Pendant plusieurs années, l'identité des Alouettes de Montréal a reposé sur sa brillante unité offensive. C'était compréhensible. Avec un quart-arrière comme Anthony Calvillo, un groupe de receveurs explosifs et un système comme celui de Marc Trestman, l'attaque montréalaise terrorisait les autres équipes de la Ligue canadienne.

Mais tel n'est plus le cas. Calvillo est blessé, Trestman est parti, et l'attaque bat de l'aile. À un tel point que la mince lueur d'espoir qui demeure pour la saison des Alouettes vient entièrement du brio de la défense. Loin d'être mauvaise au cours des dernières années, cette défense est dorénavant le pilier et l'identité de l'équipe montréalaise.

Il serait bête de s'arrêter au nombre de points accordés par match (24,5) par l'unité montréalaise afin d'évaluer son efficacité. À mon avis, les Alouettes forment une des deux meilleures unités défensives de la Ligue canadienne, avec les Lions de la Colombie-Britannique. Une analyse statistique plus approfondie nous permet de constater l'étendue de sa domination:

> 2e rang de la LCF avec 36 revirements créés.

> 2e rang de la LCF avec 316 verges accordées par match.

> 3e rang de la LCF avec 45 sacs.

> 1er rang de la LCF pour les verges accordées lors des situations de premier jeu.

> 1er rang de la LCF en situation de deuxième essai, limitant ses adversaires à un maigre taux d'efficacité de 35%.

Finalement, alors que les Alouettes ont offert le plus grand nombre de possessions à leurs adversaires (221), ils n'ont accordé que 29 touchés. Seuls les Roughriders de la Saskatchewan en ont concédé moins (28).

C'est sans surprise que ses succès reposent sur le talent de ses joueurs. Chip Cox, Shea Emry, Kyries Hebert et John Bowman excellent encore cette année, mais ce sont la constance de l'unité et la présence de joueurs solides aux 12 positions défensives qui assurent le succès du groupe. En effet, aucune faiblesse évidente ne peut être exploitée par ses adversaires. Par sa profondeur, la défense a prouvé qu'elle avait le talent nécessaire pour amortir les contrecoups des blessures occasionnelles. Le plus bel exemple étant la performance de Marc-Olivier Brouillette en remplacement de Hebert.

Enfin, il faut accorder une grande part de ce succès au travail du coordonnateur Noel Thorpe qui effectue un travail remarquable depuis son retour à Montréal. Visiblement, les joueurs endossent sa vision et adhèrent à son système. Les résultats sont concluants depuis le début du calendrier, et les baisses de régime ont été rarissimes au cours des 13 premières rencontres.

Comme tout bon disciple de Don Matthews, Thorpe préconise un système basé sur la pression. Il adore le blitz et l'utilise avec régularité. Mais c'est son dosage qui est remarquable; il semble toujours savoir à quel moment l'utiliser et à quel moment le laisser de côté. C'est un art difficile à maîtriser que Thorpe semble bien comprendre. En effet, plusieurs joueurs m'ont fait part de leur appréciation de la sélection de jeux qu'il effectue en cours de rencontres.

Si on se fie à l'évaluation positive que les joueurs font de Noel Thorpe, peut-être que Jim Popp n'aura pas à aller bien loin pour dénicher le prochain entraîneur-chef.

Plusieurs se demandent si les joueurs défensifs pourraient montrer du doigt les joueurs de l'attaque pour la piètre fiche de l'équipe en 2013. Pourrait-il y avoir bisbille dans le vestiaire, tant les performances des deux groupes sont aux antipodes?

De toute évidence, les joueurs défensifs apprécieraient bien un meilleur apport des unités offensives et spéciales, mais ne croyez pas qu'ils se retourneront contre eux pour leur faire porter le blâme d'une saison difficile.

Comme un joueur de hockey qui veut effectuer le dernier tir de barrage ou un releveur au baseball qui veut se présenter au monticule à la neuvième manche pour mettre un terme à la rencontre, les athlètes professionnels adorent cette pression lorsque le match ou la saison repose sur leurs épaules. La défense est prête à porter cette équipe, et je serais donc très surpris de voir une division dans le vestiaire des Alouettes.