À une semaine du Tournoi des Maîtres, les astres s'alignent encore une fois pour Tiger Woods. Les preneurs aux livres de Las Vegas le donnent favori, avec 2/1. Pour la catégorie «field» (tous sauf Tiger), on offre 5/2 (source: www.vegasinsider.com). Woods aurait donc plus de chances de gagner que de perdre...

Exagéré? Probablement. Après tout, Tiger gagne en moyenne un tournoi sur trois. Mais un fait incontestable demeure: le numéro 1 mondial part favori. Et quand il joue dans les derniers groupes le dimanche après-midi, il semble devenir imbattable.

Comment le défaire? À Bay Hill, Sean O'Hair se grattait la tête en cherchant en vain une réponse. Un autre prétendant risque de se poser la même question, le dimanche 12 avril, à Augusta.

Il existe essentiellement deux stratégies. Rester dans sa bulle et ignorer Tiger, ou l'affronter directement en essayant de le battre coup pour coup. O'Hair a essayé la première option: ne penser qu'au parcours, son adversaire direct, et qu'à son jeu, la seule chose qu'il peut contrôler. Théoriquement, c'est la meilleure solution. Mais vouloir l'appliquer contre Tiger relève presque de la pensée magique. Difficile de conserver ses oeillères quand une foule bruyante et parfois indisciplinée applaudit chaque coup de l'adversaire. Difficile d'ignorer Tiger quand il fend l'air avec son poing après un autre improbable roulé.

Tant qu'à être ainsi déstabilisé, on peut choisir dès le départ la lutte directe. Mais là encore, le danger est grand. Ses adversaires croient alors qu'ils n'ont pas droit à l'erreur. Que seule une ronde impeccable leur permettra de gagner. Viser la perfection et forcer le jeu mènent souvent à la catastrophe. Bob Rotella n'écrivait-il pas que Golf is not a game of perfect ? Ou, comme disait Platon, trop, c'est comme pas assez.

L'intimidation de Tiger

On pourrait conjecturer longtemps sur ces causes et solutions. Peu importe. Le facteur intimidation de Tiger existe bel et bien. Une doctorante en économie l'aurait même mesuré. Nous vous parlions l'année dernière de The adverse incentive effects of competing with superstars, une étude de Jennifer Brown, de l'Université de Californie à Berkeley. Lorsque Tiger joue, le pointage moyen des pros est significativement plus élevé. De 0,8 coup par ronde pour les joueurs exemptés, et de 0,6 pour les autres. Cet écart augmente durant ses séquences victorieuses. Et il disparaît durant ses rares disettes. L'étude contrôle les différents biais, comme la température et la difficulté du parcours.

Les héros inattendus

Curieusement, les tombeurs de Tiger ne sont pas les plus grands joueurs. Le premier à le coiffer un dimanche après-midi? Le confidentiel Ed Fiori, en 1996, à Quad City. Le seul à l'avoir défait en prolongation? Le peu flamboyant Billy Mayfair, en 1998, à l'Omnium Nissan. Le seul à le battre deux fois en partie par trou? L'Australien Nick O'Hern. Ceux qui l'ont vu au Royal Montreal à la Coupe des présidents peuvent en témoigner: le gaucher possède un des élans les moins impressionnants de la PGA.

On sait que Woods ne prend aucun adversaire à la légère. Si de tels joueurs connaissent un relatif succès contre lui, c'est probablement parce qu'ils n'ont rien à perdre. Avec un minimum de pression et un maximum d'adrénaline, le niveau de jeu s'élève d'un cran.

La thèse semble se confirmer quand on regarde deux batailles mémorables de Tiger: contre le méconnu Bob May, au Championnat de la PGA, en 2000, et contre Rocco Mediate, à l'Omnium des États-Unis, l'année dernière. Dans les deux cas, Woods a eu besoin de quelques miracles pour forcer une prolongation et finalement gagner.

Au Tournoi des Maîtres, on pourrait encore une fois découvrir un nouvel opposant insoupçonné au Tigre. On s'en reparle la semaine prochaine en direct d'Augusta, en Géorgie.