Les Packers sont nés avant la NFL, à Green Bay même qu'ils n'ont jamais quittée. À Pittsburgh, les haut-fourneaux se sont éteints mais la ville brûle toujours pour ses Steelers. Coup d'oeil sur un Super Bowl où convergent mythes, légendes et traditions.

Qui sont les deux seules équipes de la NFL dont le nom évoque un métier pratiqué dans la ville qu'elles représentent? Oui, bravo! Les Packers de Green Bay, en 1919, ont été baptisés en hommage à la compagnie de conserves Indian Packing qui avait allongé 500 $ pour acheter les premiers équipements.

Les Steelers, eux, ont été fondés en 1933 par le grand-père et homonyme de leur président actuel, Art Rooney. L'Irlandais avait payé la franchise 2500 $ -- Forbes l'évalue aujourd'hui à 996 millions --, somme qu'il avait gagnée à l'hippodrome, un milieu où évolueront ses cinq fils dont l'aîné, Daniel, ancien patron des Steelers, est aujourd'hui ambassadeur des États-Unis en Irlande. Légende démocrate...

Au début, comme c'était la coutume à l'époque, l'équipe avaient pris le nom (prestigieux) de l'équipe de baseball de  la ville, les Pirates, qu'Arthur Rooney, qui perdait 25 000 $ par année, a bientôt vendus à Alexis Thompson, l'héritier d'un empire sidérurgique. L'équipe sera rebaptisée les Iron Men puis Steelers pour marquer leur appartenance à la capitale américaine de l'acier et le retour d'Art Rooney, le «North Side boy», comme propriétaire.

Les Packers ne font pas beaucoup mieux mais, au grand dam des autres équipes, ils ne peuvent déménager car ils sont la propriété de la communauté depuis que Curly Lambeau, leur fondateur (et coach jusqu'en 1950 : 212-106-21 = .667) s'est adressé une deuxième fois aux marchands de la ville pour sauver l'équipe. Aujourd'hui, les Packers de Green Bay sont la propriété de 112 120 actionnaires qui n'ont droit à aucune dividende sur leurs actions payées 200$; le 8 juillet 1998, ils étaient 18 700 à l'assemblée des actionnaires au Lambeau Field.

Oui, les Packers jouent dans un stade nommé d'après leur fondateur (belge) et dimanche, ils disputent le trophée qui porte le nom de leur ancien entraîneur-chef, vainqueur des deux premiers SuperBowl : Vince Lombardi. Personnage mythique s'il en est. Si, aujourd'hui,  les coaches sont considérés comme des demi-dieux - à la télé, ils disent «Coach Cowher» comme ils diraient «Professeur Einstein» -, c'est un peu à cause de Lombardi. Arrivé des Giants en 1959 alors que la télévision commence à découvrir le football comme «spectators sport», Vince Lombardi a complètement transformé les Packers et le football à leur suite.

Le G sur leur casque n'est pas seulement l'initiale de Green Bay - on aurait alors écrit GB, comme NY - mais surtout, comme avait voulu le souligner le nouveau patron, la première lettre du mot «Greatness», la grandeur dans l'accomplissement, l'objectif quotidien des Packers sous Lombardi (98-30-4 = .766). À qui on a toujours attribué la célèbre phrase: «Winning is the only thing», qui vient en fait de John Wayne, autre légende américaine, dans le film Trouble All Along (1953). Dans son livre Vince Lombardi on Football, véritable bible publiée après sa mort, Lombardi explique: «Dans les faits, j'ai dit: « Ce qui compte par-dessus tout, ce n'est pas la victoire mais l'effort consenti pour y parvenir».

La philosophie de Vince Lombardi (1913-1970) a mené les Packers à cinq championnats de la NFL et à deux victoires au Super Bowl, entre 1961 et 1968. Suivra une quasi-éclipse de 30 ans au cours de laquelle les fans des Packers, comme ceux du Canadien aujourd'hui, vivront sur du vieux gagné. Quand, à la fin des années 70, Montréal vit sans le savoir la dernière dynastie des Glorieux, Pittburgh applaudit la première des Steelers. Qui commence, peut-on avancer, avec «l'Immaculée Réception» de Franco Harris dans un match de championnat de division, en 1972. Après l'un des plus grands jeux de l'histoire du football, les Steelers battent les Raiders d'Oakland de John Madden 13-7: c'est la première victoire de leur histoire en séries.

Deux ans plus tard, les Steelers de Chuck Noll choisissent quatre futurs Immortels au cours du même repêchage (1974), un exploit inégalé: les receveurs Lynn Swann et John Stallworth, le secondeur Jack Lambert et le centre Mike Webster. Avec le «Steel Curtain» (le Rideau d'acier), l'une des meilleures défenses de l'histoire du football, les Steelers remporteront quatre SuperBowls en six ans (1975-76-79-80) avant de s'éclipser à leur tour... Les haut-fourneaux de Pittsburgh éteints à jamais, les fans des Steelers ont dû se disperser pour trouver du travail mais sont restés attachés à leur équipe, leur seul lien avec le passé. On l'a vu en 2006 quand la diaspora des Steelers s'est découvert un nouveau héros en « Big Ben » Roethlisberger, fils adoré de l'Ohio voisin. Dix ans plus tôt, celui qui avait mis fin à la longue disette des Packers au SuperBowl s'appelait Bret Favre. Légendes vivantes (sous enquête)...

Les Super Bowls de «dinosaures» sont rares: seulement trois championnats ont vu s'affronter deux équipes de la NFL pré-moderne (avant 1960) mais ce sera dimanche la troisième fois en cinq ans. En 2007, les Colts d'Indianapolis, qui ont quitté Baltimore nuitamment en 1984, avaient battu les Bears, l'une des formations originales de la NFL. Tout comme les Cards, leurs voisins des années 20 à Chicago, qui déménageront ensuite à St.Louis puis à Phoenix, en Arizona, qu'ils représenteront au SuperBowl de 2009, remporté par... les Steelers.

Packers-Steelers, 2011... Le vieux Vert et or contre le vieux Noir et or, la tradition face à elle-même dans un stade post-moderne: les « Terrible Towels » de Pittsburgh contre les «Cheeseheads» de Green Bay. Dimanche, dans le clinquant du Texas mythique, la mascotte «Steely McBeam», le working man aux bras d'acier, rappellera au monde les modestes  origines industrielles de Pittsburgh. Quant aux Packers, on se demande pourquoi ils n'ont pas encore adopté officiellement celui que la Web America porte déjà en triomphe: l'empaqueteur de fromage en grains (curd cheese), «Curdy  Lambeau».

Question: Curdy connaît-il la poutine?