La position de quart-arrière est l'une des plus difficiles du sport professionnel, certainement la plus complexe. En plus de devoir mémoriser des centaines et des centaines de jeux, il doit assurer leur réussite pendant qu'il est pourchassé par des joueurs de 275 livres. Lorsqu'on considère qu'Anthony Calvillo aura 40 ans l'été prochain, son rendement des dernières saisons est tout simplement phénoménal. Regard sur la super-étoile du football canadien, qui est également devenu un grand leader en cours de route.

Anthony Calvillo est un homme changé. Lorsqu'on interroge les personnes qui le connaissent bien depuis longtemps, c'est une opinion partagée par la plupart d'entre elles.

Au fait, on jure que c'est le jour et la nuit entre le jeune quart-arrière qui est arrivé à Montréal en 1998 et le passeur aguerri qui domine présentement la LCF. C'est ce que pense Anwar Stewart, qui dispute une 10e saison aux côtés de Calvillo.

«Il a changé de façon radicale. Il est passé d'un gars qui était très distant dans le vestiaire à un coéquipier exemplaire, très rassembleur. N'allez pas croire qu'il était un mauvais coéquipier auparavant, car ça n'a jamais été le cas. Mais aujourd'hui, je le considère comme un frère, rien de moins. Il est devenu l'un de mes meilleurs amis», a exprimé Stewart cette semaine.

Bruno Heppell était un membre des Alouettes depuis un an lorsque Calvillo s'est amené après quatre saisons difficiles passées avec le défunt Posse de Las Vegas et les Tiger-Cats de Hamilton. Et comme Stewart, l'ancien centre-arrière estime que Calvillo a beaucoup changé.

«Anthony a toujours été un très bon gars, mais il fut un temps où il ne voulait pas prendre le contrôle du vestiaire et ça, c'est le travail du quart-arrière. Il est toutefois la preuve vivante qu'on peut toujours changer, puisqu'il est devenu un excellent meneur. Je ne pense pas qu'il était un leader né. C'est plutôt quelqu'un qui a dû développer cet aspect de sa personnalité», croit Heppell.

Que ce soit grâce à toute l'expérience acquise en près de deux décennies dans la LCF, aux durs échecs encaissés dans les matchs de championnat, au combat contre le cancer qu'a livré sa femme Alexia, ou pour toutes ces raisons, il y a eu une métamorphose chez Calvillo.

Il a su conserver l'humilité et le professionnalisme qui l'ont toujours caractérisé, mais s'est défait de l'insécurité et la méfiance qu'il dégageait. Écorché par la critique comme peu de joueurs l'auront été dans l'histoire du club, Calvillo a toujours encaissé sans broncher, mais semblait s'être armé d'une carapace. Nombreux sont ceux qui auraient fini par péter les plombs ou qui auraient abdiqué après avoir trébuché aussi souvent dans les grands moments. Pas lui.

Calvillo s'est plutôt contenté d'accumuler les championnats de division (9) et les participations au match de la Coupe Grey (8), tout en s'investissant à fond dans son rôle de père et de mari. «Lorsque j'aurai des enfants, c'est exactement comme lui que je veux être. C'est un père de famille irréprochable», a souligné Stewart.

Aussi bon que Young et Gannon?

Ce n'est par contre pas parce qu'il est un bon papa et un chic type que Calvillo est en voie d'effacer tous les records de Damon Allen. S'il y a eu une certaine évolution sur le plan du leadership, la progression de son jeu a été tout aussi saisissante. Plus le temps file, mieux il joue.

«Il est aussi bon que n'importe quel autre quart-arrière que j'ai eu la chance de côtoyer, et à tous les niveaux. Je le crois sincèrement. Je pense qu'il aurait connu autant de succès dans la NFL», tranche Marc Trestman, qui a été l'entraîneur de quarts-arrière étoiles comme Steve Young, Bernie Kosar et Rich Gannon aux États-Unis.

Il y a quelques années, on aurait pris le commentaire de l'entraîneur-chef des Alouettes avec un grain de sel. Mais on ne rit plus. Trestman demeure une sommité lorsqu'il est question de quarts-arrière, alors qui sommes-nous pour le contredire?

Ce qui est acquis, c'est que Calvillo est nettement supérieur au quart-arrière qu'il était avant l'entrée en scène de Trestman. Quand on lui fait la remarque, on sent toutefois qu'il la prend davantage comme une critique de ses saisons antérieures que comme un compliment sur son rendement actuel. Il en profite alors pour faire remarquer que le succès de presque tous les quarts est le fruit d'un long apprentissage.

«Regardez ce qui est arrivé avec Doug Flutie, par exemple. Il a joué dans la LCF pendant huit saisons, et a été dominant. Mais il était à son apogée au cours de cette période. Il avait commencé sa carrière professionnelle dans la USFL et la NFL. Un quart ne connaît pas du succès instantanément. La plupart sont inconstants avant que le déclic ne se fasse. C'est exactement ce qui est survenu dans mon cas.»

Calvillo a obtenu son premier boulot dans la LCF au terme d'un entraînement tenu dans un stationnement d'un hôtel de Las Vegas... À sa seule saison avec le Posse, en 1994, il n'a complété que 44,3% de ses passes et a totalisé 15 interceptions et seulement 13 passes de touchés. La saison suivante, sa première à Hamilton, Calvillo a cette fois été victime de 21 interceptions. En trois saisons avec les Tiger-Cats, il a totalisé plus d'interceptions que de touchés. Il y a ensuite eu toutes ces défaites en séries après qu'il eut succédé à Tracy Ham chez les Alouettes.

«Ces épisodes m'ont permis de devenir le quart-arrière que je suis aujourd'hui. J'ai mangé mon pain noir, puis les nuages ont fini par se dissiper. Lorsque j'y songe, je réalise que ce fut tout un parcours.»

Et qui se poursuit. La preuve? Calvillo nous a expliqué, mercredi, qu'il avait récemment commencé à faire des exercices afin d'améliorer la puissance de ses passes. «Ça pourrait aider l'équipe», a-t-il noté. Adrian McPherson devra s'armer de patience.