Dans le sport professionnel comme dans le sport amateur, plusieurs athlètes se sentent sous-utilisés et déçus de leur rôle au sein des équipes pour lesquelles ils évoluent. L'insatisfaction et la frustration font partie intégrante du sport. De nos jours, en raison d'une couverture médiatique plus importante et de l'avènement des réseaux sociaux, les joueurs ont maintenant une multitude de forums publics sur lesquels ils peuvent se vider le coeur. Mais est-ce la bonne façon de faire?

Au cours des dernières semaines, plusieurs joueurs de la Ligue canadienne de football ont profité de ces tribunes pour exprimer leur mécontentement. Notamment, Nik Lewis, des Stampeders de Calgary, et Cory Boyd et Jeremaine Copeland, des Argonauts de Toronto, ont plaidé leur cause publiquement, se plaignant de ne pas toucher au ballon assez souvent à leur goût.

Nous comprenons la nature compétitive de ces athlètes et le désir de performance qui les habite au quotidien. Ce sont d'ailleurs ces traits de caractère qui leur ont permis d'atteindre les rangs professionnels. Chacun veut être impliqué et surtout contribuer au succès de l'équipe.

Toutefois, le football étant l'ultime sport d'équipe, l'intérêt du groupe doit primer sur le succès individuel. Si un joueur est moins utilisé dans un système de jeu, c'est bien souvent parce que les entraîneurs croient que ce sera dans l'intérêt de l'équipe.

Plusieurs problèmes surgissent lorsque des joueurs se plaignent publiquement. Des plaintes du genre créent inévitablement des distractions inutiles. Les médias se penchent plus intensément sur les déclarations et questionnent les autres joueurs et les entraîneurs de l'organisation. L'ambiance dans le vestiaire et les tactiques employées sont remises en question. Les membres de l'équipe doivent alors clarifier la situation et s'assurer que tout le monde sait ce qui se passe. Tout cela représente de l'énergie dépensée inutilement à gérer une situation qui n'a rien à voir avec la préparation stratégique en vue du prochain affrontement.

De telles déclarations publiques risquent par ailleurs de créer de la dissension au sein de l'équipe. Certains coéquipiers de ces joueurs insatisfaits s'interrogent sur leur véritable intention et leur motivation profonde à faire partie de l'équipe. On aura alors l'impression que ceux qui se plaignent font primer leurs besoins personnels sur ceux de l'équipe. D'autres joueurs, qui ont plus de temps de jeu, se sentiront visés par ces commentaires négatifs et peu appuyés par leurs collègues.

Il existera toujours des frustrations, mais comme on dit, on doit laver son linge sale en famille. Si un joueur est insatisfait, il doit discuter avec son entraîneur et accepter la critique de ce dernier. En tant qu'athlète professionnel et membre d'une équipe, il faut être mature et respecter les décisions que prennent les entraîneurs.

Ces derniers ont aussi leur part de responsabilité, cela va de soi. Un bon leader doit être en mesure d'évaluer la situation et la réaction potentielle d'un joueur. Ainsi, l'entraîneur peut et doit expliquer sa décision afin que le joueur concerné comprenne et respecte la direction dans laquelle l'équipe se dirige et son rôle au sein de la formation. En tant qu'ancien membre des Alouettes, je peux témoigner de ce type de communication chez Marc Trestman.

Chez les Alouettes, Anwar Stewart a vécu une situation qu'il considérait comme injuste et frustrante au cours de la dernière année. Il a subi une diminution salariale au cours de l'hiver et a vu son temps de jeu réduit considérablement en début de saison. Jamais il ne s'est plaint publiquement. Évidemment, il a répondu aux questions et n'a pas menti en reconnaissant qu'il trouvait la situation difficile, mais il n'est jamais devenu une distraction pour ses coéquipiers.

Au contraire, Stewart s'est servi de cette décision comme source de motivation. Aujourd'hui, il est de retour comme partant sur la ligne défensive et domine la ligue comme il le fait depuis si longtemps. Voilà la définition même d'un joueur d'équipe. Des joueurs comme Stewart constituent certainement une des causes des succès que connaissent les Alouettes, année après année.