Les commotions cérébrales sont un fléau dans le football américain, sport de contact par excellence, et la NFL en a fait un enjeu de santé publique pour ses joueurs actuels, parfois contre leur gré.

La puissante Ligue, qui gère à coups de milliards de dollars le Championnat préféré des Américains, est menacée par plus de quatre-vingts plaintes en nom collectif impliquant des milliers d'ex-joueurs.

La NFL est accusée d'avoir trop longtemps ignoré le problème des blessures à la tête, dont on sait aujourd'hui que, répétées à l'échelle d'une carrière, elles entraîneraient de graves dommages du cerveau pouvant mener à des troubles cognitifs, sensoriels, du sommeil, à la dépression voire à la mort.

Junior Seau est le dernier exemple en date. Cet ancien joueur, un des meilleurs de l'histoire à son poste défensif («linebacker»), s'est tiré un coup de fusil dans la poitrine le 2 mai 2012 à son domicile de San Diego. Il avait 43 ans et vingt ans de carrière NFL derrière lui.

Après avoir disséqué son cerveau, donné par la famille, une équipe médicale a récemment diagnostiqué que Seau souffrait, comme plusieurs autres ex-joueurs décédés et examinés avant lui, d'une maladie neurodégénérative qui détériore les cellules du cerveau (encéphalopathie traumatique chronique).

En 2009, des chercheurs de Boston avaient remarqué que le cerveau de certains joueurs de football américain décédés prématurément (vers 40 ans) ressemblait à celui d'une personne de 80 ans souffrant d'Alzheimer.

Un ancien coéquipier de Seau, Gary Plummer, pense avoir subi autour d'un millier de commotions cérébrales au sens très large dans sa carrière.

«Dans les années 90, on disait que quand on voyait des étoiles après un choc, c'était une commotion cérébrale de niveau 1. A mon poste, on a ça cinq fois par match, soit environ 75 fois par saison et ce pendant quinze ans. J'en ai ressenti les conséquences quand j'étais en dépression durant mon divorce.»

«Les gars cachent leurs symptômes»

Sur le banc des accusés, la NFL se défend en disant que «tout est fait pour rendre le sport plus sûr», selon son patron Roger Goodell.

La Ligue aurait déjà dépensé près de 100 millions de dollars pour financer des recherches sur la sécurité des équipements et prévoit la même somme pour financer des recherches sur les blessures à la tête.

La NFL a surtout commencé à punir plus sévèrement les actions dangereuses amenant ce type de blessures, notamment les fameux «helmet to helmet hits», quand un joueur charge violemment un autre, casque contre casque.

Certains joueurs défensifs se sont pourtant élevés contre une forme de dénaturation de leur sport, basé sur un engagement presque sans limite.

Sentant le danger que représente pour elles les commotions cérébrales, dans les prétoires comme sur les terrains, la plupart des Ligues sportives professionnelles en Amérique du nord ont mis en place des protocoles de reprise d'activité pour les joueurs diagnostiqués avec une «concussion».

Mais certains joueurs taisent leurs symptômes de peur de perdre leur place ou d'être mal considérés. L'exemple récent d'Alex Smith ne va pas les encourager: en décembre, le quarterback des San Francisco 49ers s'est plaint de problèmes de vue après un plaquage. Contraint de rester sur le banc à cause de sa commotion cérébrale, il a perdu sa place car son remplaçant a brillé en son absence et il n'a pas joué les play-offs, où l'équipe a réussi à se qualifier pour le Superbowl.

«Les gars continuent de cacher leurs symptômes et de jouer avec des commotions cérébrales, assure le receveur Brandon Stokley (Denver). Même s'il y a une prise de conscience et qu'on réalise maintenant les conséquences.»

«Il n'y a rien de mal à lever la main et dire je ne me sens pas bien», assure pourtant Goodell, qui veut briser cette culture du silence.