Shaun Alexander aurait sans doute raison de bouder. Sans doute raison d'être de mauvais poil. Lui, le joueur par excellence de la NFL il y a trois ans, doit maintenant se contenter d'un rôle de figurant, ici, chez les Redskins de Washington.

À sa place, on en connaît certains qui auraient déjà lancé deux ou trois chaises dans le vestiaire. Mais ce n'est pas son genre. En fait, quand j'ai vu Shaun Alexander dans le vestiaire des Redskins hier midi, j'ai reconnu le même type sympa que j'avais rencontré à Detroit, lors du 40e Super Bowl.

Le fameux sourire n'a pas trop changé. Les bonnes manières n'ont pas disparu. Et Shaun Alexander, comme d'habitude, ne s'en fait pas trop avec la vie.

«En arrivant ici, les gars m'ont reçu comme si je faisais déjà partie de la famille, m'a-t-il calmement expliqué devant son casier. Je n'ai pas eu à m'ajuster; les gars m'ont accueilli, et puis voilà, je suis content d'être ici.»

Content? Oui, content. C'est bien ce qu'il a dit. Content de jouer derrière Clinton Portis, qui est le porteur de ballon numéro un chez les Redskins, et content aussi de jouer derrière Ladell Betts, qui est le numéro deux. Pourtant, Shaun Alexander était un vrai de vrai numéro un chez les Seahawks de Seattle. La vedette, c'était lui. Tenez, il a même connu une saison de près de 2000 verges en 2005, en plus d'ajouter 27 touchés. Il a enfilé cinq saisons consécutives de plus de 1300 verges au sol, de 2001 à 2005.

Alors, cher Shaun, pourquoi avoir accepté ce contrat d'un an à Washington?

Il sourit...

«Écoute, depuis que je joue au football, j'ai toujours dû attendre derrière quelqu'un d'autre. Je n'étais pas le premier porteur de ballon de mon équipe au secondaire. Je n'étais pas le premier demi non plus à l'université. Quand je suis arrivé à Seattle (en 2000), je devais jouer derrière Ricky Watters, qui était le demi numéro un à ce moment-là. Alors ce n'est rien de neuf pour moi. Je me prépare et j'attends...»

Dans la NFL, des mauvais garçons, il y en a en masse. C'est d'ailleurs souvent eux qui font les manchettes, soit pour de petites folies (comme des crises de diva), ou soit pour de grosses folies (comme des coups de fusil, par exemple).

Mais il y a aussi des gars comme Shaun Alexander. Des gars gentils, humains, qu'on voudrait voir réussir à chaque fois. Si le vétéran de 31 ans a choisi de passer par Washington cette saison, c'est justement pour réussir. Pour retourner au Super Bowl.

«Je me suis brisé le pied gauche à notre premier match de la saison 2006, après le Super Bowl, m'a-t-il rappelé. Ce fut le moment le plus difficile de ma carrière; quand tu vas au Super Bowl, tu veux y retourner au plus vite, et je n'ai pas été capable de le faire.»

Les blessures ont d'ailleurs contribué à sa chute à Seattle. Après deux saisons gâchées par des problèmes de santé, en 2006 et 2007, les Seahawks ont choisi de le retrancher, au grand désespoir des nombreux fans qui l'avaient adopté par là-bas.

Il y a un mois, les Redskins ont finalement appelé, et voici que l'ancien joueur par excellence doit attendre son tour derrière deux autres demis. L'occasion pourrait se présenter dimanche soir face aux Cowboys; Portis et Betts sont tous deux blessés. Cette saison, Alexander n'a porté le ballon que 10 fois, pour une moyenne de 2,3 verges par course.

Mais c'est loin d'être la fin pour lui. Avant d'aller participer au meeting des demis, Alexander m'a confié un petit secret.

«Ce n'est pas terminé pour moi... Je veux jouer dans cette ligue pendant encore quatre ans. Si je n'avais pas subi ces blessures, personne n'aurait jamais douté de mes capacités, il n'y aurait pas eu toutes ces histoires. Mais c'est comme ça...»

Il est parti comme d'habitude, en riant et en blaguant. De toute évidence, Shaun Alexander n'a pas dit son dernier mot. Et il n'a pas poussé son dernier sourire non plus.