Dans la Ligue canadienne de football comme dans toutes les ligues sportives, le «trash-talking» est présent. Cette pratique consiste à invectiver un adversaire afin de l'intimider et de le déconcentrer. En raison de la proximité des joueurs et des contacts réguliers, le football est particulièrement fertile pour ces échanges souvent salés.

Lorsqu'on aborde le sujet du «trash-talking» dans la LCF, le nom de Dwight Anderson nous vient immédiatement à l'esprit. L'année dernière, lors d'un sondage réalisé auprès des joueurs de la Ligue, il avait été nommé «la plus grande gueule» du circuit. Toutefois, il est loin d'être le seul à s'adonner à ce genre de pratique. Plusieurs, dont l'ancien porte-couleurs des Alouettes, Avon Cobourne, aiment bien injurier les adversaires sur le terrain.

Rien n'est tabou dans ce genre de guerre verbale. Généralement, on s'attaque à la qualité de l'autre joueur, on menace d'infliger des blessures sérieuses ou encore on insulte la soeur, la mère ou la grand-mère de son adversaire. Tout pour tenter de le déstabiliser.

À mon avis, plus un joueur se laisse emporter et s'enlise dans le jeu des insultes, plus il a l'air d'un imbécile. C'est ce qui arrive à Anderson à l'occasion. Mais pour un joueur comme lui, il s'agit d'une façon d'aborder les rencontres. Il est primordial pour lui de s'engager dans une guerre de mots avec l'ennemi afin d'élever son intensité et son désir de vaincre. C'est une recette qui, je dois l'admettre, fonctionne pour certains joueurs.

Pour ma part, j'ai une expérience mitigée avec l'invective. À ma deuxième saison universitaire, lors du premier match de l'année, je m'étais dit que j'essaierais de déstabiliser mes adversaires en les insultant. J'ai tellement perdu d'énergie à crier contre les joueurs que j'en ai eu le souffle coupé et j'ai dû recourir au masque d'oxygène sur le banc. Un échec sur toute la ligne.

Ma deuxième expérience a été quelque peu différente. Toujours à l'université, lors d'un match éliminatoire, j'ai profité de l'échauffement pour aborder un adversaire. Je lui ai dit que nous l'avions ciblé comme maillon faible, que nous allions l'attaquer pendant toute la partie et qu'il était mieux d'être prêt. J'ai appris plus tard qu'il en avait discuté avec plusieurs de ses coéquipiers une fois dans le vestiaire et qu'il était préoccupé. Mission accomplie, je l'avais déconcentré.

Ainsi, en me fiant à ma propre expérience, je suis d'avis qu'il y a du «trash-talk» productif et d'autre plutôt négatif. Mais attention: c'est un outil sensible qui peut vite nous causer des ennuis.

Plusieurs dangers guettent les plus volubiles. Ces derniers risquent de se déconcentrer eux-mêmes ou encore de déconcentrer leurs coéquipiers qui peuvent perdre du temps pour calmer le jeu.

Les pénalités sont inévitables pour ce type de joueurs. Les ligues professionnelles n'aiment pas l'image véhiculée par ces gestes et demandent aux arbitres de sévir afin de stopper les excès. Également, en invectivant continuellement l'adversaire, un joueur est beaucoup plus susceptible d'être pénalisé pour d'autres gestes puisqu'il sera observé plus étroitement par les officiels. Finalement, si un joueur tente de déconcentrer un concurrent avec ses paroles, il peut au contraire lui donner une source de motivation supplémentaire.

Il y aura toujours des échanges haineux entre athlètes professionnels sur le terrain. C'est impossible d'y mettre fin. Les joueurs doivent toutefois être conscients des dangers qui les attendent et les ligues doivent faire ce qu'elles peuvent pour éviter les débordements. Nous savons pertinemment que si le «trash-talking» est toléré chez les athlètes de haut niveau, les jeunes feront de même. Il ne faut jamais oublier que nos athlètes professionnels sont des modèles et que chacun de leur geste sera imité par leurs plus jeunes joeurs de niveau amateur.