait l'azur. Ça augure bien. Mais les roulés devront tomber.